Dans les cerveaux, la vase

mis en ligne le 4 mars 2010
Les campagnes électorales ont toujours quelque chose d’un peu jubilatoire, d’un peu jouissif même et celle actuellement en court ne dépare en rien des précédentes ni sans doute des futures.
Spectacle affligeant et désolant mais pouvions nous attendre à autre chose. Et surtout à qui ce petit jeu à la con va-t-il servir ?
Ali Soumaré, tête de liste du Parti socialiste dans le Val d’Oise aux prochaines élections régionales, était jusqu’il y a peu un illustre inconnu du grand public mais pas des flics visiblement ni de ses adversaires politiques. Sans doute sont-ils les mêmes ? On n’ira pas jusque-là, encore qu’il n’y a rien d’infamant à être à la fois flic et de droite, c’est souvent un peu la même chose. Ali Soumaré donc vient la cible d’attaque au gros calibre de ses adversaires directs à propos de son passé de petites gouapes de banlieue. Le hic c’est qu’il s’agissait d’un homonyme. Eh oui les vilains cocos, non seulement ils se ressemblent tous mais en plus ils portent le vice à porter le même nom.
Intéressant tout de même de voir qui Ali Soumaré a en face de lui. Axel Poniatowski, prestigieux descendant d’un maréchal d’Empire, d’un roi de Pologne et d’une lignée de Versaillais et surtout digne rejeton de son père, ancien souteneur de l’OAS, ancien ministre de l’Intérieur de Giscard d’Estaing, qui se faisait fort de terroriser les terroristes et avait souhaité se prononcer pour la peine de mort envers Patrick Henry, s’il avait été juré lui-même. C’est vrai qu’avec une hérédité pareille il ne faut dès lors plus s’étonner de rien.
L’artillerie lourde a donc été sortie. On astique les cuivres, on cire les guêtres et roule… Dénonciateur de la méthode le PS va cependant utiliser le même procédé. C’est pas malin, ça sent le procédé à plein nez mais tout de même. Ainsi dans une interview au Parisien du 25 février dernier on peut y lire ceci : Je vous ai amené un document très intéressant qui est l’édition du Petit Varois du 11 novembre 1965, a déclaré Peillon jeudi sur LCI, alors qu’il était question de l’affaire Soumaré. Le titre : En correctionnelle, deux jeunes dévoyés en vacances à La Croix Valmer avaient essoufflé la police ». « La fin, a-t-il ajouté, nous apprend que ces deux jeunes avaient volé une Simca 1000, volé des moteurs de bateaux, avaient des papiers d’identité faux, des plaques d’immatriculation fausses, avaient avec eux un pistolet 6,35 et avaient fait courir la police. J’ai cherché les noms et c’est finalement une jolie anecdote, on a deux noms : MM. Alain Madelin, Patrick Devedjian. ». Que cette anecdote connue depuis longtemps ressorte maintenant c’est de bonne et saine guerre. Ce qu’oublie, ou feint d’oublier, Vincent Peillon c’est que Madelin et Devedjian étaient d’anciens militants zélés d’Ordre Nouveau, organisation d’extrême droite dans les années soixante-dix et qui avait échangé quelques paquets d’os avec la Ligue communiste, conduisant l’une et l’autre à leur dissolution par le ministère de l’Intérieur Raymond Marcellin (celui de la loi anti casseurs) en 1973.
Au bout du compte, on constate que l’absence d’arguments et de sérieux va générer de types de comportements et qu’il pourrait bien subvenir un chevalier blanc. Suivez mon regard… Plus grave cependant ce fut la diffusion de toutes ces informations strictement confidentielles à propos d’Ali Soumaré et de son homonyme qui n’en demandait sans doute pas tant. Alex Türck, président de la CNIL (qui vaut ce qu’elle vaut) résume bien les dangers que les commissariats aux archives font courir pour les libertés qu’il nous reste : Personne ne peut dire le contraire. La preuve en est que le directeur général de la police nationale lui-même, Monsieur Péchenard, a dit souhaiter procéder à des vérifications. Je lui ai écrit (jeudi) pour lui dire que nous souhaitions obtenir des informations sur cette affaire. Parce qu’il est bien clair que, s’il s’agit d’informations venant du Stic, (Système de Traitement des Infractions Constatées — fichier géré par la police) cela pose un très gros problème. Cela veut dire qu’un officier de police judiciaire, qui fait partie de la liste des personnes ayant une habilitation, a pu accéder à ces données, pour des raisons hors service, et a confié l’information à une personne qui n’avait aucune raison d’en être destinataire.
Là, on est bien loin de l’anecdote.