Témoignage d'un détenu

mis en ligne le 2 septembre 2007

À l’occasion du cent-cinquantenaire de l’abolition de l’esclavage, le Sénat a édité une plaquette, accompagnée d’un petit matériel didactique, dont l’envoi est prévu aux mairies, écoles, lycées, etc., afin d’y porter la parole de la République. Ce qui témoigne d’un souci louable d’éducation civique. Mais… qui sait que l’assemblage, ou la mise sous pli, ou tout autre manipulation que nécessite l’envoi de ces brochures, est réalisé par des détenus ? Qui sait que ces détenus travaillent dans des conditions inadmissibles, payés à la pièce, quelques centimes, si peu qu’il leur faut largement dépasser les 35 heures hebdomadaires de travail pour gagner quelques centaines de francs ? Qui sait ce que sont les infractions quotidiennes au Code du travail, en matière de sécurité, de santé, de protection du travailleur, dans les prisons françaises ?

Bien sûr, lors des visites organisées, on ne montre pas à l’édile, au journaliste, au magistrat stagiaire, ces cellules encombrées de cartons, ces couloirs où s’entassent sur des palettes la production de ces esclaves contemporains.

À l’heure où l’on s’inquiète « des conditions insupportables supportées par les travailleurs clandestins » et « du sort pitoyable des sous-traitants de grandes marques dans les pays du tiers-monde », à quand une enquête sur le travail carcéral ?

Philippe Leclerq, détenu à La Santé sous le numéro d’écrou 265 369 V, Cellule 1/143