En Tunisie, la loi 52 prépare les menottes

mis en ligne le 5 juin 2014
1743loi52Les arrestations se succèdent et les procès s’accumulent dans les tribunaux tunisiens visant une catégorie de jeunes suspecte ou accusée d’avoir consommé de la drogue « Zatla ». Un consommateur occasionnel ou quelqu’un qui y est accro, dépendant, tous sont soumis en toute « justice » à la loi 52.
Celle-ci, promulguée le 18 mai 1992, stipule que « sera puni d’un emprisonnement d’un à cinq ans et d’une amende de 1 000 à 3 000 dinars tout consommateur ou détenteur, à usage de consommation personnelle, de plantes ou matières stupéfiantes, hors les cas autorisés par la loi ». Ainsi, bien que datant de l’ère de Ben Ali, la loi 52 est retenue et appliquée sévèrement, sans procéder au cas par cas.
L’objectif poursuivi est donc d’étouffer les jeunes et de restreindre leur espace de libertés et donc d’action. Il est à noter que la drogue est disponible en Tunisie autant que la nourriture, et cela sous le regard de l’État. Cependant, les autorités chassent les occasions propices à leurs intérêts pour faire une campagne d’arrestations, qui vise depuis toujours et jusqu’à nos jours des activistes, des opposants au pouvoir en place, des défenseurs des droits et des militants contre le système policier, qui sont tous des jeunes gens de classe sociale moyenne ou inférieure.
Les policiers, en rage contre la vague de protestations qui ont eu lieu contre eux depuis 2011, paraissent user de cette loi pour régler leurs propres comptes avec les détenus, avec une vengeance intense. La loi 52 est le moyen le plus accessible et directement applicable pour emporter la victoire. Les actes d’extrême bassesse qu’ils exercent ont été appris à l’école de Ben Ali et les policiers y sont fidèles plus que tout. Cela ne leur fait rien, par exemple, de placer de la drogue dans les poches d’une personne, pas forcément coupable, et lui faire signer un procès-verbal où il confirme avoir transporté, vendu ou consommé telle quantité de drogues. La raison réelle du procès reste d’ordre politique pur mais elle n’est jamais mentionnée dans les procès-verbaux ni annoncée au public.
Tout comme avec la loi relative aux bonnes mœurs, disparue dans les casiers mais réactivée à la moindre occasion, la loi 52 est aussi un dispositif auquel recourent les policiers et les autorités pour opprimer, pour faire taire les protestations et les luttes qui visent à dévoiler leurs exactions.
Il est également crucial de mettre l’accent sur le fait que les agents de police exercent leurs fonctions sans aucun contrôle et sans aucune surveillance. La police constitue la main la plus oppressante et la plus prégnante dans un État policier, un État de droits sacrifiés et de libertés opprimées. On se demande parfois si on est bien dans un pays en révolution, un pays qui rêve de la faire. On en arrive même à chercher si la notion d’État existe vraiment. Les policiers reprennent les mêmes modes d’action et reprennent les mêmes pratiques cruelles de mépris de l’être humain, de non-respect des droits de l’Homme, de bassesse verbale et comportementale qui touche à la psychologie de la personne et à son intégrité physique.
L’affaire n’est pas de légaliser la drogue car elle est déjà disponible à tous les coins du pays et sous le contrôle des réseaux policiers, dont certains la consomment aussi. L’affaire est plutôt de réviser la loi 52 et d’arrêter de juger les jeunes à la base de cette loi.



Wael