Le roquet Zemmour et le latrinesque Besson, ou l’inverse…

mis en ligne le 8 avril 2010
Éric Besson est outré. Oui, oui, l’odieux ministre « de l’Identité nationale », qui ne versera sans doute jamais une larme sur les « expulsés », « chartérisés » et prisonniers des centres de rétention dont il a la charge, avec ce zèle propre aux séides qui veulent montrer toute l’ampleur de leur allégeance au nouveau maître qui les nourrit, Besson, dis-je, se sent offensé… par un billet humoristique assez savoureux de Stéphane Guillon, pitre sur France Inter. Certes, pas vraiment une affaire importante mais tout ce qui se trame dans les médias de masse mérite notre attention.
Non content de railler Besson en prenant le ton, l’accent et le volume sonore sans équivoque d’un officier allemand vociférant ses ordres scélérats, Guillon usa d’un procédé comique courant (les registres de l’humour ne sont pas si variés que ça, c’est leur combinaison habile ou non qui provoque le rire ou l’ennui) et fit ce que les caricaturistes et les fabulistes font depuis des lustres : dénoncer le moqué en amplifiant à l’envi quelque trait morphologique ou psychologique qui le caractérise. Ainsi, Besson a « des yeux de fouine, un menton fuyant, un vrai profil à la Iago, idéal pour trahir ». Rien de terrible, rien qui justifie l’outrance de l’outragé, quand le ministre déclare que Guillon utilise « les méthodes de la presse d’extrême droite de l’entre-deux-guerres ». (Ce même ministre qui n’admet pas que l’on qualifie de « rafle » les… rafles ordonnées par le gouvernement auquel il appartient.) Fine allusion, peut-on supposer, à des journaux orduriers comme Gringoire, L’Action française, Candide, Je suis partout, etc., dont la cruauté de ton, le nationalisme et l’antisémitisme (les métèques, comme on disait à l’époque) sont bien connus. Gringoire et Je suis partout (journal maurrassien), portant atteinte à l’honneur du ministre du Front populaire Roger Salengro, acculèrent ce dernier au suicide. Besson, dans son for intérieur, se prend-il pour un Salengro potentiel ? Allons, allons, un homme qui jure fidélité à son camp, le PS, quelques jours avant de lui cracher à la gueule, en ne concevant pas un seul instant qu’il y eût là la moindre immoralité, pour ensuite aller ventre à terre demander l’adoubement sarkozien et devenir son docile vassal, cet homme-là ne peut se sentir aussi vulnérable… Alors foin de fouine, et fuyons la très peu offensante description de son menton (rien à voir avec ce qu’avait dit en son temps Pierre Bergé de Lionel Jospin, en s’exclamant que le dadais présentait un « menton mussolinien »). En fait, c’est la dernière partie de la citation de Guillon qui fait mouche – mais que n’ont pas daigné relever les commentateurs patentés, y compris le pontifiant philosophe télégénique André Comte-Sponville, qui s’offusquait récemment, sur France 3, de si basses attaques, révélatrices, selon son excellence, d’un état d’esprit « méprisable », puisqu’« attaquer quelqu’un sur son physique, c’est méprisable » et que « tout intellectuel, tout journaliste, tout démocrate doit évidemment se l’interdire ». Comte-Spongieux doit donc se réjouir de la disparition de Siné Hebdo, et nul doute qu’il verrait dans Le Monde libertaire et ses dessinateurs au crayon corrosif et truculent les parangons de la transgression de cet interdit sacré. Ah oui, ma bonne dame, ce Comte-Spontex, c’est un vrai démocrate (à défaut d’être un vrai Démocrite…). Reste que Guillon ne convie fouine et menton fuyant à sa revigorante satire matutinale que pour questionner l’essentiel, à savoir la dérive extrême-droitière de Besson, son aptitude à dépasser avec zèle la dégueulasserie d’un Brice Hortefeux. C’est en cela qu’il est comparable à Iago, le traître de la pièce de Shakespeare, Othello ou le Maure de Venise. Le stipendié, le félon que Shakespeare dépeint en suprême ambitieux, emporté par la jalousie qu’il éprouve envers Othello le Maure. Le Maure ou l’Arabe. L’Autre. L’Étranger. L’analogie est intense, elle est juste, indubitablement juste.
Guillon fait rire aux dépens de certains notables, il fait devenir chèvres (encore une allusion animalière) Philippe Val et Jean-Luc Hees, respectivement patrons de France Inter et de Radio France. Sa farce a conduit Hees à se comporter en laquais, lorsqu’il s’est senti obligé de présenter ses excuses à Besson, donc au gouvernement, donc à Sarkozy. Brosse à reluire et langue chargée – à force de lécher les pompes des puissants – seront apposées sur ses armoiries, pour service rendu à l’ordre établi. Pendant ce temps, les crapules de droite s’abandonnent à leurs inclinations nauséabondes. Celles de Poniatowski et consorts dans l’affaire Ali Soumaré, ou de Gérard Longuet, le président des sénateurs UMP, selon qui le socialiste Malek Boutih n’était pas un bon candidat pour présider la Halde (Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité), car n’appartenant pas au « corps français traditionnel ». Ni Besson, ni Hees, ni Comte-Sponsor et Cie ne s’empressent d’aller fustiger le cofondateur d’Occident, mouvement d’extrême droite des années 1960 (précurseur du Gud), et rédacteur du premier programme économique du FN…
Mais bien entendu, le bouffon radiophonique n’est pas exempt de reproches. Notamment quand il s’abstient de dézinguer Zemmour, péremptoire péroreur, Finkielkraut au rabais, quand ce sinistre plumitif considère qu’en France les dealers sont principalement des Noirs et des Arabes (« C’est un fait », clame-t-il) et ce dans une émission de Canal+ où Guillon tient chronique auprès du pseudo-provocateur Thierry Ardisson. Les médias de masse, les médias industriels sont des trous sans fond de la collusion et de la compromission. Quant au raciste et masculiniste Éric Zemmour, une autre catilinaire à venir dans le Monde libertaire réglera quelques comptes avec lui.