L'État expulse des Kosovars

mis en ligne le 15 septembre 2011
Je ne sais pas comment l’histoire traitera de cette période où les pays du bloc occidental, repliés sur eux-mêmes, ont mené des politiques sécuritaires et d’exclusion, xénophobes et racistes.
Ici, en France, les vols charters, les expulsions deviennent monnaie courante. Un régime de plus en plus autoritaire, bafouant les droits humains et les lois, se met en place sous nos yeux et ce, malgré nos ripostes et notre résistance, pas toujours victorieuses.
Les familles Ajeti-Hasani (les grands-parents, les parents et les enfants, âgés de 1 à 11 ans) sont arrivées à Clermont-Ferrand en février 2011. Kosovars, d’origine Roms, ils ont fuit la Serbie qui mène une politique pour le moins brutale contre les Roms et où ils sont persécutés. Ils demandent le statut de réfugiés mais la commission refuse et un arrêté de reconduite à la frontière est émis par le préfet du Puy-de-Dôme. Les familles sont arrêtées le 10 août et placées en rétention à Lille. Saisi, le tribunal administratif de Lille annule le placement en rétention.
Libres, les familles roms se réfugient à Saint-Amand-Roche-Savyne (Puy-de-Dôme) où tout le village se mobilise pour eux. D’autant que la préfecture leur interdit toute place en centre d’hébergement. La municipalité leur fournit deux logements communaux et la solidarité des villageois leur permet de se nourrir, se vêtir, etc. Chacun des enfants se retrouve même inscrit à l’école. « Ils étaient chez nous, on les accueillait. De quoi s’occupe ce préfet, on lui a rien demandé. Ils font partie du village et on veut qu’ils reviennent », pouvait-on lire sur différentes listes de soutien.
La Compagnie Jolie Môme organisant son festival « La Belle rouge » dans la région, parraine ces familles et ces dernières participent activement au festival, ainsi qu’à la fête du village.
Ça aurait pu durer longtemps, sauf que l’État ne l’entend pas de cette oreille et doit faire du chiffre en matière d’expulsions.
Le premier septembre, au matin et manu militari, la police les arrête de nouveau et les envoie au centre de rétention d’Oissel, près de Rouen.
Nouveaux comités de soutien, manifestations à Saint-Chamand, à Clermont-Ferrand et à Oissel (où viennent quelques membres de la Compagnie Jolie Môme). Théoriquement, les Ajeti-Hasani doivent passer devant le tribunal administratif le lundi 4 septembre à 10 heures.
Sauf que ce lundi matin, on se retrouve à manifester devant le tribunal sans les familles. Lorsque l’avocate arrive, elle nous dit qu’elle vient d’apprendre que les familles avaient été embarquées. On n’apprendra leur sort véritable que juste avant le jugement : les familles ont été séparées. Les femmes et les enfants ont été conduits à l’aéroport de Boss (région rouennaise) où un avion privé les a emmenés à Belgrade. Les deux hommes de la famille ont été placé dans un avion à Roissy pour la même destination.
Le juge du tribunal administratif a quand même décidé de maintenir l’audience et, après avoir entendu l’avocate, le président du tribunal a indiqué qu’il prenait la même décision que son collègue de Lille. à savoir qu’il annulait la mesure de rétentions de ces dix personnes.
Évidemment, les avions partis, c’est impossible de les libérer, et demander des dommages et intérêts reste une piètre consolation.
Sachant que les juges remettaient souvent en cause les mesures d’expulsions, l’État a voulu aller au plus vite, pratiquant enlèvement, la séparation des familles et éloignement pour qu’ils ne passent pas par la case « juge ».
C’était juste une histoire d’expulsions supplémentaire. Quand des lois ne satisfont pas un état, celui-ci les contourne. On croirait vivre dans des moments sombres de l’Occupation.