France, terre de contrats

mis en ligne le 17 février 2011
1623FrancafricAlliot-Marie, fort marrie par des remontages de bretelles médiatico-politiques à répétition, au sujet de son offre de service à la dictature tunisienne en pleine phase de déliquescence et de ses vacances de nabab dans ce même pays, proteste, s’insurge, vitupère, s’enlise dans de pitoyables tentatives d’auto-amnistie. Les socialistes singent la colère et l’indignation : Démission ! Qu’elle parte, qu’elle parte !  Pendant ce temps, le bizness prospère. Ah bon, mais c’est la crise, nous dit-on ! Mais pas partout : Panhard, un fleuron de l’industrie nationale, se frotte les mains et fait cliqueter ses tourelles. Le fabricant de blindés légers, après une période morose, voit la vie en rose en songeant aux promesses d’achat des nombreuses dictatures plus ou moins tunisoïdes ou égyptomorphes qui commencent sérieusement à blêmir en imaginant que tous les gueux encombrant « la rue arabe » – comme on dit sur TF1 et autres « médiacres » – pourraient bien les faire dégager au plus vite. Alors, quand le danger est là, un équipement de qualité s’impose. Qualité France bien sûr ! Panhard en propose à foison (« Une gamme complète d’engins à roues pour le soutien, la sûreté et le combat de contact », selon le slogan qui ouvre leur site web). Je vous conseille la page de leur site qui indique la présence dans le monde des engins de cette firme. Un planisphère piqué de points rouges montre avec éloquence qu’à part la France et quelques points disséminés en Amérique centrale, du Sud et en Europe, l’essentiel des ventes d’engins guerriers Panhard se fait dans le golfe Persique et en Afrique. Ah la Françafric, y a que ça de vrai !
Le Moyen-Orient et le Golfe ont peur et, plutôt que s’armer de patience, préfèrent les blindés légers. Les rues du Caire sont quadrillées par des chars lourds, peu adaptés à la guérilla urbaine ; il faut des engins non chenillés, rapides et maniables, avec une bonne puissance de feu tout de même. Et Panhard est là pour ça, je vous dis ! Panhard, c’est le pied, comme on dit dans les pétrodictatures du Golfe (Arabie saoudite, Bahreïn, Émirats arabes unis, Oman, Qatar 1, etc.) et en Lybie, où Kadhafi lorgne sur 120 blindés. Les demandes de devis affluent, apprend-on du PDG de cette entreprise dans un entretien aux Échos. L’heureux patron estime à plusieurs centaines les commandes potentielles. Du 20 au 24 février se tient le salon de l’armement Idex, aux Émirats arabes unis. Heureux hasard de l’histoire. Néanmoins, le journaliste des Échos fait remarquer que des promesses d’achat aux ventes réelles, il y a souvent un monde. Mais là, avec tout ce stress subi par les potentats du coin, les ventes devraient bel et bien se réaliser dans les meilleurs délais. « Merci aux Tunisiens et aux Égyptiens », pourrait avoir la malice de s’exclamer le marchand de canons. Reste que ce marché en pleine croissance est insuffisant pour satisfaire ce patron de choc. Heureusement, Sarkoland, tout à sa bienveillante mission de sauvegarde de la fierté nationale, a permis à l’entreprise Panhard de réaliser en 2010 un chiffre d’affaires record. L’emploi, le fric, la barbouzerie et l’honneur sont saufs…




1. Le Qatar, ce pays qui accueillera la Coupe du monde de foot en 2022 (voir l’article de Stéphane Lhomme dans Le Monde libertaire, n°1617).