No-Tav. Italie : janvier 2010, retour en force du mouvement No-Tav en vallée de Susa

mis en ligne le 18 février 2010
Les journées du 9 au 24 janvier ont vu le retour en masse des travaux d’excavation et de forage sur la future ligne Tav (treno ad alta velocità = train à grande vitesse) Lyon-Turin ; loin de rester passif devant ce spectacle, le mouvement No-Tav de Turin et de la vallée de Susa a multiplié les manifestations et les piquets d’occupation des points de forages, empêchant par là-même les travaux d’avancer à un rythme normal.
En effet, les signalements et les occupations des zones de forages ont non seulement amené les entreprises de travaux concernées à devoir faire circuler les foreuses de nuit, et ce sous bonne escorte policière, mais encore à devoir les effectuer dans des zones difficiles d’accès ou désertes (décharges, zones industrielles, etc.). Résultat : ces travaux de forage, prévus pour durer des semaines, n’auront jusqu’à présent totalisé que trois journées de travail effectif, mobilisant des centaines de policiers et carabiniers. Le mouvement No-Tav a, en se mobilisant, rencontré comme en 2005 la sympathie et le soutien des habitants (et ce malgré les campagnes d’intox des médias « officiels » qui faisaient état de prétendues agressions de la part des No-Tav envers les ouvriers de ces chantiers de forages) ; il a aussi démontré qu’il pouvait être mobile (les zones de forages étant multiples) et autogestionnaire.
Petite chronologie des événements
9 janvier : premier piquet d’occupation à Susa contre la mise en place des foreuses.
12 au 15 janvier : piquet d’occupation devant la gare de Collegno (autre zône de forage) ; la durée exceptionnelle de ce piquet (quatre jours et trois nuits consécutifs) sera l’occasion pour les No-Tav de tisser des liens avec la population et d’informer sur le mouvement : « En quatre jours, autour des feux du piquet d’occupation, des centaines de personnes sont passées ; des No-Tav mais aussi des citoyens ordinaires de Collegno qui voulaient comprendre la situation. Beaucoup ont été ceux qui ont apporté quelque chose à manger ou du bois pour alimenter les feux de camps, signe que la solidarité grandit jour après jour. Pendant trois jours, alors que la foreuse sondait un terrain déjà maintes fois sondé, nous avons informé tous ceux qui passaient, avons tracté sur les places, les marchés, dans les écoles. Chaque soir nous avons partagé la nourriture et discuté dans de longues assemblées ou en petits groupes : une expérience de socialité et d’autogestion précieuse pour un mouvement qui grandit dans la lutte et la résistance » (info mail Fai du 18 janvier 2010).
20 janvier : grande assemblée générale des mouvements No-Tav à Turin qui aboutira à la naissance d’une assemblée permanente dont le slogan est « No-Tav No Trivelle» (pas de Tav, pas de foreuses).
23 janvier : manifestation dont le départ était, symboliquement, la zone de l’autoport de Susa. Les zones de forages continuent à se multiplier dans la zone Turin-Val Susa ; les piquets d’occupations et les manifestations aussi.
Tract distribué à cette occasion
« À Turin, et dans la vallée de Susa, les entrepreneurs tentent d’imposer les opérations de forages pour le Tav. Le Tav – train à grande vitesse – est une entreprise inutile, nuisible, destructrice.
Une entreprise qui a déjà dévasté la moitié de l’Italie. Partout on retrouve la pollution des sols, un bruit insupportable, la perte de ressources hydriques, la destruction irréversible de l’environnement, des maisons démolies, des villes coupées en deux par de hautes murailles.
Chaque kilomètre de la ligne Tav construite en Italie a coûté la vie d’un travailleur.
Une montagne d’argent public a été soustraite aux budgets des transports publics, des écoles, des hôpitaux. Ceux qui construisent gagnent de l’argent – le lobby du ciment, les amis de gauche comme ceux de droite –, nous, nous avons tout perdu.
Beaucoup croient que le Tav Turin-Lyon est une affaire qui ne regarde que la vallée de Susa, mais ils se trompent : l’impact de cette entreprise et des chantiers sera ressenti partout. Avec ce nouveau tracé, le Tav traversera la ville [de Turin, ndt], coupera en deux le boulevard périphérique, démolira des maisons. Des décennies de travaux et de gênes de toutes sortes nous attendent, ceci afin de faire gagner de l’argent à ceux que l’on connaît. Ce sont les mêmes qui ont détruit les nappes phréatiques afin de creuser les tunnels du Tav de Mugello, les mêmes qui, à l’Aquila, ont construit un hôpital, tout neuf, “antisismique”, qui a été pulvérisé à la première secousse d’un tremblement de terre.
Cagnardi, l’architecte qui a préparé le projet pour Turin, a appelé “quille” une maison de huit étages présente sur le parcours du Tav en centre-ville. Les enfants savent quel sort est réservé aux quilles. Dans les dizaines de “quilles” que le TAV rencontrera sur sa route, habitent des hommes, des femmes, des enfants, des gens qui ont peut-être sué sang et eau afin de s’acheter une maison de laquelle ils seront expropriés à bas prix. Les autres, ceux dont la maison ne sera pas démolie, verront (et sentiront) le Tav leur passer littéralement “sous le nez”.
La rhétorique de ceux qui veulent que cette entreprise se fasse à tout prix est basée sur un slogan répété de façon obsessionnelle afin qu’il entre dans la tête de chacun d’entre nous : Progrès et connexion à l’Europe. L’image donnée est celle d’une petite Italie écrasée derrière la chaîne des Alpes, alors qu’à l’extérieur trains et autoroutes sillonnent les pays : des camions et des wagons emplis de gâteaux, de bonbons et de bâches qui vont en France, alors que de la France arrivent des gâteaux, des bonbons et des bâches ; la marchandise, produite par la sueur et le sang des travailleurs asiatiques et des mille contrées surexploitées dans le monde (où la globalisation de la misère accompagne la globalisation des biens de consommation), voyage dans les deux sens.
Mais est-ce que tout cela est utile pour nous, pour nos vies ?
Les données, confirmées également par les techniciens gouvernementaux, disent que non. Une ligne qui relie Turin à la France existe déjà mais est sous-utilisée : chaque jour, 78 trains y passent, alors qu’il pourrait en passer 210 avant que la ligne ne soit saturée ; de même le “pharaonique” quai de ferroutage  d’Orbassano n’est utilisé qu’au tiers de ses capacités parce que les marchandises à transporter n’existent pas.
Sur la ligne Turin-Lyon, les entrepreneurs privés n’ont pas investi un euro, mais les constructeurs s’apprêtent à récolter des millions. De l’argent public, pris dans nos poches.
En 2005, les barricades ont arrêté le Tav ; les politiciens lui ont rouvert la route.
Les arrêter est possible. À Turin aussi.
Contre ceux qui dévastent notre territoire et mettent à sac les ressources.
Pour la vie, la liberté, le futur de tous.
Signé : Piquet d’occupation turinois de la gare de Collegno, No-Tav, autogestion Turin, Observatoire écologique de Turin »

Résumé fait à partir des communiqués de la Fai-Turin reçus entre le 18 et le 23 janvier 2010.

Liens et contacts :
collectif « no-tav autogestione-Torino » :
notav_autogestione(arobase)yahoo.it
Photos et article sur :
http://piemonte.indymedia.org/article/7115