L'Écrivain policier

mis en ligne le 4 juillet 2005

À la petite semaine

Il n'est pas inintéressant d'apprendre, au moment même où la révolution d'Octobre célèbre mollement son quatre-vingtième anniversaire, que le bilan des victimes du communisme autoritaire aura été (estimation la plus faible) de quatre-vingts millions de morts.

On mesure mieux ainsi, en effet, l'indécence, l'impudeur extrême, parmi ceux qui furent ici, au moins pour un temps, les compagnons de déroute de cette imposture sanglante, jugée alors par eux «globalement positive», de celui qui aujourd'hui, année Aragon aidant, s'est assigné la mission de nouveau procureur des lettres françaises, au nom d'un antifascisme labellisé, totalement inefficace mais favorable à l'épanouissement de ses talents d'épurateur.

Retrouvant avec une facilité déconcertante les réflexes sordides des pires accusateurs du parti qui fut le sien il n'y a pas si longtemps, marchant avec aisance sur les traces de son illustre prédécesseur en mouchardage et interdiction professionnelle, notre Djerzinski de banlieue semble opérer lui aussi sa «mutation», phénomène très mode chez les camarades pour lesquels il appelle encore à voter, afin de passer du statut d'auteur de polars à celui d'écrivain policier.

L'acharnement haineux, l'amalgame abject, des verdicts plein la bouche, l'anathème permanent au bout de la plume, et désormais la dénonciation publique de ses ex-amis lassés par ses condamnations sans appel ou inquiets de le voir à tout bout de champ nous dire qu'aujourd'hui encore «il nous faut un Guépéou», voici toutes les méthodes, tout l'arsenal des procès staliniens remis au goût du jour par ce commissaire politique de la pensée.

Le dernier rapport de police rédigé par Didier Daeninckx et consacré au «renégat» Gilles Perrault gagnerait en conformité par une légère modification de son titre. Car il ne s'agit en rien du Goût de la vérité, mais du Goût de la «Pravda».