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par Fab (Graine d’anar, Lyon) et Camille (La Sociale, Rennes) • le 20 décembre 2017
Comment emmerder les anarchistes ?
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« Ni Dieu ni maître »
Article extrait du « Monde libertaire » n° 1791 de janvier 2018
Ces derniers temps, on sait pas vous, mais nous, on entend souvent un truc qu’avait pas cours avant. Une nouveauté en matière d’affirmation, pas piquée des vers. Accrochez vous bien... « Ni Dieu ni maître, c’est oppressif ! » Paf ! C’est du lourd, hein !
Cela a d’abord constitué un outil de trollage (art de faire chier sur le Net pour se marrer et passer le temps), pratique assez répandue chez les anti-anarchistes en ligne. Mais, depuis quelque temps, c’est devenu un argument qui sort facilement lors de débats dans la « vie physique » et qui sonne comme une forme de négation du fondement historique de l’anarchisme.
Généralement, cela donne : « Tu ne peux pas dire “ni Dieu ni maître”, c’est oppressif. Tu ne peux pas obliger quelqu’un à être athée. » Or, dès cet instant, on se rend compte de l’entourloupe. Car il ne s’agit en rien d’imposer quoi que ce soit.
Explication. Lorsqu’une personne énonce « ni Dieu ni maître », c’est d’elle qu’elle parle. Si elle parlait d’une société donnée, ou de la société de ses rêves, elle dirait qu’elle la perçoit – dans le premier cas, qu’elle la veut –, dans le second – « sans Dieu et sans maître ». Référons-nous pour mieux comprendre la chose au slogan de Radio-Libertaire, « la radio sans Dieu, sans maître et sans publicité ». Ce slogan indique clairement que ses auditeurs et ses animateurs comptent bien évoluer dans un environnement radiophonique avec des caractéristiques particulières, précisément sans Dieu, sans maître et sans publicité. C’est clair, non ? C’est clair que, là, rien n’est imposé vu qu’on est pas obligé de causer dans le poste ni de l’écouter. Ça va ?
Revenons à « ni Dieu ni maître ». Le « ni » se rapporte clairement à la personne qui se montre à voir, ou plutôt qui se donne à entendre. Bref, à celle qui énonce. Elle dit d’elle-même ou parlant d’elle-même (ici, c’est la même chose) qu’elle n’a « ni Dieu ni maître ». Cette fois encore, il ne s’agit pas d’imposer quoi que ce soit à quiconque. C’est juste une information claire, délivrée à celui ou à celle qui est en face. Quand on se plante face aux prieurs anti-avortement, par exemple, à gueuler « ni Dieu ni maître ! », c’est pour leur rappeler que nous n’entendons pas que leur Dieu guide notre conscience et que nous ne reconnaissons aucun maître pour régler notre existence. C’est une affirmation qu’on leur délivre. Qu’est-ce qui la motive ? C’est simple : nous ne les contraignons pas, les prieuses, à avorter tandis que les bigotes et les bigots veulent, eux, nous interdire l’IVG. Bref, nous partons et nous parlons encore une fois de nous-mêmes. Et qui d’autre que nous-mêmes peut dire ce dont nous sommes fait.e.s et ce dont nous voulons nous défaire, en l’occurrence : les dieux, les maîtres, l’interdiction de l’IVG ? Y a-t-il plus bel acte de raison ? Qui osera nous le reprocher ?
Et puis ; « oppressif », contre qui ? Contre Dieu qui n’existe pas ? Contre les maîtres que nous ne percevons pas comme des camarades ? N’est-ce pas faire preuve d’un minimum de cohérence que d’être « raccord » avec soi-même et avec la réalité sociale ? Pourquoi nous en faire grief ?
Nous serions oppressifs contre les croyantes et croyants, nous dit-on. Mais en quoi affirmer ce qui guide notre vie à des personnes croyantes serait plus oppressif que lorsqu’une personne croyante nous indique ce qui guide la sienne ? Ça va toujours ?
Lorsque vous vous démenez vaille que vaille avec cet argumentaire, votre contradicteur ne tarde pas à sortir sa botte secrète : « Hé, mais c’est même pas anarchiste ! » Ben ouais, Ni Dieu ni maître, c’était le journal de Blanqui, et Blanqui n’était pas anarchiste. Donc c’est blanquiste. Soit. C’est oublier un peu vite que l’on retrouve cette locution au temps des pirates, lors des révoltes passées, sous la monarchie ou la république naissante, etc. Et qu’elle est en filigrane des écrits de tous les penseurs de l’athéisme. Le fait que Blanqui en a fait le titre de son journal, en quoi cela rendrait cette devise inassimilable pour nous ? Dans ce cas-là, il nous faut très vite abandonner le mot « révolution », qui n’est après tout que le titre du livre programmatique de Macron ! Nous faut-il aussi renoncer au pinard au prétexte que les bourgeois remplissent leur cave de bouteilles millésimées ?
Ne soyons pas dupes. Ces attaques sont généralement le fait de gens ayant des liens soit avec des mouvements religieux, soit avec l’idée qu’un tribun gueulard ou un chef à poigne va les sauver. Pis, ce sont parfois les mêmes ! Rien de surprenant à les voir tenter d’exploser une expression aussi claire que « ni Dieu ni maître ». Après tout, cela fait plus d’un siècle qu’elle vient gratter leurs certitudes, s’y opposer, et qu’elle affirme haut et fort que l’on peut se passer de partis, d’État, de religions et autres autorités étouffantes. L’on peut même s’étonner qu’il ne soit pas davantage perçu comme fondamentalement bienveillant, notre cher slogan, de façon immédiate, spontanée.
Notons d’ailleurs que si pour eux « ni Dieu ni maître » est oppressif, il n’en est rien d’aller voter pour enrichir une caste dirigeante si peu attentive à leur misère, la perpétuant même, pour l’éternité – si l’on peut dire. Pauvres pécheurs, pauvres voteurs.
Sérieux. Dénier le droit qu’a chacun de diriger sa vie, d’exprimer pacifiquement comment il entend le faire et ne pas le faire, là est l’oppression. Celle que l’on cache en s’en prenant à un slogan libérateur.
Cela a d’abord constitué un outil de trollage (art de faire chier sur le Net pour se marrer et passer le temps), pratique assez répandue chez les anti-anarchistes en ligne. Mais, depuis quelque temps, c’est devenu un argument qui sort facilement lors de débats dans la « vie physique » et qui sonne comme une forme de négation du fondement historique de l’anarchisme.
Généralement, cela donne : « Tu ne peux pas dire “ni Dieu ni maître”, c’est oppressif. Tu ne peux pas obliger quelqu’un à être athée. » Or, dès cet instant, on se rend compte de l’entourloupe. Car il ne s’agit en rien d’imposer quoi que ce soit.
Explication. Lorsqu’une personne énonce « ni Dieu ni maître », c’est d’elle qu’elle parle. Si elle parlait d’une société donnée, ou de la société de ses rêves, elle dirait qu’elle la perçoit – dans le premier cas, qu’elle la veut –, dans le second – « sans Dieu et sans maître ». Référons-nous pour mieux comprendre la chose au slogan de Radio-Libertaire, « la radio sans Dieu, sans maître et sans publicité ». Ce slogan indique clairement que ses auditeurs et ses animateurs comptent bien évoluer dans un environnement radiophonique avec des caractéristiques particulières, précisément sans Dieu, sans maître et sans publicité. C’est clair, non ? C’est clair que, là, rien n’est imposé vu qu’on est pas obligé de causer dans le poste ni de l’écouter. Ça va ?
Revenons à « ni Dieu ni maître ». Le « ni » se rapporte clairement à la personne qui se montre à voir, ou plutôt qui se donne à entendre. Bref, à celle qui énonce. Elle dit d’elle-même ou parlant d’elle-même (ici, c’est la même chose) qu’elle n’a « ni Dieu ni maître ». Cette fois encore, il ne s’agit pas d’imposer quoi que ce soit à quiconque. C’est juste une information claire, délivrée à celui ou à celle qui est en face. Quand on se plante face aux prieurs anti-avortement, par exemple, à gueuler « ni Dieu ni maître ! », c’est pour leur rappeler que nous n’entendons pas que leur Dieu guide notre conscience et que nous ne reconnaissons aucun maître pour régler notre existence. C’est une affirmation qu’on leur délivre. Qu’est-ce qui la motive ? C’est simple : nous ne les contraignons pas, les prieuses, à avorter tandis que les bigotes et les bigots veulent, eux, nous interdire l’IVG. Bref, nous partons et nous parlons encore une fois de nous-mêmes. Et qui d’autre que nous-mêmes peut dire ce dont nous sommes fait.e.s et ce dont nous voulons nous défaire, en l’occurrence : les dieux, les maîtres, l’interdiction de l’IVG ? Y a-t-il plus bel acte de raison ? Qui osera nous le reprocher ?
Et puis ; « oppressif », contre qui ? Contre Dieu qui n’existe pas ? Contre les maîtres que nous ne percevons pas comme des camarades ? N’est-ce pas faire preuve d’un minimum de cohérence que d’être « raccord » avec soi-même et avec la réalité sociale ? Pourquoi nous en faire grief ?
Nous serions oppressifs contre les croyantes et croyants, nous dit-on. Mais en quoi affirmer ce qui guide notre vie à des personnes croyantes serait plus oppressif que lorsqu’une personne croyante nous indique ce qui guide la sienne ? Ça va toujours ?
Lorsque vous vous démenez vaille que vaille avec cet argumentaire, votre contradicteur ne tarde pas à sortir sa botte secrète : « Hé, mais c’est même pas anarchiste ! » Ben ouais, Ni Dieu ni maître, c’était le journal de Blanqui, et Blanqui n’était pas anarchiste. Donc c’est blanquiste. Soit. C’est oublier un peu vite que l’on retrouve cette locution au temps des pirates, lors des révoltes passées, sous la monarchie ou la république naissante, etc. Et qu’elle est en filigrane des écrits de tous les penseurs de l’athéisme. Le fait que Blanqui en a fait le titre de son journal, en quoi cela rendrait cette devise inassimilable pour nous ? Dans ce cas-là, il nous faut très vite abandonner le mot « révolution », qui n’est après tout que le titre du livre programmatique de Macron ! Nous faut-il aussi renoncer au pinard au prétexte que les bourgeois remplissent leur cave de bouteilles millésimées ?
Ne soyons pas dupes. Ces attaques sont généralement le fait de gens ayant des liens soit avec des mouvements religieux, soit avec l’idée qu’un tribun gueulard ou un chef à poigne va les sauver. Pis, ce sont parfois les mêmes ! Rien de surprenant à les voir tenter d’exploser une expression aussi claire que « ni Dieu ni maître ». Après tout, cela fait plus d’un siècle qu’elle vient gratter leurs certitudes, s’y opposer, et qu’elle affirme haut et fort que l’on peut se passer de partis, d’État, de religions et autres autorités étouffantes. L’on peut même s’étonner qu’il ne soit pas davantage perçu comme fondamentalement bienveillant, notre cher slogan, de façon immédiate, spontanée.
Notons d’ailleurs que si pour eux « ni Dieu ni maître » est oppressif, il n’en est rien d’aller voter pour enrichir une caste dirigeante si peu attentive à leur misère, la perpétuant même, pour l’éternité – si l’on peut dire. Pauvres pécheurs, pauvres voteurs.
Sérieux. Dénier le droit qu’a chacun de diriger sa vie, d’exprimer pacifiquement comment il entend le faire et ne pas le faire, là est l’oppression. Celle que l’on cache en s’en prenant à un slogan libérateur.
PAR : Fab (Graine d’anar, Lyon) et Camille (La Sociale, Rennes)
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