1er Mai égyptien

mis en ligne le 14 mai 2014
Le gazon et les fleurs ont bien repoussé sur la place Tahrir, débarrassée depuis longtemps des sit-iners et de leurs tentes. Pas la trace d’un seul manifestant, activité désormais passible d’emprisonnement. Le bruit des klaxons remplace celui des slogans, de la musique, des détonations d’armes automatiques et des sirènes d’ambulances.
Les flics ont remis leurs tenues blanches impeccables et règlent tranquillement une circulation fluide en ce jour férié. Dans les cafés alentours, l’odeur des lacrymos a laissé la place à la fumée des chichas. Les interminables travaux sur la place Tahrir continuent de faire semblant d’avancer.
À proximité de Tahrir, la carcasse noircie du siège du PND continue néanmoins à rappeler qu’une révolution a eu lieu. Il en va de même du bâtiment en piteux état de l’Institut d’Égypte. L’accès à quelques rues menant à des bâtiments officiels continue à être bloqué par d’énormes blocs de béton face auxquels des centaines de jeunes avaient été tués ou blessés, comme le rappellent les fresques peintes le long du bâtiment de l’université américaine du Caire. Afin de ne pas trop perturber la circulation, un de ces barrages permanents a été pragmatiquement remplacé par un lourd portail métallique… pouvant être à tout moment refermé.
À Suez, deux jours plus tôt, les salariés du port en lutte se sont pris des lacrymos et des tirs de chevrotines. Ils étaient en sit-in le lendemain dans l’entreprise et à l’extérieur de celle-ci. Un syndicaliste déconseillait fortement de s’approcher sous peine d’être arrêté comme « espion étranger ».
Les seuls calicots politiques sont ceux à la gloire du futur imperator Sissi. Quant au Mouvement du 6 avril, qui avait été un des principaux initiateurs de la révolution de janvier 2011, il a été dissous lundi 28.
Au Caire, du côté syndical, a seulement eu lieu en fin de journée dans un vieux théâtre déglingué une réunion d’environ 200 personnes. Des militants ont notamment défilé à la tribune pour parler en cinq minutes des luttes qu’ils avaient récemment menées, au milieu du bruit permanent de la salle.

Alain Baron
Solidaires