C’est dur pour les banquiers

mis en ligne le 5 avril 2012
1667GreveSexePendant les premiers jours de la révolution espagnole de 1936, les militantes anarchistes du groupement Mujeres Libres investirent de nombreux bordels pour en chasser les « clients » et proposer aux prostituées de changer de vie en se mettant au service de la lutte antifasciste. Beaucoup acceptèrent, et on les retrouva combattant en première ligne, notamment sur le front d’Aragon. Après la victoire de Franco, et sous sa dictature, les maisons closes cessèrent de l’être et, depuis, la prostitution a, si j’ose dire, pignon sur rue en Espagne (pas que là évidemment…) Prostituées, escorts-girls, travailleuses du sexe, etc., il n’est pas question, ici, de discuter de la définition appropriée ou du combat à mener contre la prostitution, mais de relater une grève actuelle d’un caractère particulier dans ce secteur 1.
Les prostituées de luxe de Madrid se sont déclarées en grève du sexe avec leurs clients banquiers jusqu’à ce que ceux-ci acceptent de réinjecter l’argent dans l’économie réelle. La plus grande association d’escorts-girls de luxe de Madrid s’est déclaré en grève totale et illimitée de « services sexuels » avec les banquiers jusqu’à ce que ceux-ci acceptent d’accorder des crédits aux familles, aux Pymes (petites et moyennes entreprises) et autres sociétés espagnoles. L’idée de cette grève est venue de Lucía C. P., prostituée, qui a expliqué, émue, au cours d’une conférence de presse, comment un de ses habitués (banquier) lui racontait que, depuis de nombreux mois, sa seule activité consistait à solliciter des prêts à 1 % auprès de la BCE (Banque centrale européenne) et à transformer immédiatement cet argent en dette publique européenne, en produits financiers spécialisés tels les CDS (Crédit default swap) qui sont des assurances contre le défaut de paiement des émetteurs, et en fonds spéculatifs au taux de rentabilité de 3 à 7 %, et en empochant la différence au passage.
« Un jour, j’en ai eu assez et je lui ai dit : “Ça suffit. Tire-toi et oublie mon con jusqu’à ce que tu te responsabilises dans la société.” Au début, mon client a grogné et menacé d’augmenter le pourcentage qu’il me prenait sur mon compte et mes opérations bancaires, mais finalement il a cédé et, trois jours plus tard, il est revenu avec un acte notarial prouvant qu’il avait accordé un crédit à une Pyme (PME), ainsi qu’un prêt pour l’achat d’un véhicule utilitaire à un particulier. C’est ainsi que j’ai réalisé que nous pouvions contribuer à ce que le crédit soit débloqué. »
Et donc le mouvement de grève a commencé le 19 mars. La Confédération bancaire (espagnole) a demandé officiellement la médiation du gouvernement pour mettre fin le plus tôt possible à ce conflit. Mais le ministère de l’économie et des Finances reconnaît que le manque de législation concernant ce « secteur d’activité » rend très difficile l’intervention du gouvernement dans cette affaire. Les prostituées le reconnaissent : « De fait, il n’y a pas eu de déclaration officielle de grève, mais l’exercice de notre part, du “droit d’admission” qui nous permet de refuser l’entrée de notre lieu de travail. Ce qui fait qu’il n’y a pas de négociations officielles. »
Ana M. G., porte-parole de la corporation, a tout de même rappelé que les négociations officieuses, avec le gouvernement, le Frob (Fond de restructuration du secteur bancaire), et la Banque d’Espagne, pour que le secteur bancaire recommence à financer l’économie réelle, ont échoué. Mais elle ajoute : « Nous sommes les seules en capacité de pouvoir faire pression sur le secteur bancaire. Nous en sommes à huit jours de grève et nous pensons qu’ils [les banquiers] ne vont pas pouvoir tenir longtemps. Il y a bien quelques lamentables tentatives de leur part de se faire passer pour des ingénieurs ou des architectes, mais qui ne trompent personne, parce qu’il y a longtemps que les membres de ces professions ne sont plus capables de payer des tarifs qui démarrent à 300 euros de l’heure. »
Une proposition a été faite de la part du secteur bancaire proposant d’intercéder auprès du gouvernement afin de régulariser la situation des prostituées par rapport au régime général de la sécurité sociale, et le maintien, pour elles, de l’assistance médicale gratuite, malgré les coupes budgétaires effectuées dans le secteur de la Santé. Peine perdue. Les prostituées ont refusé ce qu’elles ne demandaient pas. Ce qu’elles veulent, c’est que les banques recommencent à faire ce qui est une de leurs fonctions, à savoir financer l’économie réelle concernant les gens moins fortunés qu’elles. « Cette grève continuera jusqu’à ce que professionnels, entreprises et familles puissent de nouveau avoir accès au crédit. »
Et l’association des prostituées a informé les médias que les banquiers ont sollicité auprès d’elles, en gage de bonne volonté, que, durant les négociations, elles assurent un service minimum (on copie Sarkozy ?) : accompagnements pour des évènements, dîners, soirées, fellations sans qu’elles aient à se dénuder entièrement… Ce service minimum ne concernerait que la haute direction des divers établissements bancaires (ça fait quand même du monde !) ainsi que les traders soumis à un grand stress professionnel qui aurait conduit à de mauvaises décisions, provoquant par exemple une baisse du prix mondial du maïs de 4 % pendant plusieurs mois, entraînant une perte de centaines de millions pour les banques (à quoi ça tient l’économie capitaliste… Non, ceci n’est pas une pipe !)
Mais la porte-parole des prostituées reste ferme et ironise : « Il n’y aura aucune concession. Tant qu’on ne nous écoutera pas, les cuisses resteront serrées et les culottes mises. S’ils sont si désespérées qu’ils se jettent sur leurs épouses. »
Nous sommes évidemment loin de la grève insurrectionnelle ; il ne s’agit pas de miliciennes du Front d’Aragon, mais de prostituées de luxe d’aujourd’hui ou, selon la nouvelle terminologie, de travailleuses du sexe (syndiquées ?). Mais leur initiative met l’accent sur une prise de conscience de tous les secteurs d’activité quant au rôle joué par les banques et la finance. Pas étonnant, donc, que dans une Espagne qui s’enfonce dans la crise, le mot grève soit actuellement l’un des plus prononcés.







1. Le site : elblogdelomalaqueeres.wordpress.com



COMMENTAIRES ARCHIVÉS


I

le 30 avril 2012
cette info est fausse! il faut arrêter de publier des histoires non sourcées! les discours sur nous les travailleuses du sexe sont toujours empreints de fantasme, il y a toute sorte de légendes urbaines et de myhtes qui circulent sur la prostitution, et ça n'est pas nous rendre service que de continuer à les propager sans vérifier ce qu'on raconte. c'est pourtant assez facile de vérifier et de se rendre compte que cette soi-disant "organisation des putes de luxe espagnoles" n'existe pas... et que cette soi-disant "conférence de presse" n'a jamais eu lieu... http://blogs.lexpress.fr/sexpress/2012/03/30/greve-des-escorts-madrilenes-le-mensonge-auquel-on-aurait-aime-croire/

I

le 30 avril 2012
donc please publiez un démenti... c'est pas du journalisme correct ça... si c'est pour lire un article sur un site, et le rediffuser sur un autre site en se contentant de rédiger différemment, sans avoir été chercher l'information à la source, ça sert à rien...

Steph

le 16 mai 2012
Un démenti a bien été publié par le Monde libertaire, faisant état de ce canular (http://www.monde-libertaire.fr/index.php?option=com_flexicontent&view=items&cid=5591&id=15672&Itemid=911)
Merci de votre vigilance.