Et la rentrée pénitentiaire ?

mis en ligne le 10 décembre 2004

Rentrée scolaire, rentrée sociale, rentrée parlementaire...

Élisabeth Guigou, alertée par une lettre ouverte d'un aumônier de prison a décidé de passer quelques jours de son mois d'août dans la visite de plusieurs établissements pénitentiaires. Pourquoi a-t-elle attendu que ce soit un aumônier qui l'interpelle ? Tous ses collaborateurs ont sûrement des dizaines de courriers de détenus dans leurs tiroirs pour dénoncer leur condition de détention : les cellules surpeuplées entraînant un grave dysfonctionnement dans l'hygiène, l'intimité et la dignité du prisonnier, le manque de soins (spécialistes, dentistes), le manque d'encadrement de «réinsertion» (un éducateur pour détenus, etc.) la misère de dehors amplifiée à l'intérieur pour ceux qui la subissent, la misère sexuelle et psychologique, les brimades, les arbitraires, les détenus atteints de pathologie graves qui meurent en prison. N'avait-elle pas eu le temps de consulter les chiffres des suicides pour l'année 1996 (138) : proportionnellement dix fois supérieurs à la population normale.

Quand la parole des détenus sera-t-elle prise en compte ? Quand les prendra-t-on pour des citoyens à part entière, responsables et à même de savoir quels sont leurs problèmes ?

Elle n'aurait pas eu le besoin de se déplacer, tout est écrit dans ses courriers. La seule différence c'est qu'elle a touché l'horreur de près. Que va-t-elle [faire] ? Rien de plus que les autres. Elle a déclaré : «qu'il fallait utiliser tous les moyens pour faire baisser la population carcérale», elle a parlé aussi «d'alternatives à la prison».

Il n'y a pas besoin d'alternatives. Si les étrangers en situation irrégulière qui n'ont commis aucun délit n'étaient plus enfermés, si on légalisait la drogue, les prisons se videraient à peu près à 80% de leur population.

Après, on pourrait alors parler sérieusement de politique de réinsertion. On peut attendre que ces décisions soient prises... mais elles ne le seront pas demain : on parle mais on ne fait rien. La prison n'a jamais été une priorité d'aucun gouvernement, de droite ou de gauche. La volonté politique n'entend que la «voix de l'opinion publique», celles des sondages et des «luttes à mener en priorité»... Mais les détenus ne sont pas prioritaires.

La promenade de Madame Guigou dans les prisons n'apportera donc rien de nouveau : des femmes et des hommes continueront à y perdre leur vie.

Peut-être y aura-t-il quelques réformettes : sur le droit à l'intimité par exemple puisque l'O.I.P. (Observatoire international des prisons) va être reçu par la ministre. Vont-ils avoir le courage de mettre en place les parloirs intimes ? Peut-être dans les Centres de détention où les peines sont de dix ans et dans les Centrales où elles sont supérieures à dix ans afin d'éviter les éventuelles mutineries et «apaiser l'angoisse des matons» devant la longueur des peines ? Alors qu'il faudrait mettre en place les sorties conditionnelles (sortie à mi-peine) et surtout autoriser davantage de permissions de sortie à un plus grand nombre de détenus.

Émission Ras les murs (Radio libertaire)