Des villages « bidon » pour des militaires en safari urbain

mis en ligne le 6 mai 2010
1594SickartEn 2004, le gouvernement français entamait la création du Cenzub (le Centre interarmes d’instruction au combat en zones urbaines), aboutissement d’un projet décidé en 1999. L’objectif? Ent raîner 250 soldats – issus de tous les corps de l’armée française : terre, air, marine – à se battre dans les milieux urbains. Le coût de ce petit bijou guerrier ? Plus de 80 millions d’euros. Son emplacement ? Le camp militaire de Sissone, dans l’Aisne.
Ce Cenzub comprend deux villages : Beauséjour (notez, je vous prie, la façon avec laquelle ce nom traduit tout l’humour dont sont capables nos dirigeants et leurs petits chiens de garde militaires) et Jeoffrécourt. Le premier, Beauséjour, comporte 63 maisons (aux architectures très diverses), des rues de tout type (avenues, ruelles, impasses, etc.), des barricades (eh oui, en temps de révolte, c’est de coutume), un camping (vous verrez, dans Camping 3, Franck Dubosc jouera le rôle d’un dangereux guérillero anarchiste) et un bidonville (évidemment, c’est rarement les riches qui se révoltent !). Celui de Jeoffrécourt, lui, demeure à l’heure actuelle en cours de construction, celle-ci ayant débuté en 2008. Mais l’on sait déjà qu’il aura la taille d’une ville de plus de 5 000 habitants, avec tout ce qu’on y trouve ordinairement : des parkings, des centres commerciaux, des tours, des blocs, etc. Et on se demande seulement s’ils iront jusqu’à foutre des écoles maternelles !
En outre, 105 soldats y jouent le rôle des opposants aux unités qui y sont formées, en incarnant simultanément des soldats réguliers, des miliciens et des simples civils. Bref, ce Cenzub tend à reproduire avec exactitude toutes les situations possibles où pourraient se retrouver un jour ces superguerriers des villes et des villages, le but étant, évidemment, qu’ils en sortent victorieux. Et pour ce faire, toute sorte d’opérations y sont effectuées : du contrôle des foules aux raids blindés et aériens en passant par les affrontements dans les rues et les bâtiments.
Si les discours officiels des « sabre-peuple engalonés » affirment aujourd’hui que le projet du Cenzub est dû à l’augmentation actuelle du nombre de guerres urbaines dans le monde, il ne fait aucun doute qu’il vise aussi à apprendre à mater les soulèvements populaires contre l’ordre établi. D’autant que ces dernières années, les émeutes et les révoltes urbaines ont, la plupart du temps, largement débordé les forces de répression : à Seattle en 1999 (date à laquelle a d’ailleurs été décidée la création du Cenzub), dans les banlieues françaises en 2005, dans les villes grecques en 2008 et 2010, en Iran en 2009, dans généralement la plupart des contre-sommets politiques, etc. Ce n’est pas pour rien si les deux villages reproduisent des barricades dans leurs rues et si certains militaires jouent le rôle de civils armés. Le climat social monte un peu partout et les révoltes grondent à l’horizon. Nul doute qu’ils se préparent à les mater, y compris à grands coups de tanks et d’avions de chasse… Et, nous, en face, on fera quoi ?