Ils veulent nous tuer

mis en ligne le 16 février 2006

Ces mots étaient peints sur une banderole lors d'une mutinerie de prisonniers en 1985. Ils étaient jetés à la face de la société, balancés à l'extérieur par ceux de l'intérieur. « Ils veulent nous tuer. » C'est ce que nous sommes nombreux à ressentir aujourd'hui, du bon côté, celui où l'on est « libre et citoyen ». Parce que tout simplement on ne peut que survivre avec des boulots précarisés, la peur au ventre de ne pas y arriver, de ne pas payer le loyer, ni offrir des vacances à ses gosses, ni rembourser les crédits, avec l'angoisse du grand plongeon dans la misère, l'exclusion, la rue. Nous vivons une terrifiante et paralysante insécurité sociale qu'un de mes voisins résumait plus crûment : « Ces ordures nous tiennent par les couilles! »

Une autre insécurité, celle-ci mise en scène dans un grand show sécuritaire médiatique et quotidien, a offert aux politiciens la possibilité de « briser un tabou sur la sécurité » (PS), puis de prôner la « tolérance zéro » (Sarkozy). La machine à punir marche à plein rendement et ne peut que se développer et s'emballer, tout à l'image du capitalisme.

Une proportion importante de sondés (70% selon certains sondages) rejette la politique sociale du gouvernement. La même proportion soutient sa politique sécuritaire! C'est avec le sécuritaire qu'il gagne, du moins pour l'instant. Mais que gagne-t-il ? Il gagne à faire grimper le « trouillomètre » le plus haut possible.

Le gouvernement ne sera pas victorieux sur la bataille de l'emploi et il le sait. Des travailleurs qui sont terrifiés, désarmés, seront incapables de voir que le remède sécuritaire implique une logique aux conséquences infiniment plus graves que le mal censé être combattu.

« La peur c'est le chantage du pouvoir », chante Bernard Lavilliers. Lorsque la raison, la solidarité et la combativité s'effondrent ; lorsque les individus ont peur, se sentent faibles, alors l'homme providentiel, fort, courageux est là, en embuscade. Sarkozy aujourd'hui ou un autre demain, il est toujours là, ministre à poigne, Bon Berger ou Duce, mais ça peut-être aussi une Dame... de fer. Cette hystérie sécuritaire avec sa théorie de la tolérance zéro est l'autre volet d'une guerre menée contre les acquis sociaux, des acquis qui partent en lambeaux, des acquis qui portent mal leur nom. Car rien n'est jamais acquis dans une société de classes.

On peut dresser le bilan des défaites, lister toutes les mesures antisociales adoptées. Mais prenons garde de ne pas sombrer dans le défaitisme ou de regarder tout ça comme un mauvais film. Ce serait faire injure à une autre réalité: s'il y a des défaites c'est aussi parce qu'il y a des combats. Et il y en a des combats, des luttes, des résistances, qui ne sont qu'une infime partie de cette colère encore contenue qui finira bien par se libérer un jour.

Ces prochains jours la jeunesse va certainement se mobiliser contre le CPE. La jeunesse est punie par ce CPE. Une punition, aussi, ce retour à l'apprentissage à 14 ans adopté en réponse aux émeutes de banlieues. Une autre punition pour les jeunes prolos que le travail de nuit à 15 ans légalisé. Ça c'est la punition UMP.

2007, l'alternance? Ça vous tente, la punition sauce Royal : « Il faut rétablir l'autorité parentale et rétablir une sorte de service national au moins 6 mois. Sa suppression a été une grave erreur. C'était le seul endroit où les jeunes qui n'avaient pas été cadrés avait une chance de l'être. »

Je vous l'ai dit, ils veulent nous tuer!

Laurent, groupe libertaire d'Ivry