Calais : des fauves racistes persécutent leurs proies humaines

mis en ligne le 1 octobre 2009

Ceux qui dansent la Valls du pouvoir finissent toujours par choir dans le puisard. Tel est le cas de Éric Besson, présentement ministre des expulsions et de l’insanité nationale. Voulait-il en foutre plein les mirettes à tous ceux qui, comme lui, ont la hyène des étrangers ? Quoi qu’il en soit, après sa wagnérienne opération du 22 septembre à Calais, il aura bien flatté leurs pulsions de chacals.
Le soir même, un vieil outlaw de la Fédération anarchiste faisait part de son sentiment à ses compagnons. Selon lui, même pas dix jours après, le rouleau compresseur des médias qui mentent aura complètement aplati jusqu’au moindre souvenir de cette funeste journée. Il est fort possible, voire probable que notre renard argenté (quoique souvent fauché), auteur de cette prédiction, dise vrai. Mais les fidèles lecteurs du Monde libertaire (a minima !) méritent bien que leur hebdomadaire favori se penche avec attention sur le dernier « exploit », et les menteries qui vont avec, du condottiere Éric Besson, ce sera le meilleur stimulus pour maintenir vivante leur mémoire.
Bref rappel des faits. Premier jour de l’automne 2009 dans l’hiver permanent des migrants sans papiers. Le bleu de la nuit se dissipe, place aux bleus mandatés pour accomplir le noir dessein de Besson : écrabouiller l’improbable lieu de vie des clandestins de Calais et en rafler le maximum par la même occasion. Un chœur de cinq cents trolls casqués écume les bois, la bave aux lèvres, tout à son excitation de traquer le gibier humain pris dans la nasse. Juste après eux, de « braves gens » jouent de la tronçonneuse pour couper les arbres au milieu desquels nichent des « oiseaux » rigoureusement identiques à nous-mêmes. Enfin, en conclusion de ce mauvais opéra, les grosses caisses des bulldozers scandent l’air du Crépuscule des lieux. Eric von Karabesson, l’homme qui conduit d’une main de fer l’orchestre sadico-symphonique des expulsions, affiche une trogne d’où suinte une visqueuse poix de satisfaction. Eh oui, le montant de la recette du jour le comble, vu que 276 étrangers en « situation irrégulière » ont été interpellés, dont 135 mineurs. Oyez le verbatim de ce vénéneux personnage : « Il n’y a eu aucune brutalité envers les migrants […] Ce que nous avons démantelé, c’est la base arrière de passeurs, de tous les trafics dans le Calaisis. » Au sujet de sa première assertion, sans doute évoquait-il son seul cas personnel, si l’on songe que sa migration du PS pour rejoindre les écuries d’Augias du gouvernement ne lui a valu aucun coup de tonfa sur le crâne. Quant à la seconde, la remémoration de l’épisode « Sangatte 2002 » aurait du l’inciter à fermer son clapet. Retour en arrière. En 2002, un certain N. S., alors ministre de l’Intérieur, avait fanfaronné : « La fermeture du camp de Sangatte réglera définitivement le problème des exilés. » Or la situation actuelle est strictement identique à celle qui prévalait du temps où le locataire actuel de l’Élysée cherchait (déjà) à séduire l’électorat du Front national en désignant à leur vindicte les étrangers (rajoutez « sans papiers » si vous le désirez, mais n’oubliez pas que c’est loin d’être une règle invariable). En vérité, d’autres camps de fortune se créeront immanquablement ici ou là… tant que l’Angleterre aimantera leurs espoirs et/ou que la France continuera à se torcher avec l’article 13 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, article qui stipule, en belles lettres : « Toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l’intérieur d’un État. » Mais convenons ensemble que, d’ici à ce que le « pays des droits de l’Homme et du citoyen » ne s’essuie plus le fondement avec ce texte, bien des chaloupes surchargées de migrants fuyant : leur pays en guerre, les persécutions dont ils sont victimes ou tout simplement la misère découlant bien souvent du pillage de leurs régions par les puissances riches, auront chaviré. Dans les discours officiels, moult représentants de Marianne se rengorgent comme des pigeons en excipant de la longue tradition d’hospitalité de la France. Examinons soigneusement ce que cache le pif de ces Pinocchio tricolores. En France, la part d’acceptation des demandes d’asile dit « conventionnel » est passée de 80 % en 1991 à 20 % en 1999 et à moins de 10 % en 2007. Toujours au pays de la baguette, il y avait, en 2007, 130 000 personnes réfugiées, soit 0,25 % de la population française. Une affligeante formule postulait que « la France ne peut pas accueillir toute la misère du monde », cette fausse évidence contribue à alimenter le mensonge suivant : « Il y a de plus en plus d’étrangers en France. » Or le dernier recensement de la population en 2005 rapportait la présence de 3 501 000 personnes étrangères en France (personnes nées à l’étranger et personnes étrangères nées en France). En 1982, ils étaient 3 520 668. Faisons un sort également à une autre contre-vérité : une régularisation des sans-papiers provoquerait un « appel d’air » et de nouvelles vagues d’immigration. En Espagne, en Italie, au Portugal et en Grèce, des centaines de milliers d’étrangers ont été régularisés sans que des vagues d’immigrants submergent ces pays pourtant en « première ligne ». Notons par ailleurs que depuis 2002, selon les calculs de l’OCDE, « la moitié de la croissance du PIB (en Espagne) peut être directement attribuée à l’immigration, du fait de son impact positif sur la population, l’emploi et le revenu par habitant » (chiffres et citations puisés dans la Chronique, mensuel d’Amnesty international, du mois de janvier 2009).
Émirs des pays pétroliers, maffieux russes, satrapes à la peau d’ébène spécialisés dans le pillage de vos pays, escrocs de haut vol sans frontières, affameurs des peuples… réjouissez-vous. Avec ou sans papiers en règle, vous n’êtes pas des parasites et encore moins des étrangers. Vous êtes des « investisseurs », des « créateurs de richesse », vous ferez toujours l’objet d’attentions empressées et serviles de la part de la France (surtout n’oubliez pas de prononcer le mot France avec des trémolos dans la voix).
Tout cela vous donne envie de cracher à la gueule de tous les salopards qui perpétuent un monde aussi inique tout en projetant leurs glaviots sur nos têtes ? C’est bien, cela montre que votre colère croît. Or, de la colère à l’action, la marge est ténue. Vous salivez d’avance à cette idée ? Tant mieux car, franchement, c’est vraiment pas le moment de Calais.

Sami Chemin