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par Philippe Paraire le 4 octobre 2021

Zemmour : « La voix de l’OAS vous parle. »

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Article extrait du Monde libertaire n°1837 de septembre 2021
Ceci n’est pas un billet d’humeur, ni l’ouverture d’un débat avec le nouveau Zorglub, que je ne souhaite pas, pas plus qu’avec ceux qui le soutiennent ou le soutiendront. C’est juste une déclaration, un étalage de souvenirs. Pour se préparer à un combat nécessaire.




Je vois bien trop de commentaires étonnés, dans la « bonne presse », qui s’offusquent tous du météore Zemmour, comme si c’était dans notre histoire la première comète de ce genre. Ils font tous semblant de s’horrifier, alors que certains, comme Ruquier, lui ont naguère mis le pied à l’étrier. En gros ils font les étonnés.

Mais moi, je ne suis pas étonné. C’est comme la madeleine de Proust. Quand j’entends Zemmour, quand je le vois, je réentends et je revois. Tout me revient. Pas la peine d’aller chercher dans nos livres d’histoire le général Boulanger, Pétain ni Laval. Je pioche juste dans mes souvenirs d’enfance et je me souviens : je reconnais ce discours manichéen, ces émotions désordonnées, ces vociférations.
J’avais onze ans, en 1961, quand subitement, à Oran, en Algérie, nous voyions sauter l’image de notre télévision, un gros meuble plaqué acajou avec un écran gris bombé, presque ovale, qui trônait au salon. En général pendant un journal télévisé avec Jacques Poux comme présentateur, l’image et le son disparaissaient. On avait alors une musique militaire, la neige sur l’écran, et la voix du général Salan qui disait, en fond, grave et solennelle : « La voix de l’Algérie vous parle ».
Suivait une introduction, les « actualités » de l’OAS, lues par un « journaliste », qui égrenait les hauts faits patriotiques les plus récents des commandos, dans toute l’Algérie, et aussi en France, région par région : plastiquage d’un commissariat, d’une mairie, d’un quincaillier arabe, action de représailles dans un douar, capture et exécution de « responsables » FLN, voix de faits contre un avocat, attentat contre des intellectuels, ralliements et soutiens financiers de commerçants ou d’élus à la cause nationale de l’Algérie française. Parfois une interview de Salan lui-même, ou la lecture d’un texte de Susini, d’un appel au soulèvement écrit par Jouhaud, Gardes, Gardy, ou Château-Jobert.

Mais le plus intéressant, c’était ensuite les analyses qui assénaient leur propagande, axée sur plusieurs thèmes principaux :
Un mélange curieux de maréchalisme et de gaullisme (le premier n’avait pas trahi le France, le second, finalement si, après l’avoir défendue ; quelle déception !)
La dénonciation du « gouvernement de l’abandon » qui collabore avec les rebelles algériens et produit volontairement un chaos civil et sécuritaire destiné à « livrer l’Algérie à l’ennemi ».
L’appel à la résistance patriotique : un combat pour la « Vraie France » unie autour des valeurs de la chrétienté et de la nation
La haine des étrangers (les Algériens, des étrangers sur leur propre terre, les « indigènes ») et des collaborateurs (les intellectuels progressistes ou révolutionnaires).
L’amalgame permanent entre le FLN et la population algérienne, présentée comme une entité monolithique, favorable au terrorisme des rebelles.
Le culte d’un ordre civil militaro-policier et de la défense des « vrais Français » et bons citoyens, qui doit être assurée par la seule organisation patriotique, l’OAS. « Les civils n’y arrivent pas, la force armée, elle, saura le faire » entendait-on.
La dénonciation du démantèlement moral de la patrie par les théories de la « femme libérée » et de la libération sexuelle, faisant de la mère patrie un « lupanar décadent pour homosexuels ».
Une théorie du déclin inévitable du pays en cas de victoire gaulliste, de la submersion par l’islam, de l’échec de la « dernière croisade perdue ».
L’usage nécessaire de la force armée contre les opposants à la patrie.
Le refus absolu de la lutte des classes, invention des communistes.
La restauration de l’ordre économique et social par le corporatisme social proposé par le Maréchal, seul capable de pacifier les relations Capital/travail.

Je n’en ferai pas la publicité, mais les plus curieux pourront vérifier tout cela dans un livre, Les tracts de l’OAS, à chercher sur Internet, au moins pour lire ces textes.

Il faut remarquer que point par point, c’est le programme de Zemmour : le redressement national, la restauration de la puissance de la patrie déclinante, la lutte contre le « racialisme » et le « néo féminisme », le soutien aux pétitions en faveur d’un état militaro-policier.
Quand je vois et que j’entends Zemmour, j’ai juste une impression de « déjà vu » : je revois la tête de Salan et j’entends les paroles de Tixier-Vignancourt.

No pasaran. Ils ne passeront pas si nous les combattons vraiment.

Philippe Paraire
A écrit : Avoir 10 ans en Algérie, Chroniques d’un enfant dans la guerre, 1954-1963. En vente à Publico.
PAR : Philippe Paraire
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le 6 octobre 2021 12:34:30 par Luisa

- Merci beaucoup pour cet article ! BRAVO !
Non seulement je partage totalement cette analyse mais je pourrais également apporter des souvenirs précis vécus dans le même sens ( … ).
Pour confidence, il y a seulement deux ou trois ans, j’ai conduit ( en feintant ) une personne qui parlait comme Zemmour, au cimetière Parisien à Ivry-sur-Seine, pour lui montrer les tombes de Juifs, étrangers, communistes, qui furent les premiers Résistants : ceux de l’Affiche rouge.
Cette personne, séfarade d’Algérie, que j’ai conduit sur les tombes de Manoukian, Élek, Rajman, Rayman, Wajsbrot, Fingercwajg, Boczor, Wichitz et tous les autres, en vérité je l’ai mise devant ses propos abjectes que j’ai très souvent entendus :
- « vous vous êtes laissés égorger comme des moutons ! » [sic]
J’imagine très facilement que Zemmour parle lui aussi comme ça ( … ).
Le 21 février 1944 ? Pas entendu parler !