Casser la CAF

mis en ligne le 6 juin 2013
C’est l’histoire de Rachid, Algérien résident en France qui demande en 2007 à la CAF des allocations pour son fils qui vient d’arriver du bled. La CAF, probablement dans son souci constant de faire des économies, refuse de verser l’allocation parce que son fils algérien est venu hors procédure de regroupement familiale… On aurait pu croire que la bureaucratie d’une institution sociale, dans sa stricte application des normes, éviterait une décision discriminatoire ; ce ne fut pas le cas.
La commission de recours amiable n’aboutira pas. Saisi le 7 août 2007, le tribunal de sécurité sociale donnera raison à la CAF. La Cour d’appel de Paris, quant à elle, rejettera les demandes de Rachid. La discrimination continue… Il faudra attendre l’arrêt n° 607 du 5 avril 2013 de la Cour de cassation pour que cesse l’acharnement. Il existe une multitude de textes imposant l’égalité de traitement entre enfants français et étrangers. C’est ce que nous rappelle la Cour de cassation : « L’arrêt attaqué a violé les articles 8 et 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et les articles 3-1, 26 et 27 de la Convention internationale des droits de l’enfant […] les articles 68 et 69 de l’accord euro-méditerranéen établissant une association entre la Communauté européenne et ses états membres, d’une part, et la République algérienne démocratique et populaire, d’autre part, signé le 22 avril 2002 et la décision 2005/690/CE du Conseil, du 18 juillet 2005, concernant la conclusion de cet accord euro-méditerranéen. »
Le sens de la décision de la Cour de cassation est simple. Les conventions internationales obligent à respecter la vie familiale et interdisent les discriminations à caractère nationale, exigent de considérer en premier lieu l’intérêt de l’enfant, donnent le droit à la Sécurité sociale à l’enfant, exigent de tenir compte des ressources du responsable et reconnaissent le droit à un niveau de vie suffisant pour l’enfant que l’État doit favoriser auprès des familles concernées. Les accords entre l’Union européenne et l’Algérie précisent que cela est valable pour les prestations familiales.
Bien sûr, il fallait bien du monde pour gâcher la bonne nouvelle. Éric Banca, dans Valeurs actuelles, nous donne un exemple de ces réflexions. Ces dernières auraient pu rester anecdotiques, seulement voilà qu’Internet et surtout les réseaux sociaux font que ce genre de propos se popularise à la vitesse grand V en alimentant la xénophobie ambiante, et c’est là un réel danger : « Si les enfants en question ont pénétré en France en dehors de toute procédure de regroupement familial. Ce qui s’applique naturellement, d’abord, aux enfants de pères polygames, puisque les autres peuvent, depuis l’institution du système, en 1976, bénéficier dudit regroupement ! »
Gare à toi « Peuple français » ! La Cour de cassation a ouvert la porte à toute une invasion de polygames venus piller vos CAF et vos entrailles ! Vraiment ? Dans un article de Belkacem Kolli publié le 26 février 2005 sur le site de RFI intitulé « Code de la famille : la version pragmatique de Bouteflika », on peut lire ceci : « La nouvelle mouture du code de la famille retient la polygamie. Mais celle-ci est assortie d’une double condition. Désormais, le consentement de la première épouse est requis. Le juge vérifie la réalité de ce consentement et effectue une enquête sur les capacités matérielles du mari à assurer l’équité et les conditions nécessaires à la vie conjugale. Sur environ quatre millions d’adultes, à peine 1 % sont polygames. Il s’agit souvent de personnes fortunées et de quelques dignitaires du régime. » On voit donc mal les riches Algériens polygames venir travailler en France…
D’autre part, on aurait très bien pu analyser la chose d’une autre façon. Car en France (et en Algérie accessoirement), à défaut de polygamie, on se remarie, voire il n’est pas rare d’avoir des relations extraconjugales donnant naissance à des enfants. À considérer que vous ayez eu des enfants, que vous les reconnaissiez comme vôtre, que vous les ayez à charge, ne serait-il pas normal de bénéficier en conséquence d’allocations familiales ? Sans doute. Et de toute façon, la dignité humaine et l’égalité de traitement nous semblent plus importants que l’origine ethnique ou le type de relations qu’eurent vos parents… M. Banca préfère y voir une invasion de pères polygames estimée à 80 000 sur le territoire…
Un peu de statistique permet d’éclaircir ce propos grâce à l’Insee qui, bien qu’à la solde de l’état, nous indique qu’en 2009 l’ensemble des prestations sociales ne représentaient que 5,1 % du revenu disponible annuel national (somme de tous les revenus des Français). Or 57,3 % de ces prestations sont partagées par les 20 % les plus pauvres de la population… Vous en voulez encore ? Citons l’Insee : « En 2009, la moitié des ménages ayant les revenus disponibles les plus faibles perçoit 26,5 % de l’ensemble des revenus disponibles. Les 20 % les plus aisés en perçoivent 41,6 % *». Alors, qui coûte cher à la France ? Et dans tous les autres pays d’ailleurs…


Nathan
Groupe Salvador-Seguí de la Fédération anarchiste







* Page 7 du fichier pdf disponible à cette adresse : www.insee.fr/fr/ffc/docs_ffc/ref/REVPMEN12f_FLo1rev.pdf