Le pouvoir est maudit

mis en ligne le 12 avril 2012
Cette célèbre phrase de Louise Michel vient de réapparaître sous une forme inattendue, mais qui va on ne peut mieux aux anarchistes : celle de la raison et de la science.
De récentes analyses venant de l’université de Columbia démontrent que les situations de pouvoir modifient les équilibres chimiques dans le cerveau. Ces analyses consistaient à observer des échantillons de personnes occupant des niveaux de pouvoir variés dans des organisations, des entreprises, et ils ont découvert qu’au fur et à mesure que l’on gravit des échelons de pouvoir, on voit une zone du cerveau de plus en plus active – cette zone s’appelle le striatum et elle est remplie de dopamine. Cette zone est très primitive et ferait partie du « circuit de récompense », qui incite l’individu à maximiser ses chances de survie en situations hostiles ou en société, ainsi que ses chances de procréer. Cela va se traduire par la recherche de la meilleure nourriture et des conditions de vie matérielles les plus favorables, et chez l’être humain de rentrées d’argent et des partenaires sexuels les plus nombreux possible.
Le pouvoir va donc augmenter ce processus et pousser l’individu à en abuser. Ce dernier aspect vient d’être confirmé par une étude venant des Pays-Bas, réalisée sur 1 561 personnes, où il a été découvert que plus une personne faisait partie d’un échelon élevé dans une entreprise, plus elle avait de partenaires sexuels.
Il faut également savoir que ce système cérébral fait partie d’un système dit « de renforcement » qui, une fois enclenché, va demander à l’être toujours plus. C’est l’assise des drogues et le siège des addictions.
Résultat : plus on a de pouvoir, plus on en veut.
Voilà une belle phrase qui donne de l’eau à notre moulin !
D’autres études démontrent les processus qui ont lieu dans les situations de pouvoir ; autolégitimation, surestimation de soi et gonflement surdimensionné de l’ego menant entre autres à rejeter la faute sur l’entourage en cas d’échec dans une situation.
Ces analyses mettent en avant ce que nous essayons de prouver depuis très longtemps ; le pouvoir (même sous ses apparences les plus anodines) dépasse les capacités raisonnables de l’être humain.
Cela pose également la question de la morale et de l’éthique (ce que l’on s’autorise à faire ou à ne pas faire, à accepter ou à refuser et pourquoi), de la fragilité des individus à donner le pouvoir ou à y obéir (expériences de Milgram).
Tout cela demande encore réflexion, analyse et débat, car si dans nos sociétés industrialisées le pouvoir a pris des formes extrêmement aberrantes, certaines sociétés dites « primitives » fonctionnaient avec une chefferie relativement différente, où le « chef » existait grâce à ses capacités et la reconnaissance unanime de la tribu, et il n’était pas pour autant autoriser à dicter sa loi proprement dite, c’était une question de moralité. Dans notre cas, la remise en question du pouvoir est unanime et nous ne pouvons qu’aller vers la diffusion de cette réflexion et de ces analyses. Les outils libertaires sont plus que jamais d’actualité : démocratie directe, mandat impératif, rotation des tâches, etc.
Et je rajouterais la modification de nos habitudes culturelles judéo-chrétiennes mettant en avant l’existence du « sauveur », et ceci par le développement de l’individu plein et entier, conscient et réfléchi, dans le cadre d’une éducation perpétuelle. Et tout ça, c’est sans compter tout ce qui reste à inventer et à découvrir !

Tristan, groupe Gard-Vaucluse de la Fédération anarchiste