Knobelspiess libéré

mis en ligne le 23 janvier 1986
Knobelspiess libéré... C’est la faute à Badinter ! Ainsi, ils ont osé. Après des années d’errance et de désespoir, Roger Knobelspiess est sorti libre au terme de son procès aux Assises de l’Essonne.
Ainsi la lutte aura payé. Les intellectuels frileux, ceux qui ont lâché Roger au moment de son arrestation et de son inculpation peuvent revenir à sa table... L’honneur est rendu. Il reste les autres bien sûr. Les supposés complices qui ont pris le maximum. Un peu comme si les jurés avaient donné une prime au charisme et au talent. Ou une seconde chance, peut-être.
Quoiqu’il en soit, le dénouement satisfaisant de cette affaire masque en réalité le problème fondamental qui reste celui de l’enfermement. Pour un Knobelspiess libre, combien d’hommes sont-ils roués de coups aujourd’hui même, à l’instant même où ce journal paraît. On brutalise, on humilie, on frappe...
L’univers carcéral, huis clos entre les huis clos, inimaginables pour les « gens honnêtes », se perpétue par le cycle infernal : désobéissance, répression, quartier d’isolement aux couvertures tachées de sperme et de sang séchés. La prison n’est pas seulement un lieu où l’on travaille pour Kodak à mettre des pellicules dans des boîtes en carton pour quelques francs. Ce n’est qu’un aboutissement, une pénitence, un lieu punisseur contre ceux qui ont transgressé aux règles qu’en fait ils n’avaient pas choisies. Ils n’avaient pas choisi la misère, l’injustice sociale, comme il leur semblait que se retrouver un jour un numéro d’écrou était un devenir hypothétique.
Je ne veux parler ici que de la petite délinquance, la plus visible, celle des auto-radios et des mobylettes volées... Celle qui ne verra jamais le jour, car une fois les portes de la prison ouvertes, c’est avec un peu de chance celles de l’usine qui s’ouvriront... ou alors la récidive. L’histoire de Roger Knobelspiess est typique à cet égard et caractéristique du processus. La lutte contre les Q.H.S., devenus quartiers d’isolement, ne doit pas cesser ; et celle contre la misère sociale non plus !