Peine de mort en Grande-Bretagne

mis en ligne le 21 octobre 2007

Finalement, on a bien raison de dire que le temps porte conseil. La justice anglaise vient de mettre un terme à une affaire judiciaire ouverte depuis 1952.

Derek Bentley avait été arrêté en flagrant délit lors d’une tentative de cambriolage au cours de laquelle un policier avait été tué. Prévenue par des voisins, la police de Croydon (Londres) avait tenté d’interpeller Derek Bentley (19 ans) et son complice Christopher Craig (16 ans). Derek fut arrêté sans résistance mais Chris qui portait sur lui un revolver (ce que son ami ignorait) tira sur un policier qui tentait de le désarmer. Chris étant mineur ne put être jugé comme totalement responsable d’un meurtre et fut condamné à 10 ans de prison. Derek qui lui était majeur, et bien qu’il aie été déjà en état d’arrestation au moment des coups de feu et qu’il n’aie pas eu d’arme sur lui autre qu’un battoir à tapis, fut accusé, jugé et condamné pour meurtre sous l’argument qu’il en avait été l'élément déclencheur en criant à son ami que le policier tentait de désarmer : «Let him have it, Chris».

Cette phrase apparemment banale allait connaître une notoriété dont son auteur se serait bien passé (entre autres, une chanson d’Elvis Costelo). On peut bien sûr traduire cet ordre par : «Donne-le lui, Chris». Mais quand on est flic et qu’on a à cœur de venger son collègue, on peut sans rire témoigner devant une cour d’assise que le prévenu voulait dire en fait quelque chose comme : «Fais-lui son compte, Chris». On ne saura jamais vraiment ce qu’a voulu dire Derek Bentley. Le jugement de la cour d’appel ne s’y est d’ailleurs pas attardé. La cour a cassé le jugement non pas parce qu’elle considère Derek Bentley innocent des faits qui lui étaient reprochés, mais parce que le juge de l'époque avait exhorté le jury d’assise à ne pas laisser la mort d’un policier en uniforme impunie ; commettant ainsi un abus de pouvoir (et une faute professionnelle) caractérisé. Le jugement est donc cassé pour impartialité, vice de procédure, vice de forme, etc.

C’est une victoire pour la famille Bentley et pour une large partie de l’opinion publique anglaise même si le bon sens eut mérité que l’on reconnût qu’un homme en état d’arrestation et armé d’un battoir à tapis ne puisse en toute logique être accusé de meurtre au premier degré par arme à feu. Bien sûr, il n’est pas ici question de bon sens mais de loi, alors ça nous échappe un peu à nous autres anarchistes. Derek Bentley, lui, s’en fout un peu de toutes ces réflexions. Il a été pendu le 9 janvier 1953 à 9 heures du matin. Il avait 19 ans ; c'était un «retardé mental» (comme on disait à l'époque) d’un âge mental de 11 ans.

Andi B.