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Travail social
par Thierry le 17 avril 2020

Confinement : Les enfants et les personnels des foyers d’accueil

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Témoignage de T. éducateur.



Au taf on fait comme on peut... Nous avions, le vendredi précédent le confinement, décidé de ne pas faire revenir d’enfants le dimanche soir (après le week-end en famille) en attendant des consignes claires des juges et de l’ASE [Aide sociale à l’enfance]. Nous n’avions gardé et/ou récupéré que ceux pour lesquels il n’y avait pas de solutions familiales (absence de droits de visites et d’hébergement, situations de danger ou à risque important...).
Ce n’est que le mardi en fin de journée qu’une consigne des juges, relayée depuis le département, nous est arrivée : "suspension et/ou annulation de tous les DVH [note] ". Ce qui signifiait le retour de l’ensemble des enfants sur la structure.
A ce moment, nous avions déjà perdu plus de 30% de nos effectifs de salariés (sans aucun malade du covid !).
Compte tenu de cet élément, de notre implantation géographique en structure d’internat éclaté (12 places à X, 12 sur XX + 8 en studios pour grands ados, ainsi que 6 places jeunes majeurs en habitat dispersé), du fait qu’une bonne moitié de nos jeunes étaient confinés depuis 4 jours en famille, nous avons choisi de ne pas regrouper tout le monde sur une structure pas prévue pour cela.
Faute de personnel suffisant, impossible d’ouvrir les 2 structures ; sans compter que cela aurait multiplié le déplacement de personnel résidant majoritairement sur XX.
Il nous paraissait également incohérent d’entasser des enfants dans un espace réduit alors que de l’autre côté on fermait les écoles et interdisait les rassemblements...
Sont ainsi venu se télescoper plusieurs impératifs pas toujours facilement conciliables : les nécessités liées à la mission de protection de l’enfance, l’obligation d’assurer la sécurité du personnel dans des conditions de travail "raisonnables" pour tenir sur la longueur, et les obligations administratives et gouvernementales liées à la crise.
Bien entendu, il a fallu justifier ces choix et sécuriser un maximum chaque situation, les éducs se sont mobilisés : contacts téléphoniques quotidiens voire biquotidiens en fonction des situations, déplacement à domicile si pas moyen de faire autrement et avec le matériel nécessaire (masques, gants, gel hydro-alcoolique et même charlotte et combinaisons dans les cas extrêmes), rapatriement des enfants sur l’internat en cas d’urgence et/ou de doute, compte rendu quotidien aux cadres...
Nous avons fermé certains services pour ne maintenir que l’indispensable, certains se mirent au télétravail avec déplacement qu’en cas de nécessité absolue (danger, distributions de colis alimentaires, amener les devoirs pour ceux qui n’ont pas de moyens internet...), d’autres ont été mis à disposition des internats pour lisser la pression liée au confinement...
Car il faut bien comprendre que nos structure ne sont pas du tout prévues pour fonctionner sans nos partenaires habituels (école, IME [note], ITEP [note]...). Là où habituellement en journée 1 seul éducateur suffisait, il nous en faut 2 voire 3. Et si nous nous en sortons plutôt mieux que d’autres structures du département, c’est du fait de nos choix premiers et de l’incroyable mobilisation, abnégation, investissement de nos éducateurs ; de leur inventivité, de leurs capacités d’adaptation...et tout cela dans un climat de peur, avec des contrôles de police réguliers sur la route, des situations personnelles parfois complexes (garde d’enfants, personnes âgées à domicile, santé fragile et donc à risque liée à des maladies chroniques...)
Difficile également de gérer la promiscuité, la peur des enfants, expliquer l’éloignement familiale et l’impossibilité d’aller voir papa ou maman alors que parfois cela venait juste d’être accordé par un juge, dire aux plus petits qu’on ne fait plus de câlins, de bisous...encore plus compliqué la discussion avec les jeunes adultes et les ados qui avaient pour certains bien du mal à prendre la mesure de la situation sanitaire et de ce que cela impliquait ou, au contraire, avec ceux déjà bien flippés habituellement du fait de handicapes, de déficiences et qui s’enferment dans l’angoisse, les théories du complots...
Quid des fugues, de ces ados qui font des aller-retours, sans que l’on sache trop ou et avec qui ils ont trainé, faisant ainsi courir un risque à tous, mais qu’il faut bien accueillir malgré tout...
Et là encore, bravo à tous ces éducs qui n’ont jamais lâché l’affaire... C’est bien dans la difficulté que les visages se dévoilent...Ils sont invisibles, on ne parle d’eux que dans des reportages orientés qui ne reflètent pas du tout la réalité alors qu’en ce moment ils sont au charbon tous les jours et là, pas un mot...
Ils restent dans l’ombre et ne sont pas applaudi tous les soirs...
S’il y a une chose dont il faut parler c’est d’eux et de comment par tous les moyens ils gèrent un groupe sans pouvoir sortir et ponctuer la journée de balades, grands jeux de plein air, comment tout est devenu brutalement compliqué mais aussi comment ils se réinventent coiffeur, pâtissier, cuisinier, animateur , professeur, infirmier...

PAR : Thierry
groupe d’Aubenas
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