Israël : entre la droite extrême et la folie

mis en ligne le 9 décembre 2010
1616IsraelUn éminent psychologue clinique israélien de l’université de Tel-Aviv se demandait, il y a peu, dans les colonnes de Haaretz, principal journal de gauche du pays : « Pourquoi Israël penche-t-il vers la droite sans arrêt ? » Il énumérait un certain nombre de craintes comme le probable armement nucléaire de l’Iran, la pression américaine pour en finir avec ce problème moyen-oriental et la menace persistante de bombardements par le Hamas du sud du pays. Toutes choses qui relèvent autant de la réalité que de la phobie. Pour un observateur extérieur, cela semble incompréhensible, Israël étant la seule puissance militaire réelle dans cette partie du monde et jouissant dans ce domaine d’un appui américain sans faille. Alors que se passe-t-il ? Ce psychologue avançait alors que dans une telle situation les gens se referment sur eux-mêmes et, en même temps, se retournent vers les dirigeants les plus alarmistes sur ces problèmes.
Dans l’édition en ligne d’un autre journal israélien, un éditorialiste qualifiait l’obstination de son gouvernement à tolérer l’implantation continue de colonies dans les territoires occupés de « marche vers la folie ». Il racontait qu’un théâtre avait été construit à Ariel, loin dans les terres palestiniennes, et que se mettait en place un boycott de cet endroit par nombre d’acteurs israéliens. Dans cette colonie, une zone industrielle a été construite. Voici ce que le journaliste raconte : « J’ai rencontré un jeune et brillant entrepreneur qui a l’intention d’installer sa start-up à Ariel. Il m’a dit avec tristesse qu’il n’aurait pas trouvé ailleurs des conditions aussi favorables. J’ai regardé sa figure décomposée et j’ai vu le visage de notre pays. »
Dans Haaretz, Zeev Sternhell, historien israélien bien connu pour ses travaux sur le fascisme français, avance que la droite israélienne a besoin de la guerre perpétuelle. La simple discussion avec les Palestiniens aurait, dit-il, aux yeux des partisans du gouvernement actuel comme conséquence la reconnaissance de l’existence et de l’égalité des Palestiniens. Ce qui viendrait contredire et ainsi « saper le statut particulier des juifs sur la terre d’Israël ». Pour rendre toute négociation impossible, le ministre des Affaires étrangères demande qu’un « serment de fidélité à l’État d’Israël, juif et démocratique » soit prêté par tout nouveau candidat à la nationalité israélienne. Le terme « juif » ajouté au serment déjà existant aurait pour conséquence de faire de tous les Arabes israéliens, déjà citoyens de seconde zone, des étrangers sur leur propre terre et destinés à être expulsés. Ce que souhaite en fait ce ministre, Avigdor Lieberman, ultranationaliste, sans le dire ouvertement.
L’analyse que fait Sternhell du rôle de la religion dans ce drame rejoint par bien des aspects celle que nous pouvons faire nous autres les sans-dieu : « C’est là que la dimension religieuse s’inscrit tout naturellement dans le tableau. […] La religion joue un rôle décisif en soudant la solidarité nationale et en renforçant la société. La religion s’entend là, bien sûr, comme un système de contrôle social dénué de contenu métaphysique. Ainsi des gens qui exècrent la religion et son substrat moral peuvent-ils évoluer à l’aise aux côtés de quelqu’un comme Neeman (ministre de la Justice), qui espère imposer un jour la loi rabbinique en Israël. De leur point de vue, le rôle de la religion est de décréter le caractère unique de la judéité et de repousser les principes universels au-delà des limites de la vie nationale. C’est ainsi que la discrimination et les inégalités ethniques et religieuses sont devenues la norme, et que le processus de délégitimation d’Israël a franchi un palier. »

Une crispation hystérique ?
La crise économique est présente en Israël comme partout ailleurs. Chacun se sent concerné et a peur d’être le prochain à en pâtir. Les inégalités sociales et la pauvreté sont endémiques en Israël. L’OCDE, au sein de laquelle Israël vient d’entrer, insiste notamment sur les 20 % d’Israéliens qui vivent en dessous du seuil de pauvreté, avec moins de 3 500 shekels (environ 730 euros) par mois, la proportion de pauvres la plus élevée des pays de l’organisation. À cela s’ajoute l’isolement de plus en plus grand d’Israël sur la scène mondiale. L’édification du Mur comme défense contre une population qui ne l’attaque plus ne convainc plus personne. Sur cette frontière d’avec la Cisjordanie, la présence de forces militaires en nombre, occupées essentiellement à réprimer les manifestations non violentes des villages palestiniens limitrophes, rend tout discours rationnel sur le danger qui menace Israël non seulement indéfendable mais aussi inaudible.
Au fond, ce dont la droite (seulement elle ?) israélienne, comme les différents pouvoirs voisins, ont peur, c’est de voir un pays palestinien, laïc, démocratique et prospère naître. C’est ce pourquoi luttent les habitants de Bil’in, Nil’in et Al-Ma’asara, alliés à des groupes minoritaires israéliens comme les Anarchistes contre le mur.