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par DAF le 15 août 2016

Sur les derniers événements en Turquie

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extrait du supplément ML sur la Turquie
Le rassemblement de Yenikapi, à Istambul, en soutien au président Erdoğan, est un exemple montrant l’étendue de la mobilisation politique en Turquie, durant ce dernier mois (août). Ce rallye, qui a été rejoint par cinq millions de personnes et par les dirigeants des partis d’opposition (sauf le HDP, parti pro-kurde), montrant "l’unité des protecteurs de la démocratie", avait plusieurs messages ciblant la politique à la fois nationale et étrangère. Pendant le processus du coup d’État, qui peut être vu comme un affrontement de différents groupes de pouvoir à l’intérieur de l’État, il semble que le président Erdoğan et l’AKP (parii au gouvernement) aient réussi à rallier les différents groupes politiques dans leur "politique lié au processus de coup d’État".

Qu’est-il arrivé ?
L’existence de l’État sur les terres où nous vivons, est directement liée à l’existence de l’armée, compte tenu de sa relation au cours du processus de fondation de l’État turc. La notion de « coup » est un terme qui a une place importante dans la vie politique de la République turque. On peut voir le coup d’État comme une réalité politique inévitable de l’existence même de l’État dans cette région, qui affecte les politiques étatiques actuelles au regard du dernier coup d’État qui a eu lieu en 1980. Ce qui est arrivé le 15 Juillet 2016 a un caractère qui continue cette réalité politique. L’armée qui voulait intervenir sur le pouvoir politique tente de prendre le contrôle des bâtiments d’importance stratégique de l’État; beaucoup de bureaucrates dans des positions stratégiques importantes ont été pris en otage, les édifices du Parlement et du renseignement ont été bombardés, les ponts et les aéroports ont été bloqués par des soldats, des affrontements ont eu lieu entre les soldats et la police. La tentative de coup d’État de cinq heures a pris fin avec des manœuvres différentes et rapides du gouvernement actuel et surtout du président Erdoğan. Parmi ces manœuvres, des facteurs notables sont le contrôle des médias, le contrôle de la mobilisation civile et de masse à travers les médias et le contrôle de l’application des lois relevant du ministère de l’Intérieur.

La mobilisation
Le pouvoir politique actuel a été en mesure de maintenir une mobilisation énorme depuis le 15 Juillet, sous le nom de « vigilance de la démocratie » en ciblant particulièrement la rue et les zones militaires. Pour créer la mobilisation civile qui a arrêtée les chars en marche vers les ponts bloqués par des soldats dans la nuit avant le 16 Juillet, l’AKP ont eu recours à toutes les installations de l’État. Depuis le 15 Juillet, alors que cette mobilisation est identifiée autour des valeurs sacrées de l’État, et que celles et ceux qui ont perdu leur vie dans cette mobilisation sont déclarés "martyrs" - avec des histoires d’héroïsme -, un état de vigilance continue tente d’être créé par la haine et la vengeance. Le grand rassemblement mentionné ci-dessus est en extension de cet état de vigilance. Nous voyons qu’une partie de la mobilisation dans la rue vise également différentes sections (Kurdes, Alévis, opposition) qui se dressent contre l’État dans différents domaines. L’AKP et Erdoğan, qui détiennent le pouvoir politique actuel, sont devenus une plate-forme pour les formations islamistes nationalistes. Ceci est illustré clairement par les symboles créés par le processus.

Couverture de la démocratie
Chaque coup d’État est un processus par lequel l’oppression de l’État se manifeste sous une forme physique et violente. Ce n’est rien d’autre qu’une façon de mettre la pression, par le recours à la force et à la violence, sur des opprimé.e.s afin de prendre le pouvoir politique. En tant que révolutionnaires, qui ont connu la période où le putsch militaire de 1980 a directement assassiné, torturé et réprimé les révolutionnaires et les opprimé.e.s, et la période qui a suivit, nous ne savons que trop bien ce que ces coups sont vraiment.
Nous savons aussi ce qui est jugé sous le nom de soi-disant "lutte de la démocratie" anti-coup d’État, depuis 15 Juillet. Le fait d’avoir été élu est utilisé comme un argument contre les groupes qui ont comploté. Cela joue un rôle important dans la légitimation de la position actuelle de l’AKP et de Erdoğan. Tout le discours politique qu’ils ont diffusé depuis le 15 Juillet est en fait lié à cette couverture de la démocratie.
Nous avons souligné précédemment que l’AKP et Erdoğan ont rendu explicites leurs caractéristiques islamistes et nationalistes. Surtout en considérant la lutte de ces secteurs contre les pro-coup d’État, les laïcs, les groupes kémalistes radicaux à l’intérieur de l’État, depuis la fondation de l’État. On peut voir qu’il y a une contradiction existentielle entre ces secteurs et l’armée et les bureaucrates républicains. Même si cette contradiction semble être pro-démocratie, on en est est vraiment éloignée. Pour voir la distance, il est suffit de regarder les « exigences » dans la rue : peine de mort, présidence avec des autorités supplémentaires, et bien d’autres demandes sur la base des valeurs islamistes et nationalistes qui sont cachées sous le couvert de la démocratie.
Alors que la démocratie est sanctifiée par le pouvoir politique actuel, les demandes des 51 %, qui ont voté pour ce pouvoir politique lors des dernières élections, sont décrites comme la volonté du peuple. La réalité est encore plus éloignée de cela. Le pouvoir politique actuel essaie de vendre ses plans et stratégies comme des demandes du peuple. Depuis cette politique est contre toutes les « valeurs politiques de l’Occident », son jeu de pro-démocratie n’est pas réaliste.
Il faut noter, d’autre part, que nous ne devons pas tomber dans le même piège dans lequel certaines organisations socialistes sont tombées. Notre critique ci-dessus ne signifie pas que nous embrassons les valeurs démocratiques du système. En fait, c’est le même système démocratique qui rend possible que « la majorité opprime la minorité » sous le jeu des pro-démocratie. A l’intérieur de ce système démocratique, quand les islamistes radicaux réusssisent à prendre le pouvoir, ils sont pro-démocratique; et quand les nationalistes ou les libéraux prennent le pouvoir, ils le sont aussi. Tel est le message exact que l’AKP et Erdoğan veulent donner à l’Ouest : « Nous sommes démocratiques ».

Qui a fomenté le coup ?
Dès le début, nous avons indiqué que le processus actuel est le résultat de la lutte des groupes qui, à l’intérieur de l’État, luttent pour le pouvoir. On sait que depuis les premières élections l’AKP a commencé à prendre le pouvoir de l’État, l’AKP avait des relations avec la communauté Gülen qui avait gagné en popularité en particulier dans les médias internationaux. Même Erdoğan lui-même a déclaré dans un récent meeting, qu’il a eu des relations avec la communauté Gülen et qu’il a été trompé. Il a présenté ses excuses au peuple.
Fethullah Gülen, qui est une autorité et un chef religieux a eu une influence croissante sur la politique turque dans les trente dernières années. Cette influence croissante a atteint le pouvoir politique avec l’AKP et a ouvert la porte, pour l’organisation, à des positions importantes à l’intérieur des organismes importants de l’État. Le pouvoir actuel de l’AK a également bénéficié de cette position. L’identité du parti conservateur a permis cela. Fethullah Gulen a été considéré comme un important chef spirituel jusqu’à ces quatre dernières années par les membres du parti et Erdoğan lui-même. Le point d’orgue de cette lutte pour le pouvoir au cours des quatre dernières années, en raison de divers calculs politiques et économiques est cette tentative de coup d’État. Compte tenu de la profondeur de leurs relations et des relations des comploteurs avec la communauté, le processus définit quelque chose de très différent par rapport aux contradictions classiques entre kémalistes et conservateurs. Ceci est un conflit d’intérêts. Gulen et sa communauté, qui sont accusés de trahison par le pouvoir politique, sont une partie de ce partenariat cassé.

Scénarios
Puisque la question est le pouvoir politique de l’État, il est évident que l’affrontement politique des groupes à l’intérieur de l’État a une incidence dans les systèmes internationaux. Depuis le jour de la tentative de coup d’État, à un moment où toutes les chaînes de télévision, les journaux, les radios - sauf ceux qui sont révolutionnaires – ont diffusé divers scénarios en continu et sont encore dans ce processus. La plupart des scénarios affirment que le coup d’État a été fomenté par les États-Unis avec la main de Gulen, en raison du fait que Gulen réside aux États-Unis. Les scénarios parlent souvent de la tentative de coup d’État comme d’une action conçue par la CIA, en raison de la politique anti-occidentale internationale de l’État turc.
D’autres scénarios disent que la tentative de coup a été conçue et exploitée par l’AKP et Erdoğan lui-même. Ces autres scénarios soulignent que Erdoğan, qui renforcerait son pouvoir à la suite de ce processus, en profiterait pour éliminer toute opposition. Bien sûr, la politique d’oppression contre les Kurdes jouent un rôle important dans la création de ce contexte. L’AKP, le CHP, le MHP qui ont agi pour « l’unité de la démocratie » depuis le début du processus, a suivi une politique qui a abandonné explicitement le HDP (parti pro-kurdes), créant une prétendue « coalition de la démocratie », accusant le HDP accusant et le mouvement kurde d’être une partie du coup et mettant ainsi le HDP hors jeux.
Un autre scénario est celui de la guerre. Dans ce scénario, à la suite des opérations violentes qui se produisent depuis un an, en particulier dans le nord du Kurdistan, il est souligné que l’État se prépare pour des massacres à même de plus grandes échelles. Dans une conjoncture, où la ligne entre la guerre civile et la guerre étrangère, a disparu au cours des dix dernières années, on ne peut pas ne pas penser que l’un des fronts de la guerre sera dirigé vers la Syrie et Kurdistan syrien (Rojava). Considérant la Syrie et la mobilisation au Moyen-Orient, il est possible que le processus de coup d’État fasse partie d’autres projets internationaux.

État d’urgence pour qui ?
Il est important pour nous, anarchistes révolutionnaires, d’analyser ainsi tous les scénarios ci-dessus ainsi que les possibilités en ce qui concerne nos perspectives proches et éloignés. Nous avons besoin de stratégies révolutionnaires en lien avec ces perspectives. Cependant, en dehors de tous ces scénarios, nous, en tant que révolutionnaires, subissons les répercussions pratiques de l’État d’urgence depuis le 20 Juillet.
L’État est dans un processus de reconstruction depuis le 20 juillet. Les opérations dans l’armée, la police, justice, les centres économiques, les ministères, les municipalités, etc. sont toujours en cours. L’État, qui est un mécanisme d’oppression et de violence, devient plus oppressant et plus violent avec cette législation, et, en dehors des sections liées à la communauté Gulen, il augmente les attaques contre les révolutionnaires, en tirant parti du processus.
L’opposition populiste engagé avec le pouvoir, les grands médias qui sont devenus la voix du pouvoir politique, l’application des lois relevant directement de Erdoğan, le fascisme de masse prêt à mobiliser les valeurs islamistes nationalistes, l’armée prête à attaquer de nouvelles zones... Ce sont les possible dangers qui guettent les opprimés et les révolutionnaires dans cette région.

La lutte des groupes revendiquant le pouvoir politique, en dehors de l’injustice économique et politique; n’est rien d’autre que l’hégémonie des oppresseurs afin de détruire la liberté des opprimés. Ni la dictature apparente ou réelle, ni le pouvoir militaire ou civil, ni les coups ou les élections des pouvoirs politiques, qui sont les ennemis du peuple, n’ont de relations avec les souhaits des peuples. Nous, qui croyons que la vie et la liberté ne peuvent pas être créées par un coup, ni par des élections, reconnaissons l’existence de l’État comme une attaque contre la liberté et notre révolte va durer jusqu’à créer un monde libre. Ce dont nous avons besoin n’est pas d’avoir des espoirs quant à la lutte entre les puissances, mais de savoir que l’espoir vient de la révolution pour la liberté.

Huseyin (membre DAF)

PAR : DAF
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