Acharnement carcéral

mis en ligne le 18 avril 2004

Nathalie Ménigon, membre d'Action directe, a été arrêtée il y a dix-sept ans, avec Joëlle Aubron, Georges Cipriani, Jean-Marc Rouillan et Régis Sleicher. Ils ont été condamnés à perpétuité avec une période de sûreté de dix-huit ans, notamment pour les meurtres d'un général en 1985 (Audran), et du PDG de Renault en 1986 (Besse). Depuis, ces militants ont subi des conditions de détention d'exception. L'État ne supportant pas qu'ils soient encore en vie, il est plus que probable que leur condamnation à la peine de mort lente ne soit un jour commuée.

Pour sortir de l'isolement total dans lequel ils ont été soumis, il leur a fallu mener plusieurs grèves de la faim, pour obtenir des parloirs, des suivis médicaux et autres légers aménagements.

Nathalie Ménigon vit une situation encore plus dure. Suite à deux accidents cérébraux en 1996 et 2001, elle est hémiplégique. Pendant des années, elle a été soumise à une véritable camisole chimique pour la garder « calme » et surtout l'abrutir. Maintenant, l'administration pénitentiaire lui supprime tous ses médicaments (dont un anticoagulant vital) et refuse toujours l'accès de Nathalie aux séances de kinésithérapie indispensable à sa rééducation.

En juin 2003, pour protester contre l'aggravation de ses conditions de détention, Nathalie Ménigon escaladait un grillage de 2,70 m, mais se blessait profondément (41 points de suture).

En novembre 2003, sous couvert de la loi Kouchner, elle demandait une suspension de peine, mais la chancellerie refusait, sous prétexte de « trouble à l'ordre public ». En fait, cette loi Kouchner n'a servi qu'à libérer Papon (et peut-être, bientôt, Alfred Sirven) qui a bénéficié de largesses dues à son rang et en remerciements pour « services rendus ». « Ils préfèrent libérer Papon que moi, a-t-elle déclaré, même s'il a envoyé 1 600 juifs à la mort, mais pour eux, c'est le passé. Dans ce cas, Audran et Besse, c'est la passé aussi. »

La santé de Nathalie Ménigon ne lui a pas permis de supporter cette grève de la faim commencée le 26 février, et qu'elle a arrête au bout de dix jours. Elle se disait déterminée à aller jusqu'au bout, mais elle l'a interrompue devant l'inquiétude de ses codétenues sur la rapidité des effets de la grève de la faim sur son organisme épuisé par des années d'épreuves ; parce que sa paralysie faciale s'est accentuée et, enfin, suite à la visite de Robert Bret (sénateur communiste des Bouches-du-Rhône) qui est ressorti très inquiet sur l'état mental et physique de Nathalie Ménigon et craignant une mort plus que certaine.

Le 26 mars, la juridiction régionale de libération conditionnelle statuera pour la troisième fois sur sa demande de suspension de peine pour raisons de santé.

Les comités de soutien appellent à écrire ou à téléphoner auprès de la Chancellerie (DACG, 13, place Vendôme, 75042 Paris cedex 01, 01 44 77 60 60), à la prison de Bapaume (chemin des Anzacs, 62451 Bapaume, 03 21 15 29 50) ou à envoyer des messages de soutien (Collectif Ne laissons pas faire, c/o LPJ, 58, rue Gay-Lussac 75005 Paris).

Même si les anarchistes ne se sont jamais reconnus dans les activités d'Action directe, avant-gardistes, marxiste-léninistes et désespérées (mais ces actions ont près de vingt ans), il s'agit aujourd'hui de protester contre des conditions d'emprisonnement inacceptables, et contre l'acharnement de l'État qui veut casser définitivement ces militants. À l'heure où Perben veut donner des leçons avec sa loi arbitraire et encore plus répressive ; à l'heure où les commissariats, tribunaux et prisons se remplissent de plus en plus de pauvres et de militants du mouvement social ; à l'heure où l'État français veut extrader Cesare Battisti comme il l'a fait pour Paolo Persichetti, le soutien à Nathalie Ménigon s'impose. Et le temps presse !

Jean-Pierre Levaray