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par Evelyne Trân le 29 mars 2021

Jeunesse, tu m’en diras tant !

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De 65 à 18 ans

Il n’y a pas d’âge pour se sentir impuissant. A 65 ans, à la retraite, je me rends compte que probablement, il subsiste en moi les mêmes rêves, les mêmes aspirations que celles de mon neveu de 18 ans.

Je n’avais pas tellement de plomb dans la tête à cet âge-là mais une chose est sûre, ni la patrie, ni le travail ni la famille ne représentaient une fin ou un but pour moi. Je voulais juste découvrir le monde. A 17 ans, j’ai éprouvé combien il m’était devenu insupportable d’être enfermée dans une classe. J’étouffais littéralement. Un profond dégoût m’a submergée : je ne voyais que des grilles autour de moi et les réflexions des profs, celles de ma prof de philo en particulier me faisaient saigner. Il y avait trop de décalage entre la suffisance de ces paroles et mon ressenti. Aujourd’hui la même colère me poursuit. Je trouve cela abominable de devoir ingurgiter des pages et des pages de philosophie sans les comprendre pour obtenir le laisser passer du baccalauréat. Je n’étais pas un singe savant. Alors je me suis octroyé un peu de liberté : j’ai raté mon bac. C’était normal. J’avais été en laisse pendant une dizaine d’années à l’école, je devais faire sauter la chaine.

Il y a toutes ces chaines qui vous pendent au nez à la sortie de l’école, ces phrases tellement rouillées à force d’être usées : Il faut réussir dans la vie, travailler, fonder une famille etc. Il y a aussi ce qui résonne pour moi comme une affreuse expression : gagner sa vie.

J’aurai préféré être voleuse. Je n’ai pas été voleuse. Il y avait en moi tous les ingrédients d’une personne normale qui ne fait pas d’histoires. Je me suis intégrée dans la société comme on rentre dans un pâté de sable, ni vu, ni connu.

Si je devais plonger mon égo dans la soupe originelle, j’observerais que rien ne le distingue des autres égos, absolument rien. Mais n’importe comment, je ne suis vraiment témoin que de mon propre égo et voilà le message que je voudrais délivrer :

Aussi pauvre, éphémère, indésirable, inconsistant que soit cet ego, il importe de le consulter, d’y croire un peu car lui seul peut vous ménager un peu de liberté. Il est celui qui peut regarder encore à travers les trous de la grille. Il est celui qui sait qu’il ne pense pas forcément comme les autres. Il est celui qui sait qu’il doit lutter pour faire entendre sa voix. Il ne veut pas non plus parler nécessairement à la place des autres. Il respecte et pourquoi pas, le fait que les autres ne pensent pas, ne réagissent pas comme lui. Il n’a pas la science infuse mais son expérience, ses connaissances, il peut sinon les partager, les transmettre à d’autres alors même qu’il profite largement du savoir d’autrui.

Si j’avais un message à délivrer à un jeune, je lui dirais : Apprends à être libre et crois-moi ce n’est pas facile.




Se libérer de toutes les injonctions que l’on vous assène dès l’enfance et qui pèsent des tonnes, est-ce possible ? La réussite sociale, qu’est-ce que ça veut dire ? Que vont penser papa et maman, mes amis, ma fratrie, mon patron, mon voisin de palier, mes collègues ?

N’ai-je pas le droit de vivre selon mon idée en accord avec moi-même non pas égoïsme mais parce que j’ai le bonheur d’exister au même titre qu’une araignée, une fourmi, une sauterelle ou un escargot. Un escargot, me direz-vous, ne pense pas, mais croyez-moi, il se sent exister.

La chance d’un individu, c’est de pouvoir repartir à zéro. En vérité personne ne part de zéro. Ne sommes-nous pas programmés biologiquement et socialement ? Il est où l’espace de la liberté ?

Toujours se demander pourquoi je ne pense pas comme les autres, enfin ceux qui m’entourent, ceux que je connais car il y en a des milliers d’autres que j’ignore. A quoi cela tient-il ? A mon vécu, à mon histoire etc. ?
Ai-je le droit de le faire un peu vibrer ce sentiment de différence dont je suis au fond de moi même seul témoin ? Pourtant, je le sais cette différence elle existe ailleurs et certains luttent pour pouvoir l’exprimer.

Cultiver son espace de liberté pour garder les yeux ouverts, être voyant comme disait Rimbaud. Cultiver un peu de bonheur pour pouvoir ensuite le partager et sa case la déplacer. Apprendre à lire dans le regard d’autrui comme on regarde avec joie un beau paysage. La liberté aussi chiche soit-elle, c’est la vie !

Eze, le 29 Mars 2021

Evelyne Trân
PAR : Evelyne Trân
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le 29 mars 2021 15:36:32 par Luisa

Quel plaisir !
Un Grand MERCI et mille Bonheurs à Toi !