Que signifie la victoire de Syriza en Grèce ?

mis en ligne le 4 février 2015
1764GreceDepuis la « crise » de 2008, la Grèce vit sous des politiques d’austérité à grande échelle : impôts et taxes supplémentaires, réduction des retraites, réduction du salaire des fonctionnaires, réduction des subventions publiques à la Santé par exemple, non-remplacement des départs à la retraite, licenciement des contractuels, privatisation des biens publics, vente des infrastructures, etc.

Une situation économique et sociale catastrophique
La population s’est révoltée et a manifesté en nombre, dans tout le pays, tout au long de ces années mais, les mobilisations n’ont pas suffi à inverser la tendance. Malgré les milliers de personnes dans les rues, les gouvernements, retranchés derrière les barrages policiers, votaient toutes les lois de casse sociale.
Les émeutes, les affrontements, les grèves n’ont pas été victorieuses. Il y a eu une valse des différents partis politiques et, comme dans chaque crise, les partis d’extrême droite (Aube dorée) ont essayé de canaliser et détourner la colère populaire contre les étrangers. Des attaques ont eu lieu faisant de nombreuses victimes. Des antifascistes ont été tués. Heureusement, la contre-attaque a été à la hauteur et a permis de limiter, voire détruire la menace fasciste. Il faut dire que la Grèce a une histoire marquée par la dictature des colonels, jusque dans les années 1970. La tradition antifasciste est donc encore fortement présente. Le gouvernement avait même pris, tardivement, des mesures condamnant des leaders de ces partis d’extrême droite.

Victoire de la « gauche radicale »
Aujourd’hui, c’est Syriza qui tient le haut du pavé avec des nuances et des accents populistes, souverainistes inquiétants. Le discours antieuropéen, contre les politiques d’austérité, peut plaire. Reste à voir quels seront leurs marges de manœuvres et leurs choix politiques.
Syriza a donc recueilli 36 % des voix (exprimées) en Grèce. Si ces résultats conduisaient à redonner de l’espoir et de la dignité à celles et ceux parmi les prolétaires et les incitaient surtout à investir les luttes sociales en cours, nous ne bouderions pas notre joie. Tant mieux si Syriza parvient à améliorer un peu le sort des millions de Grecs en galère, plongés dans la misère que leur imposent cyniquement les capitalistes et les dirigeants politiques de Grèce et d’Europe.
Or, hélas, nous doutons que cet événement donne un meilleur environnement aux luttes sociales et aux conditions de vie sinistrées des prolétaires de Grèce et d’ailleurs. L’arrivée au pouvoir de Syriza risque d’entraîner des illusions mortelles pour une bonne partie du prolétariat, en le détournant des luttes.
Contrairement aux idées reçues, Syriza ne se réclame pas de l’anticapitalisme. Syriza n’est qu’une coalition hétéroclite de gauche. Une fois élu, Syriza a fait une alliance avec un parti de droite souverainiste !
Certaines personnes, pleines d’espoir et d’illusions, voient déjà un réveil des peuples européens et attendent la victoire de Podemos en Espagne.
Notons que dans ces deux pays la résistance aux politiques d’austérité s’est faite, avant tout, par la société civile, par des mouvements sociaux comme les Indignés, par des récupérations, des occupations, des collectifs citoyens, des assemblées générales de quartier, etc. Il y a donc une vraie base militante qui lutte quotidiennement contre les effets des politiques de casse sociale en Grèce, en Espagne et ailleurs.
C’est cette force qui constitue notre espoir et qui ne doit pas se laisser berner par les illusions électoralistes. N’oublions pas que, en France, la victoire du Front populaire, en 1936, a été suivie de grèves et d’occupations qui ont permis d’obtenir des avantages sociaux réels. Cela est vrai partout et en tout temps. Dans le meilleur des cas, les gouvernements ont besoin d’une pression populaire pour prendre des mesures d’intérêt public, collectif. Mais le plus souvent ils ont besoin que le peuple les rappelle à l’ordre et les contraigne à faire ce pour quoi ils ont été élus.

Quelles suites ?
En France, comme ailleurs, tout le monde essaie de s’attribuer la victoire de Syriza (même le PS, qui y voit une victoire de Hollande dans sa prétendue remise en cause de la politique d’austérité européenne. Quand on voit la politique antisociale du gouvernement, on a de quoi rire… ou pleurer). Or la gauche institutionnelle du Pasok (l’équivalent du PS en Grèce), qui gouvernait jusque-là, obtient moins de 5 % des suffrages exprimés. Une claque sans précédent !
La gestion politique du capitalisme, par essence inégalitaire et autoritaire, quels que soient les atours de « gauche » dont il se pare, ne peut conduire qu’aux désillusions. Avec la victoire de Syriza, la bourgeoisie prévoit déjà l’étape prochaine. Partout en Europe, elle s’oriente vers une gestion autoritariste de la société, en forme d’occupation policière renforcée de l’espace social, de nouveaux dispositifs législatifs liberticides au nom de la « lutte antiterroriste », de mise au pas des espaces de lutte dans et hors le monde du travail.
Pour en revenir à la Grèce, contrairement à ce que le spectacle médiatique prétend, la victoire de Syriza ne fait pas l’unanimité chez les militants, bien loin de là. Les anarchistes, très présents en Grèce dans les mouvements sociaux, ont appelé à une grève du vote. Force est de constater que, dans un pays où l’abstention est interdite, conduisant à des difficultés pour l’obtention de papiers (passeport, permis de conduire), l’abstention reste impressionnante pour ces élections grecques pourtant surmédiatisées, s’élevant à 36 %. Soit bien plus d’abstentionnistes que de personnes votant Syriza… c’est étrange, les médias en parlent peu.
En tout cas, la population n’a pas attendu la victoire éventuelle d’une nouvelle clique de politiciens. Face aux effets dévastateurs de la crise, des alternatives se sont mises en place afin d’assurer les besoins vitaux des habitants et des habitantes. Ce sont des squats, des cuisines autogérées, des dispensaires, etc. Dernièrement, la Fédération anarchiste a fait le choix de soutenir un dispensaire dans le « quartier anarchiste », d’Athènes, Exarcheia.

Soutien aux alternatives concrètes
En Grèce, la sécurité sociale, qu’on appelle IKA, profondément remaniée, est supprimée au bout d’un an de chômage, alors que plus de 60 % des jeunes sont sans emploi et qu’il n’y a pas de RSA.
Sauver des vies, diminuer la souffrance et s’organiser autrement, tels sont les enjeux des dispensaires sociaux et sanitaires autogérés, face au drame d’innombrables demandes de soins. Le nombre d’hôpitaux diminue, mois après mois. Les pharmacies se vident, ayant du mal à se procurer des médicaments, faute de garantie de paiement.
Exarcheia, célèbre quartier d’Athènes, est le cœur de la résistance en Grèce depuis plus d’un siècle. Une structure médicale gratuite autogérée a été créée à l’initiative de l’assemblée générale des habitants du quartier. Elle est située dans le grand sous-sol de l’espace social libre K-VOX, sur la place centrale d’Exarcheia. Elle propose gratuitement l’accès à un médecin généraliste, un psychologue, un gynécologue, un pédiatre, ainsi qu’un cabinet de radiologie et d’échographie. Et cela, pour toutes et tous, quelles que soient la couleur de peau, la religion, l’orientation sexuelle et l’origine. D’autres alternatives de vie et de luttes existent déjà en nombre à travers toute la Grèce, mais aussi en France, en Europe, dans le monde. Ce sont elles qui changent le rapport de force, loin du spectacle médiatique et politicien.