La Chine et nous

mis en ligne le 23 octobre 2014
1753ChinanarchieTous les yeux du monde occidental sont rivés sur Hong Kong et ses foules désobéissantes. Nous sommes fascinés par ces tout jeunes gens manifestant avec leur parapluie. Nous avons peur pour eux, car l’histoire montre bien que le centre politique chinois ne peut supporter qu’une telle chose se passe. Les manifestations de cette île sont la fuite dans le barrage, petit écoulement d’eau qu’il faut absolument boucher pour pas que cela n’entraîne la rupture totale. Derrière le mur, de l’autre côté du barrage, le monde ouvrier bouge sans arrêt.

Apple, Iphone6 le dernier gadget
Les ouvriers qui fabriquent les coques de l’Iphone6, nouveau venu de la firme à la pomme, sont à la peine 77 heures par semaines. Le tout dans des conditions de travail infâmes. À Wuxi, dans une usine appartenant au groupe américain Jabil Cicuit, les ouvrières et ouvriers atteignent 158 heures supplémentaires dans le mois ce qui ne leur suffit pas pour atteindre le salaire minimum chinois ! Tous les accords avec le syndicat officiel sont battus en brèche. Quand Apple sort un nouveau produit, seule l’exploitation forcenée compte. Ce qui ne gêne personne en dehors, la possession d’un nouveau gadget prenant le pas sur toute autre considération.

Nike, Puma, Adidas, les belles chaussures
En avril dernier des milliers de travailleurs continuaient leur grève pour obliger leur entreprise à verser les cotisations sociales. Celle -ci, Yue Yuen, fabrique des chaussures de sport pour Nike, Adidas, Reebok, ASICS, New Balance Puma, etc. elle possède sept usines à Dongguan, ville de 8 millions d’habitants non loin de Hong Kong. 40 000 ouvriers auraient arrêté de travailler. 3 000 d’entre eux sont partis manifester dans les rues où il se sont heurtés à quelques centaines de policiers, sans incident majeur. Lin Dong, un militant d’une organisation d’aide juridique aux ouvriers, a été arrêté dès son arrivée sur place, mis en prison puis reconduit par la police en dehors de la ville.

Les jouets pour Noël
Ce refus général des entreprises chinoises de verser les cotisations sociales commence en Chine à poser de sérieux problèmes à tel point que pour certains cette préoccupation dépasse les problèmes de pollution. L’usine Baode Toy Factory fabrique entre autre les poupées Barbie pour Mattel. L’ONG China Labor Watch est spécialisée dans les enquêtes sur les mouvements sociaux en Chine. Son dirigeant, Li Qiang, dans un long article expose le cas de cette usine. au mois d’aout 2013 les ouvrier-e-s se mirent en grève pour obliger l’entreprise à payer les cotisations sociales. La compagnie a payé mais ses principaux clients, Mattel et Dysney, sont partis prétextant que Baode Toy Factory n’avait pas respecté leur code de bonne conduite. Ce qui n’avait pas gêné auparavant ces deux monstres financiers qui avaient été client pendant dix ans. La compagnie a donc payé ses arriérés et a, dans la foulée, sous-traité ses contrats à d’autres entreprises et a licencié ses ouvriers. De 3 000 avant la grève, ils ne sont plus que 1 000.

Le problème des cotisations sociales
Li Quiang explique que les conditions de travail dans les usines chinoises sont tellement dures que le turn-over est très important. Six jours sur sept, presque partout, les ouvrier-e-s doivent rester debout 10 heures de suite. Dans la plupart des usines d’électronique la moyenne d’âge est de 26 ans. Usés avant d’avoir vieilli, les travailleurs migrants retournent chez eux. Selon le Bureau chinois des statistiques 36 millions d’ouvriers migrants (ceux qui viennent de la campagne pour travailler en ville) ont plus de 50 ans. ils représentent 13 % du total. Ces chiffres n’incluent pas ceux qui quittent leur emploi parce qu’ils ne sont plus aptes physiquement. nombre d’usines n’embauchent plus des gens au-dessus de 35 ans. La plupart des ces rejetés rentrent chez eux sans retraite ou assurance médicale. Pour ceux qui malgré tout bénéficient de pension ou d’assurance maladie la situation n’est pas meilleure dans la mesure où ces fonds ne sont pas transférables d’une province à l’autre. Le gouvernement central renâcle devant toute intervention pour obliger les gouvernements locaux à rendre des comptes. En même temps les travailleurs vieillissent, 40 % ont plus de quarante ans et le nombre de jeunes migrants désirant intégrer les villes industrielles ne cesse d’augmenter. La situation va devenir critique pour le pouvoir. Les revendications pour une couverture sociale généralisée vont s’amplifier. Pour Li Quiang, cette question va être la cause d’une crise aussi importante que celle de l’épaisse pollution qui couvre la Chine.

L’atelier du monde dans le monde
La prise en compte des charges sociales dans le coût du travail, là-bas comme ici va entraîner un renchérissement de ce dernier donc une augmentation de la concurrence des pays moins-disant. Le Parti communiste chinois devra orienter la production vers le marché intérieur. Ce qui implique l’augmentation du niveau de vie des campagnes et probablement une réponse différente aux demandes de libertés de parole. L’impasse pour ce parti !