Espagne : de la crèche à l’université, tous en grève

mis en ligne le 23 mai 2013
Le 9 mai en Espagne, enseignants et élèves sont descendus dans la rue à l’appel de la Plateforme de défense de l’école publique (composée de syndicats et associations de parents d’élèves). Il s’agissait de protester contre le nouveau projet de loi du gouvernement concernant l’éducation. La loi organique pour l’amélioration de la qualité de l’éducation (LOMCE) présentée par José Ignacio Wert, ministre de l’Éducation, prétend remédier au problème de décrochage scolaire de plus en plus important constaté chez les élèves (25 %, taux le plus élevé de la zone euro).
Six précédentes lois ont déjà été votées auparavant concernant l’éducation, sans donner le moindre résultat significatif. Cette fois-ci, il s’agit d’affiner le système de sélection et donc de tirer un trait définitif sur cette notion sans doute trop « progressiste » aux yeux de certains, d’égalité des chances pour tous. Et la boîte à outils conservatrice est prête à servir : réorientation précoce (dès l’âge de 14 ans) des élèves en difficulté vers des filières professionnelles, développement de la compétition entre établissements scolaires et augmentation du nombre d’examens que les élèves doivent passer pour poursuivre leur cursus scolaire ; privatisation des centres scolaires, classification de ces derniers suivant les résultats obtenus par leurs élèves aux examens ; frais d’inscription à l’université doublés et réduction des bourses attribuées ; suppression de certaines matières et surtout réduction des contenus à un minimum basique (retour aux « fondamentaux ») ; augmentation du nombre d’élèves par classe et augmentation du nombre d’heures effectuées par les enseignants, non-remplacement de ces derniers lorsqu’ils sont en arrêt maladie (les deux premières semaines) ; diminution des aides concernant les cours de soutien donnés aux élèves en difficulté ; les aides pour l’achat de livres seront remplacées par un système de crédit (ce sont les banques qui se frottent les mains) ; le budget cantine diminue de 29 à 18 millions d’euros…
Ultime gracieuseté concoctée par le ministre de l’Éducation : la remise en cause du modèle dit « d’immersion linguistique » en vigueur en Catalogne où l’enseignement se fait entièrement en catalan. José Ignacio Wert rêve sans doute d’un retour au « bon vieux temps » du franquisme où le catalan n’avait plus droit de cité. Il a d’ailleurs clairement exposé son but : il faut « espagnoliser les jeunes Catalans », formule qui fait écho à celle que l’on entendait sous l’ère Franco : « Parlez chrétien ! » (castillan bien sûr).
Depuis 2011, les coupes budgétaires concernant l’Éducation ont dépassé le montant de 6,5 milliards d’euros. Autant dire que le nombre d’enseignants grévistes a été conséquent : 70 % dans le secteur public ; et même dans le secteur privé (mais subventionné !) favorisé par le projet de loi, la grève a été suivie à 25 %. La réponse du monde enseignant a été à la hauteur des dangers représentés par la LOMCE : c’est une marée verte (couleur des tee-shirts des partisans d’une « éducation publique pour tous ») qui a défilé en exigeant la démission de Wert. Premier round et premier résultat : le gouvernement ajourne la présentation de sa loi… d’une semaine. Affaire à suivre donc.