Ernestine écrit partout

mis en ligne le 12 avril 2004

« Ernestine Chasseboeuf »

Ernestine Troispoux est née en 1910 à Botz-en-Mauges. En 1928, elle épouse Edmond Chassebœuf dont l'un des ancêtres, Joseph-Marie, est mort assassiné par les royalistes au combat du Pont-Barré en 1793. En 1937, elle ouvre un CCP pour acheter la Citroën et va à Paris pour l'exposition universelle. En 1970, Edmond meurt. En 1999, elle rend son téléphone et se met à écrire.

Un peu à tout le monde.

À M. le Directeur des chèques postaux. À M. Scipion, des mots croisés, du Canard enchaîné. À M. le Responsable de la réclame de France Inter. À M. le Directeur du magasin Carrefour je positive. À M. le Poète Jules Mougin (facteur à la retraite, pacifiste notoire, qui avait pris la plume pour écrire à un colonel bien connu en ces termes : « M. Bigeard, je voudrais vous dire que je ne vous aime pas »). À M. le Maire de Beaulieu-sur-Layon. À M. Alain Raymond, programmeur à Télérama. À Michel Grégoire, directeur de l'après-midi à France Inter. À M. le Directeur des oiseaux, LPO, etc. À M. le général Eblé, directeur de la caserne porte ouvertes. À M. le Directeur des chemins de fer. À M. le Directeur de Coca-Cola France, etc.

À ce dernier, elle écrit : « C'est un peu inquiète que je vous écris à propos de ce que j'ai entendu dans le poste... Votre boisson, c'est pas pour moi, vu mon âge, mais j'en achète quand même un ou deux litres par an pour faire tremper les vieilles pointes que je trouve, ça enlève bien la rouille et après il y a plus qu'à les détordre, elles sont comme neuves. Je voudrais bien savoir quand même s'il faut que je mette des gants avec votre nouveau Coca transgénique pour tripoter mes pointes, des fois on peut attraper des boutons ou des allergies et pour des vieilles personnes il y a du danger. Mais, rassurez vous, j'en ai jamais bu... »

On l'aura compris, Ernestine, qui habite quelque part entre Angers et Saumur, et qui a eut son certificat d'études en 1923, n'hésite pas à écrire ce qu'elle a sur le cœur aux maîtres du monde comme aux puissants de la France, des chemins de fer, ou de sa commune. Et ses lettres sont absolument délicieuses. De pertinence. D'audace. De bon sens. De cris du cœur.

À les lire, on se pisse littéralement dans les culottes.

Et je vous cause pas des réponses que ces guignols lui ont fait. C'est encore plus hilarant de platitude, de crétinerie, de veulerie et de médiocrité.

Un grand merci à toi, Ernestine, pour ces évidences causées « peuple » et énoncées en une langue somptueuse de malices à l'encontre d'un système social et sociétaire qui nous prend tellement pour des cons qu'il s'imagine que tu et que nous puissions être !

Le « grand » Lénine disait : « Nous pendrons les capitalistes avec la corde que nous leur aurons acheté... à crédit. »

Merci à toi de nous démontrer qu'il est des pendaisons...