Dix-huit féministes arrêtées

mis en ligne le 17 avril 2014
1739feministesFin 2013, une habituée de La Mutinerie, bar situé dans le 3e arrondissement de Paris, a été agressée, vers 2 heures du matin à la fermeture du bar. Elle donnait un coup de main au personnel et comptait passer le balai devant le bar, lorsqu’un homme lui a adressé des propos à caractère sexiste et sexuel : « En passant le balai t’auras qu’à te pencher, t’y verras peut-être mieux et au passage tu me suceras », « La petite pute croit qu’elle va faire peur à qui ? », « Vous les gouines vous vous prenez trop pour des bonhommes ». Elle s’est défendue verbalement en lui intimant de cesser, ce qui n’a pas empêché l’homme de s’en prendre à elle physiquement. Elle s’est alors défendue par des coups. Vraisemblablement alcoolisé au moment des faits, c’est seulement deux jours plus tard que l’agresseur est allé porter plainte. La victime, qui a dû se défendre d’une agression sexiste, sexuelle et lesbophobe, s’est vu prescrire plusieurs jours d’ITT (interruption temporaire de travail) pour être finalement convoquée au commissariat de police.
Mardi 8 avril, son audience avait lieu avec pour chef d’accusation : violences volontaires ayant entraîné une ITT de plus de huit jours. En plus des frais de justice, le verdict la condamne à cinq mois de prison avec sursis sur une période de mise à l’épreuve de cinq ans et à verser une provision de 800 euros à l’agresseur. Cela afin d’effectuer une expertise médicale pour déterminer le montant total des dommages et intérêts qu’elle devra verser.
C’est une sanction particulièrement sévère ! En effet le procureur et le plaignant ne demandaient « que » des dommages et intérêts assortis d’une amende. Le montant total pourrait atteindre 10 000 euros, selon l’avocat.
Au rendu du verdict, dix-huit féministes présentes en soutien à l’accusée ont alors manifesté pacifiquement leur désaccord dans la chambre du tribunal de grande instance. Évacuées avec force et violence, elles ont été retenues pendant deux heures devant le palais de justice, sans que leurs droits leur aient été notifiés, ni les motifs de leur rétention.
Emmenées au commissariat puis relâchées après vérification de leurs identités, il leur a été signifié que certaines d’entre elles seraient prochainement convoquées pour répondre aux accusations d’outrage à agent et de dégradation de matériel (des bancs de la chambre correctionnelle cassés lors de leur évacuation par la police).
Tout se passant dans un contexte de recrudescence des violences contre les femmes, les trans et les gouines (agressions physiques suite à des démonstrations d’affection, insultes, attouchements dans les transports, remarques graveleuses… à la fois dans des espaces privés et publics).
Une fois de plus, la justice protège les agresseurs et condamne les femmes qui se défendent ou dénoncent l’impunité et la justice patriarcale.
Quel signe nous est ainsi envoyé lorsque nous décidons de nous défendre face aux agressions verbales, physiques, menaces de viol, perpétrées par des hommes cisgenres ? La logique de la « réponse proportionnée » devrait donc nous amener à nous contenter de dire « non merci, bisous » face aux menaces symboliques et physiques que nous subissons ? La victime de l’agression, pour s’être défendue sans ambiguïté et sans s’excuser, a déjà dû payer 2 400 euros de frais d’avocat, a écopé de mois avec sursis et risque de devoir débourser une somme considérable à cause d’une société pro-viol secondée de sa police patriarcale, qui ne reconnaît pas aux femmes, aux gouines, aux trans, la légitimité de se défendre contre les agressions sexistes constantes dans l’espace public comme dans la sphère privée.
Nous exigeons :
- la relaxe pour la personne condamnée,
- l’abandon des poursuites à l’encontre des personnes interpellées au TGI,
- une interprétation de la notion de « proportionnalité » de la légitime défense plus en adéquation avec l’oppression vécue pour toutes les femmes, gouines, trans' confrontés à des agressions dans l’espace public comme privé.
Une manifestation contre les violences sexistes, lesbophobes et transphobes est en cours de préparation.
FACE AUX VIOLENCES, LÉGITIME DÉFENSE !