Vers des jours meilleurs !

mis en ligne le 20 mars 2014
1735BabouseL’un de mes voisins nous a quittés il y a trois semaines pour emménager à Orange. Venu me saluer, il m’expliqua alors que le maire d’Orange (« Un fasciste », lui dis-je) avait fait baisser les impôts dans sa ville et aménagé une jolie fontaine. Et que, comme il lui était redevable, il espérait bien un retour d’ascenseur dans sa position de sans-emploi. La journaliste Haydée Sabéran, auteur de Bienvenue à Hénin-Beaumont, explique comment le leader local du Front national (FN) fait du travail individualisé auprès de ses concitoyens. Et ça fait jaser. Dans le Gard, le FN fait aussi beaucoup parler de lui. Pas seulement parce que l’avocat Collard vient de faire fuir son deuxième directeur de campagne pour les municipales à Saint-Gilles-du-Gard 1, mais à cause des scores électoraux prévus.

L’unité antifasciste ?
Or, on reproche souvent aux anarchistes abstentionnistes 2 de ne pas faire œuvre utile en votant contre le FN. Régulièrement, on peut poser un regard critique sur cette position radicale consistant à ne pas participer à des modes d’organisation politique réfutés comme étant parmi les piliers de la professionnalisation de la charge politique, qui légitiment des appareils politiques centralisateurs et impopulaires, les cumuls des pouvoirs et les partages boutiquiers des zones d’influences des millefeuilles politiques (agglos, communautés de communes…) par des notables – y compris frontistes –, l’impuissance malgré le discours à changer le présent et l’avenir pour dépasser le capitalisme et les injustices massivement de classes…
Tout aussi régulièrement, les partis de gauche fustigent alors cette irresponsabilité des anarchistes devant le risque de laisser les frontistes prendre le pouvoir. Dans le département, Nîmes est évidemment une ville clé. Avec un sénateur-maire UMP qui se représente pour un troisième mandat, une liste FN qui compte sur le deuxième plus gros budget de campagne pour briller, la gauche, celle qui est antifasciste donc, est divisée sur trois listes. Il s’en est fallu de peu que le NPA constitue la quatrième offre pour faire barrage aux réactionnaires…
Si l’on considère que c’est la liste du Parti socialiste qui a le plus de chances de l’emporter – et, donc, de faire barrage au FN, au moins –, un colistier d’une autre liste de gauche m’a tout de même précisé que son objectif était d’abord de gêner le plus possible la liste qui soutient le gouvernement. Et la situation à Nîmes n’est sans doute pas unique. De son côté, le quotidien Libération titrait récemment que le PS jouait avec le feu FN en participant à des triangulaires et des quadrangulaires aux municipales. L’unité antifasciste dans les urnes a, donc, ses limites… Et les quelques centaines d’anarchistes abstentionnistes peuvent, donc, rétorquer aux antifascistes vertueux qu’ils n’ont pas de leçons à recevoir de la part de ceux qui n’apportent pas de réponses crédibles, alors que cette gauche plurielle est aujourd’hui majoritaire dans les deux assemblées et dans les régions. Faut-il développer, ici, les conséquences des différents scandales touchant la classe politique qui réclame toujours plus de vertus… aux autres ? Les désastres d’une société de plus en plus minée par un nouveau capitalisme triomphant dans un monde où les résistances progressistes ou révolutionnaires se cherchent ? C’est bien là le terreau des fascismes, ceux-là qui manipulent les souffrances afin de les retourner contre nous et toutes de la façon la plus brutale, en accompagnateurs du capitalisme prédateur.

Briser l’isolement individuel
Reste que, abstentionnistes ou pas, le problème est entier. L’émergence de nouvelles figures de la contestation ultraréactionnaire, l’existence de mouvements de rue importants, le brouillage des pistes idéologiques, le hold-up opéré parfois sur des patrimoines de l’émancipation sociale 3, doivent nous faire pleinement comprendre l’urgence qu’il y a à nous doter des moyens de la riposte.
Il faut accepter que l’isolement de la personne d’un corps social progressiste est l’expression d’une frustration à changer le monde et un pas possible vers une captation par les nouveaux hérauts de la réaction, notamment. Seul, je suis plus vulnérable au quotidien, et plus perméable aux discours trompeurs. Si nous considérons donc que nous devons nous doter de nouveaux outils à partir de notre propre patrimoine, mais enrichis pour participer aux batailles des idées ; si nous sommes persuadés qu’il y a une urgence à faire converger vers nos groupes et notre presse un public déboussolé, à partir de stratégies libertaires d’émancipation… alors, nous nous devons de réformer nos propres réseaux, associations, syndicats et organisations libertaires. Le premier pas serait peut-être de prendre vraiment le temps d’analyser pour comprendre, puis de définir une ou des stratégies larges, et, enfin, d’y associer nos outils afin de ranger à nos côtés ceux et celles qui ont envie d’en découdre avec un capitalisme mortifère et une organisation sociale qui génèrent une contre-révolution idéologique.






1. Celui-ci ne veut plus cautionner des attitudes qu’il juge inacceptables de la part de l’avocat FN, pardon, Bleu Marine.
2. Même la Fédération anarchiste ne fait plus campagne sur le sujet. Mais nous détaillions alors que notre abstention était explicitement politique, et radicalement activiste.
3. La réédition, en janvier 2014, de L’Entraide de Pierre Kropotkine par des éditions antisémites par exemple.