"Frapper Faure avant d'entrer"

mis en ligne le 30 novembre 1999
Edgar Faure, ministre de l'Education nationaliste, se sent pâlir. Après les chahuts provoqués par les candidats à l'agrégation et au C.A.P.E.S. et fort (si j'ose dire !) des enseignements qu'il a tirés, en homme prudent et réfléchi, des bousculades des mois de mai et juin 1968, le voilà prêt à tous les sacrifices, pourvu que les étudiants (les mauvais, ceux qui veulent repeindre les murs de facultés en noir et rouge et qui le font, et ceux qui veulent faire sauter les murs et qui ne le font pas encore !) restent sages, c'est-à-dire polis, aimables et courtois envers leurs enseignants et les contribuables sans lesquels ils ne seraient pas ce qu'ils sont, des enfants gâtés, pourris par l'opulence.
Voilà donc Edgar Faure qui vient de se mêler à son peuple, démocratiquement (il paraît que c'est la mode çà, la démocratie !), à son peuple de fauves. Et en héros, comme dit France-Soir, lequel en a dit d'autres et lequel sait ce que c'est l'héroïsme – hein, Lazareff ! - il va au devant de ces gauchistes, prêts à tout pour mettre le monde à feu et à sang, à commencer par leur ministre, comme le général à la tête de ses hommes et pour sa patrie il offre sa poitrine aux balles ennemies (ça s'est vu autrefois, mais ça ne se fait plus guère). Et il leur dit, à ces gauchistes, que Guévara il connaît – il est venu boire le thé et taper la belote chez lui - et que Mao, il connaît mieux encore – il est allé faire des gosses là-bas pour le socialisme.
Qu'est-ce que ça lui coûte, cette petite gloriole ? Guévara est aux cieux et Mao, qui n'est pas loin d'y monter, est de l'autre côté du globe.
Mais quand donc notre héros se décidera-t-il à inviter cordialement en France Cohn-Bendit-la-terreur ? Courageux mais pas téméraire, monsieur Faure, hein !

Dominique Fargeau