Pourquoi boycotter les festivals du Québec ?

mis en ligne le 7 juin 2012
1676QuebecEn France, le Québec évoque l’accent de lointains cousins, un mode de vie américain en français, des motoneiges, des baleines, du sirop d’érable, quelques Indiens. La situation politique, quant à elle, est inconnue.

Printemps érable
En 2012, la France parle un peu plus de la Belle Province. Plusieurs quotidiens ont évoqué le « printemps érable », les 250 manifestations d’étudiants qui contestent une augmentation de 82 % de leurs frais de scolarité, la loi « matraque » 78, la démission de la ministre de l’éducation, l’idéologie conservatrice et la corruption d’un Parti libéral qui a tout fait pour minorer le pouvoir de la commission d’enquête sur la construction ; sans oublier le malaise d’une opposition qui a utilisé la même méthode pour casser le mouvement des infirmières (loi 72/1999).
Bien éloignée du bric-à-brac linguistique habituel ou des publicités de Bonhomme Carnaval destinées aux touristes, la question de l’émancipation redevient cohérente, elle ne surgit pas par effraction. Derrière les célébrations nationales illuminées des festivals, de graves atteintes aux libertés civiles, une démocratie broyée.
Le gouvernement québécois et les idées tranquilles du Québec sont en échec. Une loi d’exception, un premier ministre indigent, son chef de cabinet brutalement évincé, une grève étudiante qui s’élargit ; dialogue absent, prise de conscience accentuée, l’affrontement social se poursuivra au-delà d’un accord a minima sur les frais de scolarité. L’arrière-plan demeurera : népotisme, prébendes, clientélisme, arrogance, incompétence, répression, fin de règne, régime de notables, police non justiciable, ça vous rappelle quelque chose ? La parole prise des Québécois est contagieuse ; libérée, elle ne s’éteindra pas facilement. Après la Tunisie, l’Égypte, etc., le Québec ou même le Canada ?

Cacerolazo
Vols stationnaires des hélicoptères de la police à Montréal, présence policière digne de la Russie de Poutine, arrestations de masse (700 personnes le 24 mai), pouvoirs policiers discrétionnaires, milices privées dans les universités, climat quasi insurrectionnel, décrivent une nouvelle réalité.
La résistance s’organise. Chaque soir, des « cacerolazos », souvenirs du Chili de Pinochet, résonnent dans Montréal et les régions. Ces manifestations tolérées signifient que des arrestations peuvent survenir à tout moment. Des rumeurs de bruits de bottes se propagent, des soldats fascistes de la grande base militaire de Val Cartier à Québec ont évoqué publiquement les camps d’extermination pour les étudiants assimilés à une menace communiste (Le Soleil, 25 mai 2012).

Boycotter les festivals d’été
Le maire Tremblay (Montréal), le ministre de l’économie Bachand, la ministre du Tourisme Ménard, les chambres de commerce de Montréal ou de Québec craignent pour les festivals d’été, moments forts de la vitrine touristique québécoise. L’industrie touristique est sur les dents. On demande aux manifestants de redevenir de bons consommateurs alors que les festivals vendus comme des loisirs sont l’expression d’une gestion purement marchande de la ville (par exemple le désert urbain du quartier des spectacles de Montréal) où toutes les créativités (musique, théâtre, cirque, etc.) sont asservies à un mouvement unique : le capitalisme.
Le boycott permet de refuser l’alibi d’un « show » qui mime une liberté et une démocratie de compensation.
Les intérêts d’une industrie du spectacle croisés avec ceux d’une classe politique corrompue sont les deux parties d’un même cercle. Ils défendent des intérêts particuliers sur fond de menaces policières en rappelant la loi générale de l’obéissance à la consommation. L’« apolitisme » des festivals n’existe pas.

Répression et loi 78
La loi 78 limite les droits constitutionnels fondamentaux : liberté d’opinion, d’association, d’organisation, d’expression. Gardienne de l’ordre, la police du Québec est la principale productrice de désordre.
Après cent jours, le mouvement ne faiblit pas malgré une répression sévère :
– Nombreuses violences policières, 2000 arrestations, plusieurs centaines de victimes, des blessures graves.
– Législation d’exception qui a pour objectif réel de contrer tout mouvement de contestation.
­ – Justice arbitraire.
– Droit à l’éducation qui n’est plus reconnu.
– Liberté d’association qui n’est plus garantie.
– Organisations syndicales, régimes publics de santé et d’éducation menacés.
La grève des étudiants n’est pas un mouvement de privilégiés, elle défend le droit de tous à une éducation « gratuite » et libre, financée par ailleurs par les contribuables.
Avec cette grève, les étudiants ont moins d’illusions que quiconque sur ce qu’on leur impose, sur ce que leur coûte, dans tous les moments de la vie, leur participation à une société fondée sur l’exploitation et l’inégalité.

Librairie L’Insoumise