Trente-sept ans et demi et pas un quart d’heure de plus

mis en ligne le 16 juin 2010
Les embouteillages ont au moins quelque chose de salutaire : ils permettent d’écouter la radio. Ainsi donc à 18 heures ce soir, vendredi 28 mai, lendemain de manif un peu traîne-savates, les choses sont désormais dites : « Les classes sociales sont abolies par la magie du sport. » C’est la ministre de la Santé qui l’a dit sur France inter. C’est forcément vrai. On ne va pas demander à une radio publique dirigée par Philippe Val de ne faire que du social, mais proférer des telles âneries est à la limite du scandaleux. Mais si c’était vrai ?
Parce que dans la manif d’hier (je parle de celle de Paris), entre deux punchs du syndicat du livre et les cocas (light) de la CFDT, les divergences et les avis contraires sur les vertus et les défauts de la dream team des vingt-trois retenus pour la Coupe du Monde ont parfois filé bon train.
Mais pas seulement. Il est néanmoins vrai que la future organisation d’une grande compète de football a complètement relégué au second plan, voire même au troisième, la préoccupation majeure du moment : le nouveau hold-up social sur les retraites. Qui se souvient de l’été 1993 où les conditions d’accès à une retraite à « taux plein » faisaient passer de 37,5 ans à 40 le nombre d’années cotisées sur une base de calcul sur les vingt-cinq meilleures années au lieu des dix auparavant, et dont la revalorisation fut désormais calculée non plus sur les salaires mais sur l’augmentation des prix. Réforme promulguée, en catimini, en plein été, par Édouard Balladur qui lui, il est vrai, a assez peu de soucis à se faire pour ce qui concerne son propre avenir.
Période estivale aidant, les protestations furent malheureusement timides. Ce sont les carrières longues en revanche qui ont eu le plus à souffrir de cette saloperie. L’espérance de vie de Balladur est certainement supérieure à celle de certains métallos ou ouvriers du bâtiment, pour ne citer qu’eux. Alors bon, pourquoi ne pas se lâcher !
Deuxième étage de la fusée, la loi de Fillon de 2003 dont la mesure phare était l’allongement progressif de la durée de cotisation.
Voilà où nous en sommes. Le retour aux 37,5 ans est désormais abandonné par la plupart des grandes confédérations et l’annonce du probable recul de l’âge de départ sera sans doute l’objet d’une négociation donc d’un renoncement. Sans parler des régimes spéciaux qui habilement et cyniquement ne sont pas pour l’instant touchés, histoire d’accentuer les divisions entre salariés du public et du privé et surtout pour tenter de désamorcer l’importance du mouvement social qui se met en place.
La nouveauté est sans nul doute l’apparition, la tentative, la tentation, de taxer le capital. Mais que faut-il imaginer de ce côté ? Taxer toutes les transactions financières, les dividendes, les stock options, supprimer le bouclier fiscal, pendre les spéculateurs avec des cordes à piano et faire pleuvoir les financiers du haut de leurs gratte-ciel, pourquoi pas. Le petit peuple de Neuilly étrangement minoritaire en nombre serait-il bien avisé de serrer les fesses ? On n’en est pas encore là mais bon guieu de bon guieu que ça démange de voir les patrons faire sous eux. Va falloir que j’en parle à ma prochaine réunion syndicale.