Changement de prison pour Jean-Marc Rouillan. Et après ?

mis en ligne le 19 novembre 2009
Le 27 octobre, Jean-Marc Rouillan a quitté précipitamment la prison des Baumettes, à Marseille, pour être aussitôt incarcéré au centre de détention de Muret, près de Toulouse. Gravement malade, il espérait être soigné à la Pitié Salpêtrière en attendant de pouvoir bénéficier de la loi Kouchner. La « Justice » va-t-elle laisser l’ancien militant d’Action Directe sans soins ?
J.-M. Rouillan devait avoir un parloir avec un ancien collègue des éditions Agone le 27 octobre à 13h30. Il a eu la possibilité de confirmer ce rendez-vous par téléphone en fin de matinée, mais, quand l’éditeur marseillais a sonné à la porte du centre pénitentiaire des Baumettes, il a appris que le détenu n° 147575 venait d’être transféré. On saura quelques heures plus tard que J.-M. Rouillan a finalement échoué au centre de détention de Muret où Nathalie Ménigon, autre militante d’Action Directe, a séjourné, entre juillet 2007 et août 2008, avant d’obtenir une libération conditionnelle.
Contrairement à ce que prétendait l’Agence France Presse (AFP) dans une dépêche récente, J.-M. Rouillan n’était plus dans l’Unité hospitalière sécurisé interrégionale (UHSI) de l’Hôpital nord de Marseille depuis plusieurs mois. Revenu entre les murs des Baumettes, sans soins adaptés, il attendait que la justice veuille bien prendre en compte le fait qu’il souffre du syndrome de Chester-Erdheim, une maladie auto-immune rare et évolutive qui exige un traitement expérimental légalement impossible à administrer en prison.
Le 26 octobre, par le biais d’une visioconférence, J.-M. Rouillan a parlé de sa demande de suspension de peine avec un juge parisien du tribunal d'application des peines en matière terroriste. Au cours de cette audience, le juge a évoqué un transfert vers le groupe hospitalier de la Pitié-Salpêtrière où un spécialiste du syndrome de Chester-Erdheim pourrait le soigner. Une perspective qui allait dans le bon sens comme l’a expliqué Jean-Louis Chalanset, l’avocat de J.-M. Rouillan. De ce fait, l’arrivée inattendue du militant d’Action Directe dans le centre de détention de Muret ressemble à une inquiétante partie de cache-cache politico-médicale.
Résumons. J.-M. Rouillan a terminé sa peine de sûreté depuis 2005. Aujourd’hui, son cas entre dans le cadre de la loi du 4 mars 2002, dite loi Kouchner, qui permet une suspension de peine pour raison médicale. Joëlle Aubron, autre militante d’Action Directe, avait pu bénéficier de cette loi en 2004. Dans un premier temps, J.-M. Rouillan doit être soigné efficacement. Cela sera-t-il le cas au centre de détention de Muret ? Dans un second temps, J.-M. Rouillan doit être libéré pour être sérieusement soigné hors de prison. Rappelons au passage que le régime de semi-liberté de J.-M. Rouillan a volé en éclats en octobre 2008, à quelques mois du délai qui lui aurait permis de bénéficier d’une libération conditionnelle. Sans cette sombre péripétie, nous n’en serions pas là.
Il y a urgence à dénoncer le scandaleux refus de soins qui touche J.-M. Rouillan. Quelques initiatives se préparent, mais on peut toujours s’étonner du silence pesant des organisations révolutionnaires « officielles », du NPA au PCF en passant par les anars et quelques autres. On peut s’étonner aussi du silence de la Ligue des droits de l’Homme et autres milieux souvent plus prompts, heureusement, à dénoncer les injustices. Sur le site de la LDH, on ne trouve que deux articles, datés de 2001 et de 2004, sur les prisonniers d’Action Directe. Les cerveaux humanistes sont-ils anesthésiés au point de laisser libre cours à la vengeance de cet État qui s’acharne sur un prisonnier politique resté insoumis malgré 22 ans de détention dans des conditions extrêmes?
Début novembre, l’Association pour le respect des proches des personnes incarcérées va mener une campagne contre les longues peines. L’ARPPI affirme que la peine de mort n’est pas abolie, qu’elle est prononcée dans les tribunaux et appliquée dans les prisons. Dans le cas de J.-M. Rouillan, c’est la tragique vérité. Si l’État voulait faire craquer Rouillan, il ne s’y prendrait pas autrement.