La Chute du Mur (partie 1)

mis en ligne le 12 novembre 2009
La fin du communisme et les libertaires

Le 9 novembre 1989, dans la nuit, le mur hideux qui sépare Berlin en deux s’ouvre, fracturé. Depuis déjà plusieurs mois des manifestations ont lieu en RDA, à partir des temples protestants, ultimes refuges d’une opposition dopée par l’ouverture du rideau de fer en Hongrie. Un immense espoir surgit de la fin de la séparation entre les deux Europe. Il durera quelques jours.

Les communistes et nous
La chute du Mur de Berlin plus que la fin des régimes communistes annonce la fin d’une idéologie qui pendant plus de soixante-dix ans imprégna de façon irrésistible les façons de penser comme les modes d’actions des anarchistes. Les conséquences de la victoire bolchevique d’octobre 1917 marquèrent et continuent de marquer profondément le mouvement libertaire international. La fin incontestable du communisme marxiste-léniniste marque la fin d’un voisinage, je n’ose dire d’un compagnonnage, qui naît au début des années soixante du siècle précédent. Le besoin, parmi les militants ouvriers, de se regrouper, de se sentir moins seuls, aboutit à la création de l’Association Internationale des Travailleurs, la Première. Ce sera le Manifeste communiste. Huit ans après c’est la scission. Les antiautoritaires opposés à la « participation de la classe ouvrière à la politique bourgeoise gouvernementale » sont exclus de l’organisation. Malatesta rappellera bien plus tard que « nous faisions comme eux, c’est-à-dire que nous cherchions à nous servir de l’Internationale pour atteindre nos buts de parti ».
Février 1917, la révolution russe fruit de la guerre mondiale, éclate. De nouveau les libertaires vont se trouver à côté des marxistes organisés cette fois autour de Lénine, comme de bien d’autres tels les socialistes révolutionnaires dans le camp de la révolution. Octobre de la même année voit les bolcheviques faire le coup de force et se saisir du pouvoir. La machine autoritaire se met en marche et au son d’un discours internationaliste écrase tout sur son passage. Rescapé de la déroute anarchiste, Archinoff, dans l’Encyclopédie anarchiste de Sébastien Faure dira : « L’action révolutionnaire des bolcheviks prit fin à ce moment-là et fut remplacée, consécutivement, par une activité nettement contre-révolutionnaire. »
Printemps 1936, de nouveau les libertaires sont aux côtés des communistes dans le combat contre le fascisme franquiste. Est-il vraiment nécessaire d’énumérer les noms de tous ceux, anarchistes ou autres irréductibles, qui tombèrent sous les balles des gens aux ordres de Moscou ?
Il faut, maintenant, laisser dans les pages qui suivent la place à des extraits d’une revue francophone, Iztok (Est en vieux slavon), dont la totalité se trouve sur l’excellent site web La presse anarchiste. Il s’agit d’abord de rappeler quelques faits de résistance au rouleau compresseur stalinien, puis d’aborder l’analyse de ce qu’est l’URSS après Staline. Enfin Nicolas Trifon qui a participé à cette revue fait le point sur la situation actuelle à l’Est dans une interview initiée par le webmestre du site cité plus haut et développée plus avant. Je ne peux qu’inviter les lecteurs, anarchistes ou pas, à aller lire en ligne cette revue si intéressante et si méconnue.

Les anarchistes sans les communistes
Aujourd’hui la place est libre. Pourtant, vingt ans après cet événement déterminant il semble que dans l’imaginaire anarchiste rien ne se soit passé, ou plutôt que cette disparition n’aie donné lieu à aucune célébration, réflexion, explosion de joie quelconque.
En disparaissant du panorama idéologique, le communisme « marxiste léniniste » aurait dû laisser la place nette, par défaut, aux idées libertaires. Cela ne s’est pas passé ! Il faudrait se demander pourquoi ? Il importe d’analyser quels sont ces sédiments que la marée stalinienne a laissé derrière elle et mettre en lumière le rôle qu’ils jouent tant dans la vie intellectuelle que politique ou socio-économique.
Cette « disparition » ne touche pas l’anarchisme en tant que tel, autant pour des raisons liées à sa structure théorique multi-origines qu’à son incarnation de l’activité spontanée de la libération humaine.
Aujourd’hui encore beaucoup d’entre nous se retrouvent dans les écrits des anciens, au risque d’oublier que notre société est devenue non pas fondamentalement différente mais bien plus complexe qu’elle ne l’était alors. La mondialisation a fait éclater les cadres anciens. L’apparente dissolution du rôle historique du prolétariat joue un rôle déterminant dans la passivité des partis et syndicats face à la crise. Cela pose un problème de fond auquel il faudra bien se confronter. De même il nous appartient, il est de notre devoir, tout en se battant pour notre quotidien, de comprendre, de démonter, de démystifier cette utopie consumériste que la publicité de façon si convaincante nous propose de réaliser.