Grève de la faim dans les prisons grecques

mis en ligne le 10 juillet 2014
1748PrisonsGreceQuatre mille prisonniers grecs étaient il y a peu en grève de la faim ; 4 000 ! (Il n’y a pas de zéro en trop, il s’agit bien de quatre mille.) Ça se passait en Grèce. Où que ce soit, l’État nous a souvent fait « l’honneur » de nous concocter des lois scélérates rien que pour nous, anarchistes. Avant-hier (au XIXe siècle), c’était en France, hier (au siècle dernier), c’était en Espagne, aujourd’hui, c’est en Grèce, dont on n’oublie jamais de nous rappeler qu’elle est le berceau de la démocratie. Le but est toujours le même : nous faire taire. Le résultat, toujours identique : nous sommes toujours là, debout. Le gouvernement grec présente au Parlement un nouveau projet de loi carcérale afin de « mieux lutter contre les anarchistes » et contrer leur influence auprès des autres détenus au sein même des établissements pénitentiaires. Ce projet prévoit de diviser les prisons en trois catégories : A, B et C. C’est cette dernière (la C) qui concerne les anarchistes qui se trouvent rattachés à la population carcérale concernée par les centres de haute sécurité pour « trahison, homicide volontaire sans circonstances atténuantes, extorsions de fonds, vol en bande organisée ». Et, bien sûr, « terrorisme » (synonyme bien commode pour désigner l’anarchisme sous toutes les latitudes). Pour ce dernier chef d’inculpation, précisons qu’il est prévu une peine d’emprisonnement en centre de haute sécurité de vingt ans incompressibles.
Dès le 18 juin, une première réaction des prisonniers a été de publier une déclaration pour exprimer leur opposition à ce projet de loi. Ce texte disait :
« Nous, détenus des prisons commençons un refus des plateaux-repas pour une durée de trois jours, afin de protester contre le projet de loi fasciste concernant le fonctionnement des prisons de type C. Le ministère veut construire une prison dans la prison, sans droits, sans parloirs, sans salaires, sans permissions de sortie. Le but du ministère n’est pas la correction et l’amélioration des prisonniers 1, mais la vengeance et la punition. Quand on prive quelqu’un de son droit à l’espoir, la seule chose sûre c’est de rendre cette personne pire qu’elle n’est. Les prisons de type C ne sont pas des prisons de haute sécurité, mais des prisons du haut désespoir. C’est pour ça que ce n’est pas un hasard si le ministère de la Justice essaye de faire passer ce projet de loi pendant l’été, pour éviter les réactions non seulement des prisonniers, mais aussi de tous les gens ayant une conscience et une sensibilité. Ces trois jours de refus de plateaux-repas ne sont qu’un début. Au cas où le ministère et le gouvernement resteraient sur leurs positions, la lutte continuera par tous les moyens.
Dorénavant en Grèce, peine de mort se dit : prison de type C.
P.-S. : En ces temps de pauvreté et de misère en Grèce, l’unique solution est la solidarité entre les gens. Pour cela, nous avons décidé que les repas que nous allons refuser pendant ces trois jours seront offerts aux SDF, aux pauvres et aux chômeurs. »
Il faut préciser que cette loi aggraverait encore les conditions de vie carcérale déjà peu reluisantes en Grèce : droits des détenus encore plus limités, restriction et abolition des sorties conditionnelles, difficulté plus grande de travailler et donc de pouvoir se constituer un pécule permettant de « cantiner », limitation également d’assister à des cours, ce qui débouchait sur des réductions de peine, visites des proches réduites, voire supprimées, interdiction des contacts avec d’autres prisonniers (les anarchistes sont particulièrement et nommément visés par cette loi).
Après le refus des plateaux-repas les trois premiers jours, le mouvement s’est étendu à partir du 23 juin à travers la Grèce dans une quinzaine de prisons : Koridallos/Athènes (1 300 prisonniers), Patras (550), Grevena (400), Larissa (300), Domokos (240), Amfissa (200), Corfou (120), Trikala (120), Avlonas (100), Alikarnos, Crète (280), etc. Au total ce sont plus de 4 000 prisonniers qui ont entamé une grève de la faim et qui en tant que Comité de lutte des prisons revendiquent entre autres : le retrait du projet de loi, le rétablissement des sorties/permissions conditionnelles, le rétablissement des visites des proches et le droit au parloir conjugal, la libération des migrants emprisonnés dont la peine a déjà été purgée…
Pour le moment, le gouvernement grec campe sur ses positions, pensant ainsi enrayer dans les prisons la « contamination des droits communs non politisés » par les prisonniers anarchistes responsables selon lui de rendre la gestion des prisons de plus en plus difficile, vu le nombre extrêmement élevé d’entre eux actuellement derrière les verrous, auxquels se sont ajoutés il y a peu une cinquantaine d’autres anarchistes interpellés au motif qu’ils se dirigeaient vers la résidence du Premier ministre, ce qui dans le « berceau de la démocratie » constitue un « acte de terrorisme ». Mais rien n’y fait, la lutte continue sous d’autres formes, la solidarité s’organise, sur place, ou internationalement à Bruxelles, Londres, Marseille, Paris… Aujourd’hui comme hier, en Grèce ou ailleurs, aucune loi scélérate ne nous fera taire ; debout nous sommes, debout nous resterons !




1. Établissement de correction/amélioration : terme officiel utilisé en Grèce pour désigner un établissement pénitentiaire.