Grèce : Syriza m’était conté…

mis en ligne le 4 mars 2015
1768Grece25 janvier, Alexis Tsipras : « Le peuple grec a écrit l’histoire et laisse l’austérité derrière lui. » Syriza arrive en tête aux élections législatives avec un tiers des votants (2,2 millions) et 20 % des inscrits, bénéficiant du léger recul de la Nouvelle démocratie (droite) et de l’effondrement du Pasok (Parti socialiste), qui gouvernaient ensemble. À noter que plus d’un tiers des inscrits (3,6 millions) ne s’est pas déplacé, dans un pays où le vote est obligatoire.
Fin janvier, une « ola » enthousiaste se lève de la « gauche », la « gauche de la gauche », à la « droite » et la « droite de la droite » : « C’est un grand soir démocratique » (Jean-Luc Mélanchon), « Un espoir pour tous ceux qui refusent les politiques d’austérité » (Pierre Laurent), « L’heure de l’alternance européenne a sonné » (Cécile Duflot), « La victoire d’un parti de gauche est une bonne nouvelle pour le parti socialiste » (Jean-Christophe Cambadélis), « Une gifle pour la caste UMPS européiste » (Florent Philippot, FN), « Nous prenons acte du choix du peuple grec » (UMP).
22 février, Manólis Glézos, symbole de la résistance contre l’occupant allemand, député du Pasok puis de Syriza appelle à l’insurrection : « Changer le nom de la troïka en institutions, celui du mémorandum en accord et celui des créanciers en partenaires, ne change en rien la situation antérieure […] Je demande au peuple grec de me pardonner d’avoir contribué à cette illusion. »

Élection trahison ?
C’est que l’accord de février avec Bruxelles prévoit une extension de quatre mois du financement de la Grèce, mais maintient les bases du mémorandum de 2012, la « flexibilité » et les privatisations, Athènes s’engage à ne pas prendre de « mesures unilatérales qui déstabiliseraient le budget » : à la trappe les promesses d’abolition du mémorandum, du gel de l’augmentation de la TVA, du retour du treizième mois pour les retraités… ? Le quotidien Dimokratia ironise : « Waouaou les mesures de gauche ! » alors que le site To Vima détaille les promesses envolées : « Il y a au moins 29 engagements électoraux qui ont été reportés. Chaque jour le gouvernement laisse une promesse électorale de côté. »
Ne se sentent « trahis » que ceux qui, par ignorance ou par choix, se sont fait des illusions. Rappelons qu’à la veille de son congrès constitutif, en juillet 2013, la coalition de la gauche radicale Syriza était un conglomérat de petites formations, telles Synaspismos (créé en 1991 par des exclus pour « réformisme » du KKE, le Parti communiste grec), DEA (Gauche ouvriériste internationaliste, trotskiste), KOE (Organisation communiste de Grèce, maoïste). Peu implanté chez les ouvriers et les paysans, sans relais syndical, Syriza espérait conquérir les classes moyennes pour obtenir une majorité parlementaire. Dès le début une « aile gauche » (DEA et un courant de « gauche » de Synaspismos), environ 25 %, revendique un gouvernement « uniquement de gauche » et s’oppose au « front anti-mémorandum », susceptible d’intégrer les « Grecs indépendants » de Panos Kammenos, parti nationaliste antisémite, anti-immigrés, soutien de l’Église orthodoxe : il est aujourd’hui au gouvernement. Syriza utilise un double langage, soutenant les mouvement de grève, mais prenant ses distances avec des actions jugées « radicales », inspirées notamment par les anarchistes, et ne condamnant pas les violences policières lors d’évacuations musclées de squats ou de centres sociaux. Déjà, une partie des jeunes citadins qui l’avaient soutenu commençait à craindre que Syriza ne soit un nouveau Pasok qui, en 1981, n’avait à peu près rien réalisé, après être venu au pouvoir avec un programme « radical ».

La Syrizette, une vieille recette
Ceux qui, dans les rangs du NPA, du FdG, des Verts et des frondeurs, lorgnent sur « Podemos » et rêvent d’une Syrizette à la française, arguent de l’impossibilité pour la Grèce de mettre en place des mesures radicales face à une Europe « intraitable ». Ainsi donc, il faudrait appâter les électeurs avec des promesses, que l’on sait irréalisables, pour les trahir dans un gouvernement impuissant ! Mais ils affirment qu’il existerait un « Syriza des luttes », qui appuierait des réalisations concrètes assurant les besoins fondamentaux en nourriture, santé, éducation… Rappelons que les alternatives, notamment anarchistes, existaient et se développaient sans avoir attendu Syriza, une militante de ce parti déclarant en 2013 : « Jusqu’au printemps dernier, Syriza n’avait pas mené d’action concrète. »
Ce n’est pas un gouvernement, quel qu’il soit, qui fera sortir les Grecs su capitalisme prédateur. L’espoir est dans une fédéralisation des initiatives, non seulement dans le domaine de la consommation, mais aussi en lien avec celui de la production, où la difficulté est immense, car les syndicats grecs sont dans les mains du KKE et du Pasok. Ceux qui, un peu partout dans le monde, se réclamant du marxisme, se sont servis comme outils de l’État et du Parti, sont les mêmes qui ont combattu et parfois réprimé, depuis plus d’un siècle, le syndicalisme révolutionnaire et l’anarcho-syndicalisme, vidant les organisations de travailleurs de tout programme émancipateur, pour en faire des organismes corporatistes, aux mains de différents partis, voire parfois du patronat. Devant les résultats catastrophiques, certains tentent d’épicer de vieilles recettes en relevant le brouet par un zeste de piment libertaire, mais c’est toujours la même soupe indigeste.
Continuons de soutenir et de faire connaître les diverses initiatives concrètes en Grèce. Les Rencontres anarchistes méditerranéennes qui vont avoir lieu cette année, initiées notamment par l’Internationale des fédérations anarchistes, auxquelles participera une partie du mouvement anarchiste grec, sans doute le plus fort mouvement anarchiste en Europe, vont permettre de renforcer nos liens et notre solidarité.

Serge
Groupe Gaston-Leval de la Fédération anarchiste