La Planète se dégrade

mis en ligne le 24 avril 2003

G8 environnement, Paris : 25-27 avril

les inégalités sociales se renforcent

DÉVELOPPEMENT, progrès et respect de l'environnement sont des idées qui font consensus depuis longtemps, à droite comme à gauche. Pourtant, ce « progrès » et ce « développement » sont parfaitement contradictoires avec le respect de l'environnement et apparaissent de plus en plus clairement comme des impasses pour l'humanité et la planète tout entière.

Durant deux siècles, le développement économique et les découvertes techniques ont favorisé une production de biens croissante ainsi qu'une augmentation permanente des capacités de production. Loin d'alléger le fardeau du travail, les gains énormes de productivité sont utilisés à produire toujours plus. Les sociétés, d'abord européennes, se sont trouvées entraînées par le capitalisme dans une logique productiviste qui finit par être érigée en valeur commune et présentée comme fin en soi.

Ce productivisme est inhérent au capitalisme, fondé sur une concurrence effrénée qui implique pour toute entreprise de produire à moindre coût, sans considération de l'exploitation des travailleurs et des travailleuses ni des dégâts qu'elle occasionne sur l'environnement.

Toute idée de progrès a donc été liée à cette frénésie productiviste. La question sociale, nous disait-on, trouverait sa solution dans l'abondance. Le bonheur de l'humanité serait obtenu par l'effet conjugué de la science et de la technique, sans considérer qui décidait et donc qui maîtrisait les choix. La question écologique n'était évidemment pas évoquée. À l'heure où le capitalisme s'est étendu à l'échelle de la planète, force est de constater que les bilans sociaux et écologiques sont bien négatifs. Si dans les vieux pays industrialisés l'exploitation des êtres humains peut paraître moins sauvage qu'au siècle dernier, à l'échelle mondiale on peut considérer que l'exploitation économique des hommes, des femmes, des enfants s'est considérablement renforcée.

La planète se dégrade
C'est la globalisation du modèle économique présenté comme seule voie possible, le capitalisme, qui génère une dégradation sans cesse plus grande de la planète. Dégradation sans limite qui atteint l'irréversible: les réserves d'eau, les sols, la diversité du vivant, les conditions de vie des populations.

Les financiers et les industriels mènent leurs projets d'une main de fer dissimulée dans le gant de velours de l'idéologie du développement infini et du progrès économique. Évoluant par delà les frontières et à travers l'OMC, la BM, le FMI, ils dictent des orientations qui ne répondent qu'à leurs seuls intérêts économiques et à leur préoccupation de maintenir leur domination sur le monde.

À leurs côtés, de multiples complices dissimulés sous des oripeaux de toutes couleurs tentent de donner au capitalisme une odeur plus « fleur bleue » et le conseillent sur les initiatives favorables à une moindre dégradation de la nature; ils voudraient nous faire avaler la couleuvre d'un capitalisme édulcoré, soidisant respectueux de l'environnement, porteur d'un « développement durable ». Les ténors des organisations ouvrières réformistes, trotskistes et staliniennes, de même que les nouveaux sociaux-démocrates à la mode Attac, en choisissant de composer, chacun à leur manière, avec le capitalisme, ont véhiculé et véhiculent encore une idéologie producti- viste inséparable de l'exploitation du travail humain.

Pire, ils réclament la restauration de l'État, son meilleur contrôle de l'économie capitaliste. Certains vont même jusqu'à prôner l'instauration d'un super-gouvernement mondial. De la même manière, bien qu'égratignant certains pans de l'idéologie productiviste, les écologistes élevés au grain libéral ou social-démocrate laissent en suspens la résolution radicale de la question écologique en faisant croire que des aménagements successifs pourront permettre de faire évoluer les mentalités, alors que c'est aux populations elles-mêmes de décider de l'utilité sociale de leurs activités.

Démasquer les chimères Se cantonnant dans la proposition de solutions techniques, ces aménageurs environnementalistes ne conçoivent pas de remettre en cause ce système générateur des principales catastrophes écologiques passées, présentes et à venir. Ils favorisent une vision parcellaire du problème écologique. Nous ne pourrons aborder sérieusement l'exploitation outrancière de la nature sans considérer son pendant, procédant du même processus, l'exploitation de l'homme par l'homme.

Les catastrophes telles les inondations exceptionnelles se succèdent à des rythmes hallucinants, faisant toujours plus de dégâts et de victimes. Le dérèglement climatique accusé apparaît être directement lié à des effets résultant des activités humaines et plus particulièrement de celles de la dernière période industrielle et capitaliste.

L'influence de ces facteurs, dont l'importance n'est pas encore clairement définie, ne doit cependant pas occulter le rôle tout aussi déterminant de l'aménagement des territoires. Des responsabilités tentent aujourd'hui de se camoufler derrière un bouleversement climatique érigé en nouvelle fatalité.

Autre exemple: la construction de grandes infrastructures ouvre la voie à l'expansion du marché mondial et soumet les populations aux impératifs de l'économie capitaliste globalisée, à une division internationale du travail totalement irrationnelle, provoquant la destruction de la petite activité productive traditionnelle et des économies locales ou régionales autocentrées.

L'augmentation des kilomètres que les marchandises sont amenées à parcourir est particulièrement évidente dans le cas des produits alimentaires. La politique agricole commune européenne encourage la production à grande échelle et, dans le même temps, augmente la distance de transport des aliments consommés en fin de parcours. 70 % du trafic actuel est en réalité superflu. La circulation incessante des marchandises comme des êtres humains, l'obsession du « temps gagné » est le contraire de la liberté, ce sont des dispositifs qui renforcent encore davantage le sentiment d'impuissance et la soumission.

Le sauvetage de la planète ne saurait s'entrevoir sans se libérer du règne de la marchandise qui atteint tous les aspects de notre existence. Il faut lire le dessous des cartes de ce gigantesque poker menteur que jouent les financiers de tous les pays en pillant des ressources qui appartiennent à toutes et à tous, populations d'aujourd'hui comme générations futures. Partis, syndicats dans leurs versions passéistes ou rénovées se placent dans une même dynamique, de la même façon que les ONG ou autres associations.

Certains se désintéressent de la question écologique en continuant à nourrir la chimère de la croissance économique, d'autres abordent les dégradations imposées à la planète sans analyser leurs causes sociales, économiques et politiques. Ainsi est-il indispensable de lier la question de l'écologie aux choix de société. Si, à travers le monde, se développe encore le modèle capitaliste, nous pouvons être assurés d'un futur peu reluisant en termes d'écologie, de paix et de progrès social.

ClaG8