Les prolétaires seront des révoltés, ou ils crèveront

mis en ligne le 1 mars 1956
Le Daladier de 1956 s'appelle Guy Mollet. Il a baissé son froc devant le brouet visqueux des nationalistes forcenés. Les anciens cons… battants, alliés aux néo-fascistes poujadistes et aux étudiants fils à papa, ont montré qu'ils étaient là aux ordres de la religion et de la patrie, pour sauver la morale chrétienne et hiérarchique.
Guy Mollet, le dur, comme tout social-démocrate qui se respecte a nagé en eau trouble. Son seul acte héroïque, fut de défendre le général Catroux, fayot de service du parti socialiste, grand, je ne sais quoi, de la Légion d'honneur. Où est-il le temps où les marxistes crachaient sur les « crachats » ? Les conciles de la cité Malesherbes ont rejoint ceux du carrefour Châteaudun, la gueule de travers et le rire baveux, ils battent monnaie dans les écuelles des buveurs de sang.
Après la monstrueuse duperie du Front populaire de 1936 que la cinquième colonne des fascistes de Moscou veut nous ressortir comme l'argument des arguments, nos sociaux-démocrates eux, se contentent d'un Front républicain destiné à sauver l'autorité décadente de l'État et du principe gouvernemental.
Les méthodes des imposteurs marxistes changent, mais les buts restent les mêmes. On accepte toutes les alliances, toutes les compromissions du moment qu'on participe au gâteau gouvernemental. Les communistes sont prêts à serrer dans leurs bras, ces socialistes qui sont leurs pires ennemis, dans le seul espoir de pouvoir obtenir un petit coin de l'autorité gouvernementale. Les socialos trempent partout, ils prennent le pouvoir en acceptant d'abdiquer toutes leurs promesses au profit de ceux qui leurs permettent de se maintenir au pouvoir.
La fiction gouvernementale est tellement discréditée aujourd'hui que les efforts – si efforts il y a - de Guy Mollet et des socialos pour revaloriser un système qui n'a plus cours semblent ridicules. La tentative socialiste ne sauvera pas le système gouvernemental.
Le parti de Guy Mollet, avec l'appui des frères de Mendès-France et l'accord tacite des nationaux-bolcheviks est la demi-mesure contre l'offensive néo-fasciste du gouvernement à outrance que veut nous servir M. Poujade, pantin des gros capitalistes privés.
Mais aujourd'hui, il n'y a pas de demi-mesure.
Il va falloir choisir entre le gouvernement et l'anarchie.
Pour les travailleurs de ce pays, il n'est plus possible de choisir. Après l'épopée maknoviste (plus bel épisode de la révolution russe), après l'expérience espagnole de 1936, après la soi-disante « Libération » de la France, il n'y a plus que les imbéciles pour accorder crédit aux méthodes gouvernementales, même en période révolutionnaire.
L'anarchie a pour mission de sonner la révolte des prolétaires, mais n'a rien à faire avec les raisonneurs qui, au nom du « sérieux » passent leur temps à converser sur un ton amical et quelquefois fraternel avec les endormeurs de la politique et de l'autorité.
Les seuls rapports que nous pouvons avoir avec ces raisonneurs, sont ceux qu'on entretient avec des ennemis que l'on combat.
Le parti socialiste a tellement peur de voir disparaître le fromage gouvernemental qu'il met tout en œuvre, et son appendice Force Ouvrière entre ouvertement dans la lutte, par la voix du célèbre Richard de la Fédération des cadres (sic), de la C.G.T.-F.O. Les sociaux-démocrates et les syndicalistes maisons ne savent plus à quel saint se vouer.
S'il peut paraître normal que les politiciens marxistes défendent le principe gouvernemental leur procédé devient grossier lorsqu'ils font chanter le refrain aux organisations dites « syndicales », et pour ceux qui avaient encore quelques illusions, F.O. a écrasé la C.G.T. dans le domaine de l'ignominie.
Au moment où s'effondre le principe de tout système gouvernemental, c'est là que F.O., à l'appel des politiciens socialistes, trouve le moyen d'appeler les travailleurs à la défense des institutions gouvernementales, républicaines et nationales.
Alors que le syndicalisme niait la nation, l'État et les gouvernements, au moment où ces mots représentaient encore quelque chose pour la bourgeoisie, le syndicalisme de F.O. (je ne parle pas du syndicalisme nationaliste moscovite de la C.G.T., ni au fascisme clérical de la C.F.T.C.) en est arrivé à endosser la défroque du gouvernementalisme.
Le capitalisme aujourd'hui n'a pas de meilleurs défenseurs que les politiciens marxistes.
Les anarchistes, qui préconisent inlassablement la disparition de l'État, des gouvernements et de toutes formes d'autorités et de centralisme, sont considérés volontiers comme des gens retardataires, qui n'ont rien appris…, c'est là la thèse qui résout tout, et qui permet à nos marxistes et à nos réformistes de justifier toutes leurs trahisons. Parce qu'ils haïssent l'action, parce qu'ils haïssent la révolte.
On pouvait penser jadis, alors qu'ils n'avaient pas encore touché au pouvoir, que les politiciens marxistes défendaient un idéal, une méthode d'émancipation ouvrière. On a la preuve, irréfutable aujourd'hui que leur seul but est de préserver leur fromage gouvernemental et parlementaire, c'est-à-dire leurs profits louches, leurs fainéantises sacrées et leurs sales réjouissances de maquereaux vérolés.
Ces gens-là ont beau semer leurs germes de démoralisation parmi le prolétariat.
Celui-ci devant l'étouffement qui le menace, sait que les travailleurs seront des révoltés, des anarchistes, ou ils crèveront.

Raymond Beaulaton