Insertion

mis en ligne le 10 avril 2003

ou comment les différents gouvernements ont mis en place les outils pour mieux asservir les demandeurs d'emploi

Avec leurs complices zélés que sont les directions départementales de l'emploi et de la formation professionnelle, titre ronflant mais revêtant une totale inefficacité, les directions départementales de l'action sanitaire et sociale, les conseils généraux, les collectivités locales (de droite ou de gauche), se sont tous avérés complices pour inventer les mesures les plus contraignantes, afin d'asservir et mettre au pas les chômeurs.

Que faire des demandeurs d'emploi de longue durée, des rmistes?

Alors que l'ANPE a été incapable de vous faire quelques propositions d'emploi, que le marché de l'emploi se dégrade de jour en jour, que les plans sociaux s'accumulent, que le temps de chômage est de plus en plus long et que très vite on devient un chômeur de longue durée, que les tracasseries administratives des Assedic, de l'ANPE vous énervent et font qu'à un moment donné, vous laissez tout tomber, vous vous installez dans la précarité.

Quand vous êtes bien cassé, brisé, que vous n'en pouvez plus, que vous êtes à leur merci, ils peuvent manipuler votre résistance; votre esprit critique est complètement annihilé. C'est à ce moment-là qu'interviennent les tenants du pouvoir, en toute tranquillité, toute sécurité, car ils ont en face d'eux des hommes et des femmes brisés qui n'attendent plus rien.

Ces sauveurs s'appellent: assistante et assistant sociaux, conseillère, conseiller en insertion, éducatrice, éducateur, conseiller en éducation sociale et familiale, psychologue, moniteur-éducateur, etc.

Décervelage

De commission en comité de pilotage, en entretien individuel en passant par des bilans d'orientation, évaluations, tests, bilans de compétence, tous ces face-à-face spécialistes de la réinsertion se penchent à votre chevet. Et foi de spécialiste, nous allons voir ce que nous allons voir...

En tout état de cause, votre destin ne vous appartient plus; vous êtes cadré, ils ne vous lâcheront plus, ils décideront pour vous. Vous serez classé, étiqueté, qualifié de tricheur, fainéant, profiteur, mauvais caractère, alcoolique, bref vous êtes un parasite de la société.

Il faut donc vous empêcher de nuire. Pour cela, il existe des structures d'accueil, « structures d'insertion ou de réinsertion » dont le but est de vous réapprendre à travailler, vous remettre sur pied pour ensuite intégrer un « vrai emploi » dans une « vraie entreprise ». Mais, avant, il vous faudra passer au moins un an ou deux au sein de ces structures de décervelage. Dans ces structures, vous serez encadré par des éducateurs, des moniteurs, des psychologues qui bien souvent n'ont pas réglé leurs propres problèmes. Mais qu'à cela ne tienne, tous ces spécialistes très compétents vous apprendront à arriver à l'heure, à respecter le chef, la discipline, à ne pas vous shooter, à ne plus boire au travail, à ne pas tirer au flanc. À chaque manquement, vous serez convoqué auprès du supérieur, à chaque absence, vous ne serez pas payé.Vous faites un boulot de merde pour un salaire de merde; vous faites le travail que personne d'autre ne veut faire.Votre réinsertion est à ce prix!

Ces structures sont les soupapes de sécurité des gouvernements successifs. Elles permettent d'encadrer, de maîtriser ces publics en difficulté qui, livrés à eux-mêmes, peuvent devenir un danger pour les pouvoirs. S'ils songeaient à se révolter? Il est donc urgent de les intégrer dans ces structures de décervelage pour les rendre inoffensifs.

Celles-ci se nomment: association d'insertion, association intermédiaire, entreprise d'insertion, entreprise temporaire de travail d'insertion, association d'utilité sociale, chantier d'insertion. Elles ont le statut juridique de l'association ou de la SARL. Pour fonctionner, elles doivent obtenir l'agrément de la CDIAE (commission départementale de l'insertion par l'activité économique). Cette commission est composée de représentants: des syndicats, du patronat, de l'UREI (union régionale de l'insertion par l'activité économique), de la direction départementale de l'emploi et de la formation professionnelle et de la direction départementale de l'action sanitaire et sociale du Conseil général. Cette commission a pour rôle de contrôler, d'analyser si l'activité des structures d'insertion n'entre pas dans le champ de la concurrence du secteur marchand, contre les entreprises traditionnelles. Elle contrôle également le fonctionnement des structures.

Elle permet l'attribution de subventions importantes à partir du moment où les conditions sont réunies, de son point de vue. Les subventions sont substantielles et permettent aux associations d'assurer: par le biais du CNASEA ou de la MSA, les salaires des CES, par le Conseil général, les salaires des permanents de l'association.

Pour les entreprises d'insertion, les subventions sont à la hauteur de 8700 euros par poste d'insertion et financé par l'État. Cette commission ferme les yeux sur les conditions de travail et le fonctionnement de ces structures. Elle est consciente que les subventions allouées ne suffisent pas, pour payer le personnel qualifié et pour réaliser les infrastructures nécessaires pour travailler dans des conditions correctes. Toutes les personnes qui siègent au sein de cette CDIAE sont responsables et complices de l'exploitation scandaleuse des chômeurs. Jamais, à aucun moment, elle ne se penche sur les conditions de travail et d'hygiène de ces travailleurs, conditions dignes de l'époque de Zola!

L'exploitation de la misère

Il faut savoir que la plupart des structures ne possèdent pas de toilettes ou un WC pour soixante personnes, pas de douches ou vestiaires uniques pour les hommes et les femmes, pas de chauffage.

Comment se changer lorsque on travaille sous la pluie? Comment se laver lorsque on travaille dans la terre? Comment être propre pour prendre le bus afin de rentrer chez soi? Comment ne pas se sentir amoindri, diminué lorsque dans le bus, des regards se fixent sur vous?

Ce sont des structures d'un autre âge, qui ne servent qu'à avilir un peu plus l'individu. Alors, soit il devient très docile et prêt à intégrer une entreprise traditionnelle, soit il ne s'intègre jamais et il sort de là, plus cassé qu'avant, et c'est souvent le cas. Ces personnes analysent bien leur situation tout en subissant quotidiennement l'humiliation et l'exploitation. Elles se rendent bien compte qu'elles contribuent à engraisser des actionnaires ou d'autres salaires. Leurs propres salaires, de misère, sont encore calculés sur la base de 40 heures travaillées.

Un chantage permanent

Tous ces assistants sociaux, conseillers, etc. exercent un chantage permanent. « Si vous ne faites pas un CES, nous vous supprimons le RMI. » Il faut faire un effort! Mais vous les connaissez toutes, ces pseudo-structures d'insertion.Vous n'avez de cesse que de culpabiliser les chômeurs!

Mais que faites-vous donc, mesdames et messieurs les inspecteurs du travail? Mais que faites-vous donc, mesdames et messieurs de la direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle?

Mais que faites-vous donc, mesdames et messieurs les assistants sociaux?

Mais que faites-vous donc, mesdames et messieurs les politiques?

La société sacrifie sur l'autel du profit des millions d'individus. Les plus faibles, les plus fragiles, ceux qui restent sur le carreau, qui s'enfonceront un peu plus dans la précarité, seront pris en charge par des structures mises en place par le pouvoir afin de mieux les contrôler et d'éviter les dérapages. La misère fait peur!

Il faudra les occuper. Pour cela, on leur trouvera un travail de merde, pour un pseudo-salaire de merde et un logement de merde. Bref, on leur fabriquera une vie de merde!

Vous, les suppôts du grand capital et les serviteurs zélés du pouvoir, êtes coupables au même titre que les décideurs; bien souvent, vous ne vous contentez pas de servir docilement mais vous allez au devant des textes, en les interprétant, jamais dans l'intérêt des travailleurs. Mais dans le seul souci de votre avancement. Votre fonction se résume en l'asservissement de l'individu par tous les moyens: l'emploi mais aussi en pressant au maximum les salaires, pour le sacro-saint profit.

L'arrivée de la « gôche » au pouvoir a permis l'adaptation du système capitaliste.

Nous avons vu surgir: les petits boulots tels que les Tuc, les SIVP, les CES, CEC, les contrats d'adaptation, les contrats de retour à l'emploi, le RMI, les contrats de qualification, les emplois jeunes, les SMIC payés sur la base des 35 heures.

Depuis 1981, le nombre de ces emplois au rabais, avec des salaires ne permettant pas de vivre décemment, a fleuri. Mais pour bénéficier de ces petits boulots, encore faut-il entrer dans certaines cases, réunir toutes les conditions.

C'est là qu'interviennent un nombre impressionnant de personnes, de l'assistante sociale à la direction départementale du travail, en passant par la Ddass, le Conseil général, etc.

Le pouvoir, en définitive, fait vivre grassement, un nombre important de gens qui, sans lui, viendraient grossir les rangs des demandeurs d'emploi, et certainement pour un long moment, car complètement irrécupérables et inadaptés au travail. Un sacré boulot que de les réinsérer au travail: ils n'en connaissent pas la réalité!

Depuis plus de vingt ans, nos chers gouvernants ont contribué à précariser les travailleurs: nous comptons aujourd'hui, plus de 6 millions de personnes qui ont des emplois précaires et « vivent » avec environ 400 euros par mois. Cette volonté de casser les hommes, de les avilir, tant chez les sociaux de gauche que chez les réalistes de droite afin de préserver les privilèges et l'ordre, est écoeurante. Il devient de plus en plus urgent d'éradiquer cet esclavagisme moderne, qui n'a rien à envier aux temps reculés du Moyen Âge. Dans cette société dite « moderne », où l'État et ses complices, exécuteurs des basses oeuvres tentent de maintenir une majorité de la population sous le seuil de pauvreté, il est grand temps d'en expurger le chancre: le capitalisme!

Guy (militant du groupe de Rouen de la FA) et Justhomme (travailleur social)