Cette Espagne qui résiste

mis en ligne le 24 mai 2012
1674CNTAITAnniversaire oblige, un an après la naissance du mouvement du 15 mai 2011 (15 M), les Indignés avaient décidé de réinvestir, pour quatre jours et quatre nuits, les places des principales villes d’Espagne, et d’abord la Puerta del Sol à Madrid, là où tout avait commencé. Les temps ont quelque peu changé. Le pays est désormais dirigé par un gouvernement de droite qui pond à chaque Conseil des ministres des mesures antisociales comme l’Espagne n’en a pas connu depuis la fin de la dictature franquiste. Inutile de dire que les dirigeants actuels n’entendaient pas se faire déborder par des rassemblements comme ceux qui, en 2011, avaient occupé la rue pendant des mois. Le ministre de la Justice a donc exhibé ses muscles et donné l’ordre d’évacuer toutes les places chaque soir à partir de 22 heures (heure à laquelle on est très loin d’aller se coucher en Espagne). Les évacuations par la police, toujours aussi délicate, ont finalement eu lieu vers les 4 heures du matin, sans café ni croissants, mais avec force coups de matraque, et a donné lieu à l’arrestation d’une trentaine de manifestants toujours pacifiques et non violents.
Ces évacuations effectuées par des forces de police en nombre disproportionné par rapport à la « menace » représentée par les contestataires n’ont fait qu’accroître l’indignation citoyenne de celles et ceux qui n’ont fait qu’occuper un espace public pour demander plus de possibilités de participation démocratique, afin de résoudre les problèmes qui les touchent directement, comme le chômage, le manque de logements accessibles, ou la corruption du personnel politique. Selon leur principe d’assemblée générale permanente, les Indignés (même si leur mouvement semble moins populaire qu’il y a un an), ont tout de même pu faire un constat de la situation économique du pays et – surtout – de ses habitants. Constat évidemment dramatique de la dégringolade ininterrompue à laquelle on assiste depuis maintenant trois ou quatre ans. Dégringolade qui a des répercussions sur la vie quotidienne (le logement par exemple) et qui donne matière à l’élaboration de slogans tels que : « Pourquoi y a-t-il des habitants sans logis, et des logis sans habitants ? »
Initiée plus récemment pour dénoncer les affirmations des politiques et des médias à leur service, les Indignés mènent la campagne « Dénoncer les mensonges ». Mensonges que l’on connaît bien ici aussi, comme ceux à caractère économique : « Diminuer le coût des licenciements permet au patron d’embaucher », « Le système privé fonctionne mieux que le système public », ou à caractère social : « Il n’y a pas assez d’argent pour l’Éducation », « La santé privée est moins onéreuse que la publique », ainsi qu’à caractère politique : « Le peuple est souverain, il nous a choisis et donc nous le représentons », « nous sommes tous égaux devant la justice » et autres fadaises…
Autre préoccupation des Espagnols touchés par la crise, et notamment celle de l’immobilier, le logement. La campagne anti-expulsions s’est révélée jusqu’à présent assez efficace 1, et d’autre propositions ont été faites comme créer des coopératives de dettes, chargées de renégocier les emprunts et d’utiliser les rabais accordés par les banques pour certains crédits afin de les clôturer. Autre proposition : créer un parc immobilier autogéré en recensant les logements vides ou abandonnés, en identifiant leurs propriétaires, et après étude, suivant le cas, les libérer pour les mettre « à disposition du peuple ». Dans tous les cas, exiger la dépénalisation des occupations « sauvages » d’immeubles. Le programme est vaste et ambitieux, mais comme l’affirment les Indignés : « Nous allons doucement parce que nous allons loin. » Toutefois, comme dit plus avant, force est de reconnaître que le mouvement des Indignés ne semble pas bénéficier du même soutien populaire qu’en mai 2011 (même si ce soutien demeure important). Par contre, les mouvements sociaux plus classiques reprennent de la vigueur (effet de vases communicants ou conjonction des deux formes de contestation ?) Les organisations syndicales révolutionnaires CNT – CGT – SO 2, au vu du succès de la grève générale du 29 mars dernier, appellent à poursuivre la mobilisation nécessaire pour stopper les atteintes aux droits de la population.
Dans cette optique, du 29 mai au 15 juin, les trois centrales anarcho-syndicalistes organiseront des rassemblements, manifestations, ateliers, grève de la consommation, journées de luttes, ainsi que toute autre action permettant de dénoncer et combattre toutes les attaques gouvernementales dont les travailleurs sont victimes. Ces trois semaines d’action doivent permettre d’aboutir à une nouvelle grève générale afin d’en finir avec les coupes budgétaires, les atteintes à la législation du travail, et permettre de récupérer tous les droits perdus par les travailleurs ces dernières années (sous la droite comme sous la gauche). « Appel est donc lancé à tous, précaires, travailleurs actifs ou au chômage, retraités et étudiants… à réoccuper les rues, les places des villes et villages, pour revendiquer le droit à emploi, à une éducation et santé publiques, au droit à un logement digne, pour dire non à la diminution des droits sociaux, aux privatisations et pour organiser une sortie sociale de la crise créée par la classe possédante 3. »
Enfin, concernant Laura Gómez, emprisonnée depuis le 25 avril, nous apprenons sa libération, sous caution de 6 000 euros. Pour plus de détails voir le blog du comité de souten : comitelauragomez.blogspot.fr








1. Voir Le Monde libertaire n° 1657 (26/01 au 01/02/2012) : « Okupation, collectifs contre les expulsions ».
2. Confédération nationale du travail – Confédération générale du travail espagnole – Solidarité ouvrière.
3. Appel du Secrétariat permanent du Comité confédéral (CGT).