La Gratuité à  portée de main !

mis en ligne le 18 octobre 2006

TEO

L'effet de surprise était total vendredi dernier à Lyon lorsque les radios ont annoncé que le Conseil d'État annulait la délibération prise le 19 juillet 1991 par la COURLY (Communauté urbaine de Lyon) à propos de la concession de l'autoroute urbaine TEO (Trans Est Ouest) aux trusts Bouygues et Dumez. D'ailleurs ce n'est pas tant la décision elle-même qui a surpris, mais le fait que le jugement ait été rendu de suite et non mis en délibéré.

C'est un fait assez rare, qui ne manque pas d'être interprété comme mettant en difficulté la droite, alors que le scrutin régional s'annonce difficile pour la liste conduite par Charles Millon, président sortant.

C'est aussi un sérieux coup de pouce donné à Étienne Tête, élu des Verts au Conseil régional, contesté par les militants de base de la région et dont la présence sur les listes régionales de la gauche plurielle est due à une forte pression des instances nationales du parti.

En effet, c'est Étienne Tête qui a engagé la procédure d'annulation devant le Conseil d'État et il en recueille aujourd'hui tous les bénéfices. C'est dans la logique des choses.

Sur le fond, l'annulation repose sur le fait que la COURLY n'a pas engagé un appel d'offre international pour la passation du marché de concession, conformément à la directive européenne du 18 juillet 1989. C'est sans doute un argument solide, mais il est difficile de croire qu'il aurait pesé lourd si TEO s'était révélé une juteuse affaire financière. Or il est aujourd'hui admis par tous que ce périphérique à péage est un fiasco.

C'est un fiasco parce que son tracé ne correspond en rien aux plus importants flux de déplacements de l'agglomération (moins de 45 000 véhicules/jour potentiels sur cet axe) et que par conséquent le marché n'existe pas. Cela explique que le contrat de concession prévoyait de rabattre des flux de circulation sur cet autoroute alors qu'en toute logique il n'y avait aucun intérêt à les faire passer par là, sauf que cela amenait de la clientèle. Et à 16 FF le passage ça pouvait rapporter gros.

Rappelons tout de même que cette infrastructure a été financée par les collectivités publiques à hauteur de 52%, soit 3,2 milliards de francs sur un budget total d'environ 6 milliards. Encore qu'on ne sache pas vraiment la vérité tant le secret est bien gardé.

Mais ce qui a fait dérailler la machine à faire du fric c'est la réaction spontanée de la population, qui dès la mise en service de TEO a massivement boycotté l'ouvrage.

Sous la pression populaire et les embouteillages monstres provoqués par la canalisation des automobiles vers TEO, Raymond Barre a du remettre à 2 fois 2 voies des routes, rouvrir des passages fermés pour que se rétablissent les parcours habituellement empruntés.

Du coup TEO a été vidé, et le trafic quotidien y est estimé à 10 à 12 mille véhicules/jour, soit 2,5 fois moins que ce qu'il faudrait pour qu'il atteigne son seuil de rentabilité. Et depuis juillet, ce boycott populaire ne s'est jamais démenti. En ce sens la décision du Conseil d'État enlève peut-être une épine du pied de Bouygues en le libérant d'un contrat où il risquait de perdre de l'argent.

Le «Collectif pour la gratuité et contre le racket» créé dès juillet dernier s'appuie sur cette réalité de boycott pour légitimer son action. Les militants des groupes lyonnais de la FA sont investis depuis le début dans cette association qui a su mener un travail d'information et d'actions conséquent.

Plus de 600 000 tracts ont été distribués sur la voie publique, plusieurs milliers d'affiches collées, une manifestation de plus de 6 000 personnes organisée, des débats publics dans différentes communes de l'agglomération ont eu lieu et chaque lundi, matin et soir, des opérations péage gratuit menées sur le principal poste de péage.

Et c'est certainement cette volonté de lever les barrières de péage qui a le plus contribué à maintenir la pression sur Raymond Barre et Bouygues. Les menaces et les intimidations sur les militants ont été nombreuses et systématiques, mais rien n'y a fait.

Cette capacité à relayer politiquement le boycott s'est avéré essentielle. Le Conseil général et la COURLY avaient un autre projet de périphérique à péage appelé TOP.

Se rendant compte qu'ils ne pourraient pas désarmer l'opposition au racket, ces deux collectivités publiques ont décidé de geler le projet et de revoir leur copie, alors que les terrains sont déjà acquis et que les travaux se préparaient activement. De fait, c'est tout le schéma de circulation de l'agglomération urbaine qui est à repenser.

Pour le moment nous savons que Barre est contre la gratuité, et qu'il va essayer de faire accepter un prix réduit sur TEO. sous prétexte qu'on ne peut augmenter les impôts.

Le 16 ou le 17 février un Conseil de COURLY devrait se réunir pour définir une nouvelle stratégie commerciale. Cela nous laisse un peu de temps pour organiser une mobilisation suffisante afin de faire comprendre que ce que nous voulons, c'est la gratuité tout de suite. Et c'est bien ce que veulent massivement les Lyonnais.