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par Mireille Mercier et Daniel Pinós le 12 septembre 2022

Aucun mec ne ressemble à Brad Pitt dans la Drôme

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À l’occasion de la sortie du troisième album du collectif Astéréotypie , intitulé Aucun mec ne ressemble à Brad Pitt dans la Drôme, le documentaire L’énergie positive des dieux nous fait découvrir le travail de ce groupe de musique « post-punk » aux textes atypiques et aux phrasés lunaires.
Pourquoi le collectif a choisi ce nom ? Une stéréotypie est un ensemble d’attitudes, de gestes, d’actes ou de paroles sans signification apparente reproduits inlassablement au point parfois d’entraîner des lésions, et les astéroïdes sont ces petits corps célestes, de toutes formes et de toutes dimensions, résidus de la formation du Système solaire. La contraction des deux avec un A majuscule donne naissance à « Astéréotypie ».




Accompagnés de quatre musiciens, Stanislas, Yohann, Aurélien, Kevin et la talentueuse Claire, dévoilent sur scène leurs univers artistiques détonants. Parce qu’il s’agit bien là – et le documentaire nous le montre incroyablement bien – d’un processus de libération à haute intensité émotionnelle. C’est punk, c’est rock, c’est slam, c’est hypnotique, c’est dingue, c’est décalé, c’est absurde, c’est surréaliste et drôle aussi. Une musique qui brise les préjugés.

L’aventure du collectif Astéréotypie a démarré en 2010 à l’Institut médico-éducatif de Bourg-La-Reine accueillant des jeunes autistes de la région parisienne. C’est au sein d’un atelier d’écriture que ces cinq pensionnaires ont décidé de former un groupe de musique. « On a décidé de mettre en musique les poèmes qu’ils écrivaient ensemble », déclare Christophe, éducateur spécialisé et guitariste de l’ensemble. Depuis leur premier concert au salon des associations de Bourg-La-Reine, Astéréotypie enchaîne les concerts, les radios et les télévisions avec des prestations aussi touchantes qu’intenses.

L’énergie positive des dieux est un documentaire à la poésie sauvage colérique, addictive, puissante et fragile. Le groupe Astéréotypie donne furieusement envie de crier avec ses membres. Leur musique rock électrique libère une parole qui nous embarque dans les profondeurs de l’intime.
L’énergie positive des dieux, c’est aussi la mise en image d’une performance hors du commun, celle de Christophe Lhuillier, ce guitariste éducateur passionné, à l’origine du projet du collectif Astéréotypie. Christophe encourage les jeunes artistes, canalise leur révolte et leurs mots intimes. Il est leur médiateur et le passeur de leurs expressions, mais on se rend très vite compte au fil des répétitions que cela pourrait très bien être l’inverse.

Christophe Lhuillier exprime lui aussi sa propre révolte grâce à ces jeunes artistes autistes, il fait crier sa guitare. Le processus de création révèle une aventure collective libératrice. Le groupe s’est créé en dehors de toute institution. Tous les membres ont le même statut et c’est bien là où le documentaire fait un bien fou. Il n’est plus question d’une hiérarchie dans la création ni d’une intention pédagogique en tant que telle. Entendons-nous bien, d’une pédagogie qui montrerait la supériorité de l’autorité de la normalité sur les dérives liées aux situations de handicap. Ici, il n’est question que d’expression des contraintes de la vie quotidienne de jeunes de 20 ans qui se battent pour simplement dire et être ce qu’ils sont.
Il ne s’agit donc pas de musicothérapie, d’un film sur l’autisme, mais un film sur la création artistique. La caméra suit ces jeunes artistes durant leurs séances d’écritures, de compositions, de répétitions et durant leurs concerts. En même temps que la caméra on est happé par l’esprit de liberté et par leur énergie addictive.

C’est ce « processus créatif à l’œuvre dans ce collectif » ainsi que les « relations humaines qui y circulent et rendent possible cet affranchissement collectif » que la réalisatrice a souhaité décrire. Le documentaire nous livre les angoisses, les colères, les désirs et les joies de ce groupe d’autistes. Et c’est une belle réussite.

Plusieurs fois primé dans différents festivals, Prix du Jury et Prix de la Critique au Champs-Élysées Film Festival 2021, Prix Restitution du travail contemporain au Festival Filmer le travail 2022, Prix du Public et Mention spéciale du Jury au FAME Festival 2022, Prix du Public au Festival Rock This Town 2022.

Laetitia Møller, la réalisatrice du film, a rencontré le collectif Astéréotypie en 2015, lors d’un festival de musique expérimentale à Paris. « J’ai ressenti une émotion très forte en les écoutant, et je n’ai pas perçu tout de suite qu’ils étaient autistes. Ils exprimaient un indicible qui me parlait, et j’ai eu l’impression qu’en parlant d’eux, ils parlaient de nous et de ce qu’on n’arrive pas toujours à exprimer, et ce, en toute liberté. »

Extraits de textes du collectif Astéréotypie :

« Quand il y a un anniversaire à l’Hippopotamus
Ils mettent la musique fort
Si je commande des huîtres au restaurant
Et que le serveur me dit
“Désolé monsieur y’en a plus”
Quand les gens se moquent de moi dans les centres commerciaux
Et qu’ils disent : « haha ! Haha !
Regardez il fait le fou il s’excite, haha ! Il secoue des mains »
Alors je prends mon portable et je les prends en photo pour me venger
Pour les emmerder
Ce qui me met en colère
C’est qu’il y a des gens qui disent que je suis fou
Ce qui me met en colère
C’est qu’il y a des gens qui disent que je suis fou
Ce qui me met en colère... »

« Du vélo à Saint-Malo
Du kayak à Saint-Briac
J’aime les vaches bretonnes
Elles sont bilingues elle sont mignonnes »

« C’est quoi le cachet
Je vais vous le dire
C’est un médicament qui m’empêche de lire, réfléchir
Quand je prends mon médicament, je suis tout fatigué
Ça dépend de mon médicament
La pilule bleue, quand est ce qu’on va l’arrêter ?

Mon chat a 44 ans
Une fois dans les catacombes on est tombés sur des squelettes de nazis
Ils étaient dans leur uniforme
En histoire-géo j’ai revu la 3e Guerre Mondiale
McCartney a fait ma première partie en Juin au parc de Sceaux »

« L’Énergie positive des dieux » :
Un documentaire de Laetitia Møller avec le Collectif Astéréotypie.
Laetitia Møller est journaliste en presse écrite et réalisatrice. On lui doit : Viol, les voix du silence, web-documentaire pour France Télévision et Le Mythe du pervers narcissique. En 2014, elle est lauréate du concours Infracourts avec le court-métrage Les Dames de Dosne.

Le documentaire sort en salle le 14 septembre et il fait un bien fou.

Mireille Mercier et Daniel Pinós
Un strapontin pour deux
PAR : Mireille Mercier et Daniel Pinós
Un strapontin pour deux. RL
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1

le 12 septembre 2022 19:51:59 par Eyaflalajokül

Merci pour ce formidable article ! et pour le passage de l’info d’un groupe que je connaissais pas. Bravo en leur souhaitant une longue très longue carrière.