Après l’uppercut de Macron, les droites de Rebsamen

mis en ligne le 11 mars 2015
Décidément, rien ne semble pouvoir arrêter le gouvernement « socialiste » dans sa marche forcée contre les droits des travailleurs. Après le passage de la loi Macron à l’Assemblée nationale – rendu possible grâce au recours au désormais fameux article 49-3 –, voilà que le ministre du Travail, François Rebsamen, va présenter, fin mars-début avril 2015 en Conseil des ministres (pour un passage à l’Assemblée cet été), un projet de loi dite « travail » (et qu’on appellera désormais « loi Rebsamen »). La volonté affichée ? Réformer le dialogue social en entreprise et légiférer sur le temps de travail… Le tout, avec la bénédiction du patronat, et en particulier du Medef. Petit déballage de ce nouveau cadeau que le gouvernement s’apprête à offrir aux puissants…

« Réformer » le dialogue social
Cette prétendue réforme reprendrait quasi intégralement les propositions en la matière portées par le Medef lors de la négociation interprofessionnelle sur le dialogue social et la représentation des salariés. Cette négo, entamée l’an passé (en octobre), s’est terminée le 22 janvier dernier sans aboutir à quoi que ce soit, le patronat ne souhaitant rien concéder aux syndicats de travailleurs. L’idée, c’est de revoir le fonctionnement des institutions représentatives du personnel (IRP) en entreprise, à savoir les délégués du personnel (DP), les comités d’entreprise (CE) et les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT).
Lors de la négociation, les représentants du patronat ont demandé à ce que dans les boîtes de plus de cinquante salariés les IRP existantes disparaissent pour se fondre dans une nouvelle entité (diabolique ?) : le conseil d’entreprise. Cette transformation impliquerait que les élus du personnel soient moins nombreux et disposent de moins d’heures de délégation, et que le CHSCT perde certains de ses pouvoirs, notamment la possibilité pour lui d’aller en justice et de recourir à un expert indépendant payé par le patron. Le projet de loi Rebsamen reprend cette idée en voulant élargir aux entreprises de 300 salariés la délégation unique du personnel (DUP). Celle-ci – qui regroupe en une même entité les DP et le CE – existe déjà depuis 1993 pour les boîtes de 50 à 200 travailleurs ; il s’agirait donc de l’élargir, mais aussi d’y faire entrer… le CHSCT, qui jusque-là demeurait en dehors de la DUP. Ce qui pourrait laisser penser que le gouvernement voudrait rogner sur ses prérogatives, notamment celles exposées ci-dessus. Le risque de voir disparaître une instance à part s’occupant exclusivement de la question des conditions de travail et de la sécurité présagerait du pire pour les travailleurs dans les entreprises. Et pour que l’élargissement de la DUP aux entreprises de 300 salariés soit acceptable, il est impératif d’exiger que le CHSCT reste en dehors, demeurant tout à fait autonome.

Augmenter le temps de travail
Dès 2011, Manuel Valls, aujourd’hui Premier ministre, parlait de vouloir « déverrouiller les trente-cinq heures ». Rien d’étonnant, alors, à ce que le gouvernement socialiste, une fois au pouvoir, s’attaque à ce qui est partout présenté comme un frein à la croissance économique… La première attaque formelle remonte à 2013 et est déjà à « créditer » au sinistre François Rebsamen : il s’agit de la loi dite de sécurisation (ah ah), qui permet aux entreprises en difficulté « d’aménager (sic) le temps de travail et les salaires » pour une durée de deux ans. Faire bosser davantage les salariés pour des salaires moins élevés avant de les licencier, en somme. Une loi dont le ministre du Travail est tout à fait satisfait deux ans après, mais qu’il propose quand même… d’« assouplir ». Ainsi s’exprimait-il le 4 mars dernier : « Je suis pour des assouplissements de l’accord de maintien dans l’emploi, qui a été une première avancée. Il y a trop de verrous. » Avant d’ajouter, pour calmer les pseudo-frondeurs du PS au taquet : « Mais c’est uniquement en cas de difficultés rencontrées par l’entreprise. » C’est que des rumeurs circulaient et circulent encore sur la teneur des assouplissements envisagés… Ainsi, le 14 décembre 2014, Le Journal du dimanche (JDD) – qu’on ne peut guère accuser de subjectivisme gauchiste – affirmait, dans un article intitulé « Après la loi Macron, la loi Rebsamen », qu’il pourrait désormais s’agir de permettre aux patrons d’augmenter le temps travail, pour une durée limitée, dans le cadre de projets de développement de l’entreprise. Fini, donc, la condition « d’entreprise en difficulté », place aux « projets de développement » (« décrocher un contrat », par exemple, dit le JDD). Possible qu’il ne s’agisse là que d’une simple rumeur, toujours est-il que, dans l’histoire des réformes du travail, le terme « assouplissement » n’a jamais rien signifié de positif pour les travailleurs. Et, sans parler de projets de développement, on peut facilement craindre qu’en souhaitant assouplir la loi de 2013 Rebsamen envisage d’augmenter le nombre d’heures ajoutées et la durée de cette augmentation. Un pas de plus vers l’abrogation de la loi Aubry…

La riposte, elle est pour quand ?
« Pour le 9 avril 2015 », disent, de concert, la CGT et FO, qui appellent ce jour-là à une grève nationale et à des manifestations. « Dès aujourd’hui », dirons-nous, pour notre part. Nos droits n’ont pas à attendre que les bureaucrates des directions syndicales nous disent quoi faire et quand, au risque de continuer de se faire piétiner par le gouvernement. Sans, bien sûr, boycotter la journée du 9 avril (ce serait le comble de la stupidité, pour une fois que les buros appellent à une grève nationale), tâchons d’organiser dès maintenant des actions et des rassemblements contre ce nouveau projet de loi antisociale et de diffuser au maximum l’information, dans nos lieux de vie et de travail, dans nos syndicats, nos collectifs et nos associations, sur les atteintes à nos droits qu’il renferme.