L’affaire Bandera Negra

mis en ligne le 29 mai 2013
1708BanderaNegra15 mai 2013, deuxième anniversaire du mouvement des indignés (15M). L’État espagnol a fêté ça à sa manière habituelle : répression contre des espaces de lutte sociale et de construction d’alternatives. À l’heure du laitier, des descentes de police ont eu lieu dans des locaux fréquentés par les anarchistes, à Barcelone, Madrid, Valence…
Ça a commencé à Sabadell (près de Barcelone) où une perquisition a été effectuée dans le local de l’Ateneu Llibertari (Athénée libertaire), qui héberge différents collectifs dont celui de Bandera Negra (Drapeau noir). Les mossos de esquadra (gardes mobiles) ont procédé à l’arrestation de cinq anarchistes membres de Bandera Negra, accusés d’être organisés en groupe terroriste et d’exalter ce terrorisme. L’Ateneu Llibertari est un espace libre, propriété de la CNT-AIT, mais hébergeant divers collectifs comme par exemple l’Assemblée du 15M de Sabadell, mettant en lumière les affinités entre indignés et anarchistes. Les faits reprochés aux cinq inculpés restent vagues, d’autant plus que ces derniers ne semblent pas fréquenter régulièrement l’athénée ; on veut surtout leur attribuer des actions menées au cours de manifestations contre des symboles du capitalisme (banques, compagnies d’assurances, concessionnaires d’automobiles, multinationales). Actions consistant à balancer pierres et pavés contre les vitrines de ces établissements. Vêtus de noir et encapuchonnés, aucun élément ne permet d’identifier quelque manifestant que ce soit, ce qui n’a pas empêché Santiago Pedraz, juge de l’Audience nationale (tribunal spécial), de prononcer la mise en détention carcérale des cinq membres du groupe anarchiste Bandera Negra pour détention d’armes et d’engins explosifs, ainsi que pour incitation à la violence. Ne faisant pas les choses à moitié, Santiago Pedraz déclare tranquillement que les cinq inculpés s’étaient fixé pour bientôt d’autres objectifs : établissements financiers, membres des forces de sécurité de l’État, hommes politiques et (n’hésitons pas) membres de la famille royale ! Tout ça au moyen d’engins explosifs dont ils auraient déjà fait usage au cours de différentes actions à Barcelone, en attaquant également des véhicules de police au cours d’une manifestation pendant la grève générale du 14 novembre 2012. Engins explosifs qu’ils auraient aussi utilisés à Mieres (Asturies) pendant les révoltes des mineurs asturiens. Ces cinq anarchistes sont également accusés de soutenir le Grapo 1 et ETA 2 à qui ils ne reprocheraient que d’avoir annoncé l’arrêt de la lutte armée. Pour faire bonne mesure, le juge n’a pas manqué d’évoquer un complot international en évoquant des liens avec les insurectionnalistes italiens et grecs. Bref, la routine : une fois de plus les anarchistes servent de boucs émissaires. Dommage que le juge ne puisse pas leur imputer la responsabilité de la grippe H1N1, du virus du sida, voire de l’assassinat de Kennedy.
À Montcada, dans la banlieue nord de Barcelone, autre problème (pour les autorités), autre tactique avec descente de police au Can Piella, terrain occupé depuis plus de quatre ans par les habitants et paysans de cette zone qui y développaient une agriculture écologique tendant à une autonomie alimentaire basique : entre autres, fabrication de pain et de bière « autonome ». Il s’agissait, dès l’origine, d’un projet d’agriculture communautaire autour d’un édifice squatté par la PAH (Plate-forme des victimes des hypothèques). À l’aube, l’eau était coupée et les occupants de Can Piella ont été délogés par les flics au bout de trois heures d’affrontements. Ça n’a pas été le cas pour Can Masdeu, ancien centre social lui aussi occupé et transformé en résidences et jardins potagers, devenu l’espace communautaire le plus grand de Barcelone : jusqu’à trois cents personnes participent aux activités liées à l’écologie, l’activisme et l’autogestion.
Le gouvernement espagnol tente de faire diversion pour faire oublier la situation catastrophique dans laquelle le pays est plongé. Les recettes sont toujours les mêmes : se lancer dans une bonne guerre pour ressouder le peuple autour d’intérêts qui ne sont pas les siens, ou créer un climat de peur pour que ce peuple rejette les révolutionnaires. Souvenons-nous de l’attentat de la Scala à Barcelone en 1978, qui fut une provocation destinée à mettre un frein à l’ascension de la CNT en pleine reconstruction dans l’après-franquisme. À Madrid, un groupe des Jeunesses libertaires répondant lui aussi au nom de Bandera Negra, mais n’ayant aucun lien avec celui de Sabadell, a publié un communiqué pour dénoncer le rôle répressif de l’État et de ses structures lui permettant d’exercer un contrôle social : magistrature, police, mais aussi médias aux ordres, endoctrinement à l’école… Ils rappellent que les anarchistes mettent leur énergie dans la propagation de leurs idées et estiment nécessaire de lutter contre tout ce qui nous opprime, non pas par le biais du parlementarisme et autres institutions du système, mais par la solidarité et l’action directe qui font partie de leur quotidien. Le seul terrorisme à dénoncer est celui qui abandonne sur le bas-côté de la route les immigrés, les chômeurs, les personnes âgées, les malades et tous les sinistrés de ce que les riches appellent la crise.









1. Groupe de résistance antifasciste du premier octobre (organisation maoïste).
2. Organisation basque indépendantiste.