Le danger vient de la mer

mis en ligne le 9 juin 2010
1599PiratesScandale ! Depuis quelques années, des Somaliens affamés tentent de récupérer sur le dos des bateaux croisant dans les eaux internationales, au large de leur pays dévasté, de quoi vivre. Hou les pirates ! Révoltée, la communauté internationale arme des bateaux de guerre pour rétablir l’ordre et ainsi ajoute au peuplement des prisons déjà surpeuplées de nos pays.
Pas scandale ! Le lundi 31 mai, un pays surarmé aborde des bateaux désarmés dans les eaux internationales et tue neuf personnes, en blesse un nombre indéterminé et retient plus de cinq cents personnes pour des contrôles approfondis (sic). Finalement, devant la grogne internationale, ils seront tous expulsés. La communauté internationale réagit en sortant son mouchoir pour éponger ses larmes de crocodile.

Les raisons de la connerie
Mais que s’est-il réellement passé ? Il ne sert à rien de revenir sur les événements proprement dits. Les gazettes en ont fait leur beurre. Par contre, ce sont les explications des raisons qui manquent. On ne peut pas parler de bavure à cette échelle. Il ne s’agit pas d’une erreur. La décision a été prise par un cabinet d’urgence de sept ministres. Un éditorialiste du journal de gauche israélien Haaretz, ancien ministre lui-même, parle de sept idiots. On est bien obligé de répondre affirmativement. Ce n’était pas un accident. Car la situation devient de plus en plus grave et inextricable pour l’establishment israélien.

La situation internationale
Le principal soutien d’Israël est aux États-Unis. Le grand souci des Américains est de sortir du bourbier afghan, du piège irakien et du nucléaire iranien. Les États-Unis ont besoin d’avoir les mains libres dans leur tête-à-tête avec la Chine. Pourtant, ce qui empêche le président américain de passer la patate chaude du Moyen-Orient à ses amis arabes est sa tolérance vis-à-vis d’Israël. Mais les choses sont en train de changer, doucement, trop lentement certes, mais sûrement, parce que le lobby juif conservateur Aipac est en train de perdre du terrain face à JStreet, un rassemblement juif de gauche, soutien d’Obama, qui s’est créé afin de mettre un terme au conflit israélo-palestinien par la négociation.
En Europe et particulièrement en France, une pétition a circulé qui émanait de la partie silencieuse de la communauté juive. Porté par quelqu’un d’aussi peu antisioniste que l’icône médiatique Bernard-Henri Lévy, ce texte révèle une angoisse réelle quant à la situation d’Israël aujourd’hui : « Nous voyons que son existence est à nouveau en danger. […] Nous savons que ce danger se trouve dans l’occupation et la poursuite ininterrompue des implantations en Cisjordanie et dans les quartiers arabes de Jérusalem Est, qui sont une erreur politique et une faute morale. Et qui alimentent, en outre, un processus de délégitimation inacceptable d’Israël en tant qu’État. »

Le danger palestinien
Israël est en guerre depuis plus de quarante ans et s’est construit autour de cette guerre, autour de son armée, autour de cette économie mi-civile mi-militaire, ce qui en fait un pays gangréné, qui aurait les plus grandes difficultés à vivre en paix. En plus de cette situation, Israël a semé des métastases dans les « territoires occupés », des enclaves peuplées illégalement, concédées aux partis de droite, laïcs ou ultrareligieux, qui seuls permettent aux grands partis d’avoir la majorité pour gouverner. En cas de paix, les habitants de ces petits territoires ne pourraient pas être expulsés. Ce qui ferait alors d’une Palestine réellement indépendante un pays sans unité géographique.
C’est l’attitude de la Haute Autorité palestinienne qui pose le plus grand problème à Israël aujourd’hui, bien plus que le Hamas. Elle a décidé de mettre de côté le sempiternel refrain antisioniste et de tenter de développer l’économie locale là où elle a les mains libres. Ce qui n’est pas sans susciter la colère des militants les plus radicaux. Des investisseurs privés viennent d’annoncer avoir un résultat net consolidé au premier trimestre de 2010 qui s’élèverait à plus de 10 millions de dollars. Cette région devient donc de fait un endroit où il peut être intéressant d’investir pour les capitalistes israéliens et plus seulement un réservoir de main-d’œuvre. D’autre part, le seul endroit où la lutte continue contre Israël sont les villages limitrophes du mur, mais de manière délibérément non violente. Cette sorte d’ennemis ne justifie pas un budget militaire de 9 milliards de dollars, dont un tiers est fourni par les États-Unis.

L’appel à la guerre
Pour prolonger l’état de crise, les militaristes des deux côtés poussent aux crimes, soit comme avec cet acte de piratage et la demande de bombardement de l’Iran, soit avec des fusées pourries dites Kassam. De part et d’autre, les tenants du pouvoir s’accrochent à leurs outils de terreur. De part et d’autre, il n’y a qu’une seule peur, c’est de voir les laïcs palestiniens et israéliens s’unir et rejeter les religieux en tout genre. Il ne s’agit pas de renvoyer dos à dos les peuples palestinien et israélien mais de refuser de prendre parti pour un gouvernement.