Insoumis : les arrestations continuent

mis en ligne le 14 mars 1985
Le 23 janvier, Patrick Aguiar, incarcéré depuis septembre 1984, comparait devant la 10e chambre correctionnelle du tribunal de Paris pour insoumission et refus d'obéissance. Verdict : 15 mois ferme.
Le 3 février, dur réveil pour Fabien Duplaa, insoumis depuis près de deux ans. Arrêté à son domicile par les gendarmes de Tocane-Saint-Apre, il est conduit à la caserne du 5e chasseur de Périgueux, où il est placé aux arrêts et à l'isolement.
6 février : Thierry Maricourt, condamné le 26 octobre 1983 à six mois ferme pour insoumission, se présente à la gendarmerie d'Amiens. Le soir même, il est écroué à la maison d'arrêt et entame une grève de la faim illimitée. 6 février toujours : Fabien Duplaa est transféré de Périgueux à Bordeaux où il comparait à la sauvette devant le tribunal correctionnel sans avoir pu ni joindre sa famille ni choisir son avocat. Verdict : 15 mois ferme.
Le 13 février, c'est au tour de Serge Beausoleil d'être arrêté à son domicile. Condamné en 1984 à six mois de prison pour insoumission, il est conduit à la maison d'arrêt de Périgueux où il entame, lui aussi, une grève de la faim illimitée.
Le 25 février: Guy Uet, insoumis depuis 1983, est arrêté à Toulouse au cours d'un contrôle d'identité. Conduit à la gendarmerie locale, il est transféré le lendemain à la caserne d'Angoulême où il est placé aux arrêts. 25 février encore, Dominique Seel, insoumis depuis décembre 1984, est arrêté au domicile de ses parents à Pontarlier. Conduit à la caserne par les gendarmes, il refuse l'uniforme qu'on lui présente. Inculpé de refus d'obéissance, il est immédiatement écroué à la maison d'arrêt de Dijon.
Six ! Ils sont six, à l'heure qu'il est, à être encagés pour n'avoir pas voulu ni marcher au pas ni apprendre à tuer. Ils sont six à tourner en rond dans une cellule grise, à faire les cent pas d'une porte verrouillée à une fenêtre grillagée. Ils attendent. Ils écoutent. Ils espèrent. Ils sont aux aguets derrière les murs-angoisse de la prison. Ils sont encagés mais ils restent debout, fidèles à leurs convictions. Ils sont encagés mais ils se battent encore, ils se battent toujours.
Thierry et Serge ont jeté dans la bataille qui les oppose à l'armée et à la justice leur dernière carte, leur ultime joker. Ils sont tous deux en grève de la faim illimitée depuis plus d'un mois. C'est dur. Très dur. Les journées sont interminables, paraît-il et les souffrances physiques se font chaque jour plus douloureuses.
Aux dernières nouvelles, ils avaient perdu une dizaine de kilos chacun et Thierry commençait à avoir des problèmes rénaux tandis que Serge souffrait de complications pulmonaires. Ils serrent les dents et ils continuent. Ils sont actuellement à l'isolement mais les messages qu'ils nous font malgré tout parvenir sont pleins d'espoir. Ils y croient. Ils croient en eux, en leur détermination. Ils croient en nous aussi, à notre soutien sans relâche, à notre solidarité tous azimuts. Mais il ne s'agit pas de faiblir. Maintenant, c'est une question de jours, d'heures peut-être. Il faut qu'ils sortent. Il faut les sortir. À tout prix. Avant que le bras de fer qu'ils ont engagé contre le pouvoir ne se transforme en partie de roulette russe.

Pierre Martial