Les révolutionnaires se comptent à travers les élections présidentielles

mis en ligne le 1 juin 1969
Voici ce que déclara à peu de choses près Alain Krivine, le 1er juin, après avoir déposé délicatement son bulletin dans l'urne « piège à cons » (ce n'est pas moi qui le dis, mais lui, en juin 1968 il est vrai…).
Résultat: un peu plus de 1 % des voix exprimées après une propagande destinée à « populariser les idées révolutionnaires ». Je ne dirai pas que c'est 1 % de trop à mes yeux d'« anti-électoraliste viscéral » mais je m'efforcerai plutôt de faire quelques remarques sur l'opération de propagande menée par la ligue communiste.
Techniquement ce fut pour eux une opération de propagande bon marché. Pour 1 million : 1 h 40 sur les ondes, une affiche nationale pour les panneaux électoraux et un tract tiré à 13 millions d'exemplaires envoyé à domicile chez les inscrits.
Maintenant, si nous parlons du contenu de cette opération de propagande, nous pouvons la qualifier d'opération gauchiste destinée à rassembler sous la houlette de Rouge les inorganisés de mai.
Opération gauchiste puisque dès le début ils employèrent la phraséologie gauchiste et reprirent tout un ensemble de slogans appartenant aux différentes chapelles du gauchisme pour faire plaisir à tout le monde (gauchiste).
Il n'y eut qu'une seule chose qu'il n'employa pas : c'est l'humour. Montrant par là que la révolution n'est pas la fête et que le militantisme est une chose sérieuse, un sacerdoce en quelque sorte. Ainsi, le prolo qui milite avec des « révolutionnaires » travaille durant 8 ou 10 heures à l'usine puis 2 ou 3 heures dans l'organisation. Bravo ! J'aime travailler. J'adhère !
(Je me demande si ces groupuscules comprendront un jour que le militantisme n'est pas un travail supplémentaire, mais un moyen pour aller plus loin dans la compréhension de soi et des autres tout en essayant de réaliser des objectifs que l'on s'est fixés.)
Ainsi, Krivine donna à la télévision une image du « révolutionnaire » qui est celle de l'ennui. Ce qui est important car par cette campagne, Krivine risque d'être identifié à l'archétype du révolutionnaire, mythe que, s'il s'établit, nous devrons nous employer à détruire.
Maintenant, si nous observons le résultat : 1 %, chiffre représentant les révolutionnaires bons citoyens, les gars dans le vent, et enfin les sympathisants et les militants voulant faire plaisir à leur bureau.
Si nous considérions ce nombre en dehors de toute considération politique, nous pourrions dire que 1 % ce n'est pas mal, mais pour le Français moyen lecteur de Paris-Jour c'est infime et dès qu'il y aura quelque agitation, nous n'aurons pas fini d'entendre :
« Ces 1 % qui foutent la merde ! »
« Faut les supprimer ! »
« On n'a qu'à les mettre en prison ! »
Jugement dont à vrai dire je me moque pas mal, mais c'est aberrant de dire que nous allons recenser les révolutionnaires lors des élections présidentielles.

Jacques Stirel