Marseille en effervescence

mis en ligne le 28 octobre 2010
Difficile de répertorier tous les mouvements sociaux actuels à Marseille. Certains sortent du lot, d’autres ne sont pas médiatisés.
Ce qui fait la force de ces mouvements c’est qu’ils ne se limitent pas à une lutte catégorielle, mais qu’ils ont tous ont un point commun : la lutte contre la contre-réforme des retraites.

Tour des luttes
Tout d’abord, les grèves ponctuelles. Elles rassemblent de plus en plus de monde et sur une base intersyndicale. Certes, les manifestations du samedi permettent aux gens du privé de pouvoir venir et aux familles de profiter du grand soleil, mais les manifs, les jours de grève, ne désemplissent pas ! Je passe sur les chiffres, les flics divisent systématiquement par dix ceux des syndicats, car tout le monde est d’accord sur un fait : la mobilisation ne fait qu’augmenter en nombre de participants.
Mais les grèves ponctuelles finissent par lasser et cela a poussé des travailleurs à se mettre en reconductible. Des préavis tombent tous les jours, dans tous les domaines et encore plus depuis le 12 octobre, qui semble être un tournant dans la mobilisation. Ce n’est guère étonnant car que ce soit les métiers où les femmes sont surreprésentées (des métiers que les femmes commencent très souvent en contrats précaires) ou les métiers qui exigent beaucoup du corps (mécaniciens sur les trains, etc.), les répercussions du recul de l’âge de la retraite sur la vie de ces travailleurs sont immédiatement perçues.
Si l’intersyndicale prépare essentiellement les grèves ponctuelles ou les actions en dehors des jours travaillés à la base les manifs, les actions, la grève c’est tous les jours. Ainsi, entre le 12 octobre et le 16 octobre, les agents des impôts poursuivent leur grève reconductible commencée une semaine avant ; les agents du Trésor ont reconduit le 13 octobre au matin leur mouvement de 24 heures ; des territoriaux de la ville et de la communauté urbaine (essentiellement les cantinières) reconduisent quotidiennement leur arrêt de travail de 24 heures depuis le 23 septembre et ont annoncés qu’ils s’arrêteront pas avant le 23 octobre ; même topo chez les territoriaux d’Istres, Martigues, Port-de-Bouc, Miramas et Port-Saint-Louis ; les salariés des terminaux pétroliers du grand port maritime de Marseille (ex-port autonome) sont en grève de 24 heures reconductible depuis le 27 septembre ; les dockers de Marseille et de Fos ont renouvelé leur décision de cesser le travail durant les week-ends ; les salariés de Boluda, entreprise de remorquage, sont en grève reconductible, comme les marins de la SNCM (Société nationale maritime Corse Méditerranée) et de la CMN (Compagnie méridionale de navigation) ; à la SNCF, les agents votent chaque matin la reconductibilité de la grève ; dans l’éducation nationale, l’AG des grévistes du 12 octobre a voté la grève reconductible et des actions ont été décidées ; une douzaine de lycées bloqués dès le jeudi 14 octobre par les lycéens…
Les blocages qui font le plus de mal pour l’économie sont ceux du port : 40 navires sont en attente dans la rade de Fos, 20 dans la rade de Marseille et trois péniches sur le Rhône. Dans les bassins de Marseille, deux porte-conteneurs et deux cargos sont à quai, trois autres sont en attente dans la rade. Trois navires de la SNCM (rouliers et ferries mixtes) et un de la CMN, affectés par le mouvement de grève des marins, ont annulé leur rotation. Les autres navires de ces compagnies sont bloqués en Corse.
La preuve que c’est bien là un point sensible pour l’économie c’est que deux escadrons de gendarmerie mobile ont brisé le blocage du dépôt pétrolier de Fos le samedi 16 octobre, vers 3 h 30. Du coup, les agents portuaires ont décidé de bloquer tous les accès du grand port maritime de Marseille. Plus aucune marchandise ne rentre ou ne sort de l’enceinte.
Des AG se déroulent encore et encore le samedi 16 octobre pour décider de la semaine du 18 octobre. De belles journées de lutte en perspective avec les éboueurs qui entament leur conflit et les AG étudiantes qui débutent, sans oublier les postiers.

Analyse du mouvement
Cependant, il ne faut pas tomber dans l’euphorie. Des dissensions existent, tout le monde n’est pas favorable à la grève reconductible, même si beaucoup de monde le demandent.
Tout d’abord, l’attitude des bureaucrates syndicaux qui se réunissent dans les intersyndicales est encore une fois à déplorer. Leurs appels ne concernent que la reconduite de la mobilisation mais sans parler franchement de grève reconductible. Ils favorisent les actions symboliques en fin de journée – retraite au flambeau – ou en fin de semaine – manif du samedi. Dans des AG, notamment celles de l’éducation nationale, nous voyons toujours les mêmes têtes chez ceux qui organisent le débat. Ils ont l’art et la manière pour ignorer les propositions qui ne leur conviennent pas, pour forcer, en se relayant dans l’argumentation, une décision de vote. Les anarchistes et syndicalistes révolutionnaires présents font tout pour que la lutte soit auto-organisée, mais la machine en face est solide et bien huilée. Quand un copain syndicaliste révolutionnaire propose des commissions de travail, personne ne s’y oppose, mais quand ladite commission fait des propositions, elles sont arrangées pour que les Politburos puissent continuer leur travail de sape de l’autogestion de la lutte. D’ailleurs, et ce n’est pas un hasard, nous voyons, parmi ces pontes de la manipulation, des militants NPA ou Front de Gauche et timidement LO.
Aujourd’hui, l’intersyndicale est un frein à l’expansion de la grève. Les travailleurs prennent sur eux de partir ou pas, mais beaucoup trop attendent la voix de leur responsable syndical. J’en veux pour exemple les cantinières qui sont en grève tournante depuis le 23 septembre mais sans FO-CGT, qui est le plus gros syndicat. Donc, plus de la moitié des cantinières ne sont pas en grève…
À ce propos, ce syndicat joue encore et toujours un jeu très trouble. En effet, quand ils sont en congrès, les territoriaux FO ont pour invité spécial le maire de Marseille, M. Gaudin, UMP proche de l’Opus Dei. Et maintenant, alors qu’ils sont les plus virulents en AG pour appeler à la grève générale, aucun syndicat FO n’a appelé à la grève reconductible. Il aura fallu attendre trois semaines pour qu’ils se décident enfin…
Mais l’obstacle premier à la mobilisation reste les patrons et les flics. On l’a vu, ces derniers sont mobilisés quand il faut casser une grève (sur le port). Tandis que les premiers diffusent des mensonges sur les salaires des grutiers du port afin que leur mouvement soit impopulaire. Manœuvre perdue puisque les patrons ont reconnu être allés trop loin, mais le mal est fait.
En ce qui concerne la bataille des chiffres sur le nombre de personnes présentes dans les manifestations, un syndicat de flic (FO) a contesté ceux donnés par la préfecture en accusant sa hiérarchie de manipuler les chiffres. Il est vrai que le premier problème de ce syndicat n’est pas que la vérité soit établie, mais que les flics ne sont plus crédibles.

Perspectives
Qu’est-ce que tout cela va donner ? La détermination est toujours là. Mardi 19 octobre, grève dans l’Hexagone et jeudi 21 octobre grève dans l’académie d’Aix-Marseille pour l’Éducation nationale, sans compter les appels à la reconduction qui continuent de tomber !
Continuons à lutter sur notre lieu de travail et en interprofessionnel dans des AG de lutte en faisant tout pour qu’elles soient autogérées par les travailleurs en grève. N’oublions pas les actions pour montrer notre détermination. Faisons tout pour que la grève soit maintenue après la rentrée scolaire.

Thierry, Groupe Germinal (13) de la Fédération anarchiste